Si les marketplaces ont permis depuis le début de la crise sanitaire d’aller chercher des relais de croissance à l’international, avoir un site en propre (Direct-to-Consumer) peut s’avérer judicieux pour asseoir une marque sur un nouveau marché. L’exercice requiert cependant plus de temps et de moyens, ainsi qu’une connaissance fine des clients locaux, selon les intervenants d’un conférence organisée début mars par le fournisseurs de solutions ESW qui s’est implanté en France en janvier 2022.
« Avec l’e-commerce crossborder, il n’a jamais été aussi facile d’aller chercher du business à l’international », a estimé Jérôme Duclos, qui dirige depuis janvier 2022 la filiale française d’ESW. Ce dernier a évidemment profité de la pandémie. Le chiffre d’affaires de l’e-commerce, transfrontalier ou non, a atteint 736 milliards de dollars en 2022. Les ventes en ligne à l’international représentent désormais 17 % de l’e-commerce mondial et devraient augmenter de 25 % par an d’ici 2028.
En outre, dans le commerce en ligne comme dans les magasins physiques, la faiblesse de l’euro par rapport au dollar crée des opportunités d’affaires. « Dans la mode, par exemple, secteur dans lequel la demande pour les marques françaises est forte, cette conjoncture permet aux entreprises de tester des produits et des marchés », observe Jérôme Duclos.
Créer un lien entre la marque et l’e-acheteur
Ce tenant du Direct-to-Consumer, cœur de métier d’ESW, reconnaît aux marketplaces, particulièrement populaires auprès des clients français, cette capacité à prendre la température d’un marché à moindres frais. « Elles permettent d’ouvrir un marché immédiatement et simplifient considérablement la logistique, mais vous n’avez pas la main sur les données générées et ce positionnement renforce le lien entre la marketplace et le client final. Pas entre la marque et le client. » Et c’est ce lien qu’apprécient les e-acheteurs de la jeune génération, friande d’achats en ligne et dont le pouvoir d’achat est appelé à grossir avec les années.
A la différence des grosses plateformes multi-vendeurs, créer ou refaire un site en propre nécessite de faire une multitude de choix stratégiques : déterminer le pays, la langue, les solutions de paiement, la livraison, circonscrire la catalogue produits, proposer ou non une omnicanalité… Des choix qui peuvent avoir d’importantes conséquences sur les ventes. En témoigne Michel Koch, ancien responsable du multicanal international chez Marks&Spencer : « Nous avons dû affiner notre offre pour correspondre aux habitudes locales en proposant par exemple la livraison en points relais en France, qui réceptionnent 40 % des livraison, ou le virement bancaire aux Pays-Bas, et nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait pas suffisamment de petites tailles disponibles dans les pays latins. »
La délicate question du pricing
« L’analyse des habitudes et des attentes des clients est primordiale, renchérit Maïwenn Lecomte, directrice France du fournisseur de solutions e-commerce BigCommerce. Après cette phase d’analyse du marché et des habitudes des clients, vient le temps de la création du site et d’autres choix, plus techniques, comme son architecture, les modules, les paiements ou encore la gestion des taxes. Il faut trouver les bons partenaires pour éviter les mauvaises expériences clients comme des droits de douane plus élevées que le produit lui-même. »
D’ailleurs, la question du pricing (la fixation du prix), s’avère plus complexe qu’elle ne pourrait paraître. « Il faut une cohérence avec les prix pratiqués localement et avec ceux affichés en boutique, mais le pricing est aussi une stratégie de marque, explique Maïwenn Lecomte. Petit Bateau, par exemple, est beaucoup plus premium à l’international que sur son marché domestique, tandis que c’est l’inverse pour d’autres marques. » La pratique de promotions en ligne ne garantit pas forcément des revenus supplémentaires, au contraire. « Les clients asiatiques ne sont en général pas sensibles aux promotions, c’est même un frein », relève Jérôme Duclos.
Reste que se lancer seul dans la création d’un site pour aller chercher des relais de croissance hors des frontières de l’Hexagone demeure osé. En raison des implications techniques, mais aussi parce qu’on ne s’improvise pas spécialiste des comportements d’achat en ligne. « Un bon site d’e-commerce propose une expérience locale dans laquelle on se sent chez soi et une expérience de marque grâce à laquelle le client se sent chez vous tel qu’il vous connaît », résume Maïwenn Lecomte.
Sophie Creusillet