L’on savait que l’Union européenne, à l’instar des États-Unis, allait revoir sa législation sur les exemptions de droits de douane sur les petits colis pour endiguer le tsunami des importations de produits à bas coûts via les plateformes installées dans les pays tiers, notamment chinoises. La Commission vient de dévoiler sa « boite à outils » pour lutter contre ce phénomène porteur de risques pour les consommateurs et les commerçants européens, et de lancer un appel à la mobilisation générale de « l’équipe Europe » pour la mettre en œuvre.
[Mis à jour le 06/02 15H30-Procédure concernant Shein]
Suppression des exemptions de droit de douane sur les petits colis, lancement de contrôles douaniers, protection accrue des consommateurs, application des lois sur les services et marchés numériques… La Commission européenne a dévoilé le 4 février sa « boite à outils » pour lutter « contre les risques liés aux importations de faible valeur vendues par l’intermédiaire de détaillants en ligne et de places de marché de pays tiers accueillant des professionnels de pays tiers ». Ces actions s’inscrivent dans le cadre de sa communication sur le commerce électronique et notamment ce qu’elle a appelé la « boîte à outils complète de l’UE pour un commerce électronique sûr et durable ».
Il y a une forme d’urgence : l’an dernier, près de 4,6 milliards d’envois d’une valeur inférieure à 150 euros sont entrés sur le marché de l’UE, soit 12 millions par jour, deux fois plus qu’en 2023 et trois fois plus qu’en 2022 ! A 91 %, ces colis viennent de Chine. Or, « beaucoup de ces marchandises se sont avérées non conformes à la législation européenne », qu’il s’agisse de contrefaçons ou de produits potentiellement dangereux, de l’ordre des deux tiers. Outre que cela nuit à la sécurité des consommateurs, cela génère une concurrence déloyale pour les commerçants européens. Sans compter l’empreinte environnementale et climatique négative.
« Empêcher les produits non conformes d’entrer » et « garantir une concurrence loyale »
Des plateforme chinoises comme Temu et Shein, sont dans le collimateur. Celle-ci a été récemment informée du lancement d’une action coordonnée à son encontre, émanant du Réseau de coopération en matière de protection des consommateurs (CPC), qui rassemble les autorités nationales de protection des consommateurs, et de la Commission.
Demande d’information à Shein en vertu du DSA
La Commission a adressé à Shein, le 6 février, une demande formelle d’informations en vertu de la législation européenne Digital Service Act (DSA). Dans le détail, Bruxelles demande à la plateforme chinoise de lui fournir des documents internes et des informations plus détaillées sur les risques liés à la présence de contenus et de biens illicites sur sa place de marché, sur la transparence de ses systèmes de recommandation et sur l’accès aux données pour les chercheurs qualifiés. En outre, la Commission lui demande de fournir des informations détaillées sur les mesures adoptées pour atténuer les risques liés à la protection des consommateurs, à la santé publique et au bien-être des utilisateurs ainsi que des précisions sur la protection des données à caractère personnel des utilisateurs.
« Alors que le commerce électronique est en plein essor, nous devons intensifier nos efforts pour empêcher les produits non conformes d’entrer sur le marché de l’UE et pour garantir une concurrence loyale pour les opérateurs européens et des pays tiers, justifie Maroš Šefčovič, commissaire en charge de la Sécurité économique et du commerce. Nos autorités douanières sont les premières à se placer à la frontière, c’est pourquoi nous devons les doter des instruments appropriés pour renforcer nos capacités d’application de la loi, en étroite coopération avec d’autres autorités qui jouent un rôle déterminant dans le contrôle des marchandises entrant sur le marché de l’UE. L’ambitieuse réforme de l’union douanière présentée par la Commission en mai 2023 devrait supprimer l’exonération des droits de douane pour les colis de faible valeur et renforcer le contrôle grâce à la proposition d’une autorité douanière de l’UE et d’un centre de données douanières de l’UE. Cela changerait véritablement la donne pour uniformiser les règles du jeu pour les acteurs du commerce électronique ».
Il est l’un des trois membres de l’exécutif européen à porter cette action, avec ses collègues Henna Virkkunen, vice-présidente en charge de la souveraineté, sécurité et démocratie numériques et Michael McGrath, commissaire en charge de la Protection de la démocratie, de la justice, du droit et des consommateurs.
