Selon un rapport sur le marché européen du E-commerce BtoC (direct au consommateur), portant sur 38 pays et publié conjointement par la fédération Ecommerce Europe et EuroCommerce, la croissance du commerce en ligne européen est restée modeste en 2023 mais les perspectives sont positives pour 2024. Dans ce contexte, la concurrence d’acteurs extra-européens ne respectant pas les mêmes normes devient une préoccupation majeure. Revue de détail.
En 2023, le secteur européen du commerce en ligne BtoC (direct au consommateur) a progressé de 3 %, soit une modeste accélération (+2% en 2022), selon l’étude d’Ecommerce Europe*. Dans le contexte d’un ralentissement de l’inflation -de 8,5 % en 2022 à 6,1 % en 2023-, le chiffre d’affaires nominal est passé de 864 à 887 milliards d’euros (Md EUR). Au-delà de ces indicateurs globaux, les disparités de croissance ont été importantes en fonction des régions, le rapport traitant une Europe élargie à 11 pays non membres de l’Union européenne (UE).
En recul de -1 %, à 596 Md EUR de chiffre d’affaires, soit 67 % du total, l’activité du commerce en ligne BtoC de la zone Europe de l’Ouest (incluant France, Allemagne, Belgique, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni), traditionnel moteur du secteur BtoC en Europe, marque le pas. L’Europe du Nord (Pays scandinaves, pays baltes), avec 56 Md EU, est également en recul de -5 %.
Une tendance qui contraste avec celle constatée ailleurs : le chiffre d’affaires du commerce en ligne BtoC a progressé de 14 % en Europe du Sud (Espagne, Italie, Grèce, Portugal), à 166 Md EUR, et de 15 % en Europe de l’Est, à 17 Md EUR. Même démonstration de résilience en Europe centrale, où l’activité a progressé de 8 %, à 79 Md EUR.
E-commerce : un taux de pénétration élevé
En 2023, 71 % de la population européenne âgée de 16 à 74 ans a effectué des achats en ligne. Le classement par zones est le suivant :
N°1 Europe du Nord, 83 %.
N° 2 Europe occidentale, 82 %
N° 3 Europe centrale, 70 %
N° 4 Europe du Sud, 59 %.
N° 5 Europe de l’Est (qui comprend de nombreux pays extérieurs à l’UE), 53 %.
D’après le rapport, « le marché e-commerce européen est toujours aux prises avec un certain nombre de facteurs qui ralentissent sa croissance depuis 2022 parmi lesquels l’inflation, les coûts liés à l’intégration d’avancées technologiques, la mise en place de modèles plus durables et l’adaptation aux nouvelles réglementations en matière d’environnement ». Autre frein relevé par l’étude : « la concurrence accrue de la part d’acteurs extra européens lesquels échappent souvent à l’application des normes européennes ». Une allusion au rouleau compresseur des plateformes telles que les Chinoises Temu ou Shein.
Le rapport de 2024 comprend des chiffres corrigés de l’inflation pour l’Europe et ses régions. Sur ce front, on va vers du mieux : « le taux d’inflation prévu pour 2024 devrait atteindre un niveau plus normal se situant à 2,7 % », après 3 % en 2023. Les prévisions de croissance pour 2024 sont également optimistes avec une croissance « plus robuste » du chiffre d’affaires global de 8 %, « reflétant un rebond de la confiance des consommateurs et des dépenses dans l’ensemble de l’Europe ».
Inquiétude face à la concurrence déloyale des acteurs extra-européens
Parmi les sujets de préoccupation du moment des E-commerçants : les nouvelles réglementations européennes. D’après le rapport, les entreprises éprouvent par exemples des difficultés « dans l’interprétation et l’application des principes posés par le Règlement sur l’intelligence artificielle (IA Act) dans la mise en œuvre de nouveaux outils destinés à améliorer l’expérience client, notamment en matière de retours et de SAV ». Par ailleurs, le secteur « développe ou consolide également les activités de seconde main à travers la vente de produits reconditionnés ou d’occasion afin de répondre à la demande croissante des consommateurs et se conformer à la nouvelle législation ».
Mais le principal sujet de préoccupation reste la concurrence déloyale des acteurs extra européens et notamment asiatiques, sujet pour lequel les acteurs du secteur appellent les décideurs européens à plus de fermeté.
« Avant toute chose, nous devons garantir des conditions de concurrence équitables et une application efficace des réglementations de l’UE pour l’ensemble des acteurs actifs sur le marché européen, indépendamment de leur implantation géographique, souligne ainsi Luca Cassetti, secrétaire général de l’association Ecommerce Europe. De même, il est primordial que les politiques publiques se concentrent sur le respect du principe de neutralité des canaux, et la poursuite des objectifs de simplification pour les entreprises à l’image des préconisations contenues dans notre Manifeste. »
Même son de cloche chez EuroCommerce : le commerce en ligne européen est « confronté à de nombreux défis liés à la concurrence internationale, aux disparités concernant l’adoption des technologies ou aux difficultés d’adaptation à la nouvelle législation européenne, souligne Christel Delberghe, sa directrice générale. Dans un tel paysage concurrentiel, la capacité d’innovation et d’adaptation à ces conditions changeantes sera déterminante pour la réussite des acteurs économiques. Les autorités devront également veiller à ce que la législation européenne soit appliquée de manière juste pour l’ensemble des acteurs intervenant auprès des consommateurs de l’UE. »
C’est l’une des raisons pour lesquelles Bruxelles, comme Washington, ont décidé de s’attaquer cette année à la taxation aux frontières des petits colis importés.
C.G
*L’intégralité du rapport (en anglais), de 91 pages, est en ligne sous format Pdf : cliquez ICI