Le contenu de la « boite à outils »
La boite à outils présentée par la Commission européenne et pour laquelle elle appelle à une mobilisation des États membres au sein d’une « équipe Europe » vise à contrer cette vague. Elle contient des instruments dont l’UE dispose déjà et met en lumière les initiatives qui sont actuellement examinées par les colégislateurs (Conseil et Parlement). S’y ajoutent de nouvelles actions conjointes qu’elle propose de développer. Voici les principaux :
1/- La réforme douanière : la Commission appelle les colégislateurs à adopter rapidement le projet de réforme de l’Union douanière, permettant ainsi la mise en œuvre rapide de nouvelles règles visant à uniformiser les règles du jeu dans le domaine du commerce électronique. Il s’agit notamment de la suppression de l’exonération des droits pour les colis de faible valeur d’une valeur inférieure à 150 euros et du renforcement des capacités de contrôle, telles qu’un meilleur partage des données et une meilleure évaluation des risques.
La Commission invite également les colégislateurs à envisager d’autres mesures, telles que des frais de traitement non discriminatoires, pour les articles de commerce électronique importés directement par les consommateurs dans l’UE, afin de réduire les coûts d’échelle liés à la surveillance de la conformité de milliards de ces envois avec les règles de l’UE.
2/-Des mesures ciblées pour les marchandises importées : ces mesures comprennent notamment le lancement de contrôles coordonnés entre les douanes et les autorités de surveillance du marché, ainsi que des actions coordonnées en matière de sécurité des produits, comme le lancement du tout premier sondage à grande échelle pour tester la conformité des produits.
La Commission estime que de telles actions devraient conduire à retirer du marché les biens non conformes et contribuer à la collecte de preuves pour alimenter l’analyse des risques et les actions complémentaires. À l’avenir, les contrôles seront intensifiés pour certains opérateurs, marchandises ou flux commerciaux, sur une base glissante, à la lumière de l’analyse des risques. « Plus le taux de non-conformité est élevé, plus le niveau de vigilance doit être élevé aux étapes subséquentes, tandis que les sanctions doivent refléter les cas de non-conformité systématique » insiste la Commission.
3/- Protéger les consommateurs sur les places de marché en ligne : il s’agit de mettre en évidence les pratiques de commerce électronique en tant que priorité d’application claire en vertu de la législation sur les services numériques, ainsi que d’outils tels que la législation sur les marchés numériques, et ceux qui s’appliquent à tous les professionnels : le règlement général sur la sécurité des produits, le règlement de coopération en matière de protection des consommateurs et le réseau de protection des consommateurs.
4/-L’utilisation d’outils numériques, qui peuvent contribuer à faciliter la supervision du marché du commerce électronique grâce au « Passeport Produit Numérique » et aux nouveaux outils d’IA pour la détection des produits potentiellement non conformes.
5/-La protection de l’environnement, y compris l’adoption du premier plan d’action sur le Règlement sur l’écoconception pour des produits durables, et l’appel à l’adoption rapide de la modification ciblée de la directive-cadre sur les déchets.
6/-Responsabiliser les consommateurs et les professionnels : il est préconisé le lancement de campagnes de sensibilisation aux droits des consommateurs, aux risques et aux mécanismes de recours.
7/-La coopération et le commerce internationaux, y compris l’organisation d’activités de formation sur les règles de l’UE en matière de sécurité des produits et l’évaluation de tout élément de preuve susceptible d’apparaître concernant le dumping et les subventions.
« La Commission invite les États membres à s’unir pour jouer un rôle fort au sein de l’Équipe Europe afin d’améliorer l’efficacité des actions prises par les autorités nationales et la Commission, conclut le communiqué.
Les prochaines étapes
La Commission compte, après la présentation de cette « boite à outils », renforcer la coopération avec les États membres, les colégislateurs et toutes les parties prenantes afin de mettre en place les mesures décrites dans la communication. Dans un délai d’un an, Bruxelles évaluera l’effet des actions annoncées et publiera un rapport sur les conclusions des contrôles renforcés.
À la lumière des résultats et en consultation avec les autorités compétentes des États membres et les parties prenantes, la Commission examinera si les cadres et les activités d’application existants sont suffisants et adéquats. Si ce n’est pas le cas, d’autres actions et propositions seront envisagées pour renforcer la mise en œuvre et l’application des règles de l’UE.
A suivre…
C.G
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