Le gouvernement a adopté le 13 avril un nouveau projet de Loi mettant fin à un flou juridique concernant le droit de visite des douaniers et renforçant ainsi leur moyens d’investigation pour leur mission de lutte contre les trafics illicites. Objectif : « donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ».
Présenté dès le 3 avril aux agents des douanes par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et Gabriel Attal, ministre délégué en charge des Comptes publics, ce projet de loi redonne aux douaniers la capacité d’exercer pleinement « leur droit de visite » après en avoir précisé et clarifié les modalités.
Ce droit de visite, régi jusqu’à présent par l’article 60 du code des douanes n’ayant pas été modifié depuis 1948, avait en effet été remis en cause le 22 septembre 2022 par le Conseil constitutionnel (n° 2022-2010) au motif que cet article ne précise « pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction ». Une faille juridique dans laquelle des avocats défendant des trafiquants avaient pu s’engouffrer pour faire invalider des actions de la douane à leur encontre.
Les « sages » avaient donné au gouvernement jusqu’au 1er septembre 2023 pour proposer une nouvelle rédaction de cet article du code. C’est donc chose faite.
« Le projet de Loi prévoit un cadre rénové du droit de visite douanière qui permet de mieux expliciter cette prérogative en tenant compte de ses lieux d’exercice, des motifs de sa mise en oeuvre et des garanties apportées aux droits des personnes, indique le communiqué du Conseil des ministres. Ainsi, ce texte assure une conciliation pleinement équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions douanières d’une part, et la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée d’autre part ».
Dans le détail, selon les précisions fournies le 3 avril, les modalités du droit de visite dépendront du lieu géographique de son exercice : il sera plein et entier, comme actuellement, en zone frontière et dans la zone géographique du « rayon des douanes » (40 km au-delà de la frontière) ainsi que dans les ports, les aéroports et les gares ferroviaires et routières internationales. Au-delà, le droit de visite devra être « motivé afin d’être juridiquement sécurisé » après information préalable (et non autorisation) du procureur de la République ou avec des raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière.
Par ailleurs, l’article précise le droit des personnes : la visite pourra consister en la palpation ou la fouille de leurs vêtements et bagages, mais exclut la fouille au corps sauf lors d’une retenue douanière.
Le gouvernement va en profiter pour toiletter le code des douanes : le projet de Loi « permet d’engager dans les prochains mois un important travail de recodification du code des douanes, qui n’a fait l’objet d’aucune réforme d’ensemble depuis 1948 » souligne le communiqué.
Par ailleurs, le texte réaffirme « la mission de contrôle de la douane à l’intérieur du territoire et sécurise ses moyens d’action et d’investigation, tout en les renforçant pour permettre aux douaniers de faire face à l’expansion des trafics et aux nouvelles menaces pesant sur la sécurité des Français et la souveraineté de notre territoire ».
Plus de moyens dans l’univers cyber
A cet égard, et pour faire « face aux évolutions des menaces criminelles, notamment le recours croissant par les fraudeurs à l’usage des nouvelles technologies pour faire prospérer leurs trafics tout en restant anonymes », les agents des douanes vont bénéficier d’une modernisation et d’une adaptation de leurs « pouvoirs d’investigation ».
Le projet de Loi prévoit également de « sécuriser la saisie et l’exploitation des éléments de preuve numérique, y compris sur des serveurs informatiques distants », et de confier à la douane « la capacité de prévenir et de faire cesser la diffusion de contenus illicites en ligne, en instaurant une procédure d’intervention adaptée auprès des acteurs du commerce en ligne ».
Le communiqué précise encore que « pour répondre à la complexification des activités criminelles et améliorer la capacité des agents des douanes à démanteler les réseaux, leurs capacités d’investigation sont sécurisées en distinguant mieux les actes relevant de la prévention des infractions et ceux relevant de la répression de ces mêmes infractions ». De même, « le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme dans le champ des fraudes douanières est réformé pour tenir compte des pratiques criminelles et des techniques de blanchiment au moyen de crypto-actifs ».
Dans le domaine de la lutte contre les trafics par voie routière, un dispositif d’exploitation des données issues des lecteurs de plaques d’immatriculation (LAPI) « est expérimenté sur une période de trois ans, selon des modalités qui garantissent sa conformité au cadre juridique de protection des données » annonce enfin le communiqué. Et, the last but not the least, dans le cadre du plan d’action dédié à la lutte contre les trafics illicites de tabacs, « la répression de ces trafics est renforcée par une aggravation des sanctions ».
De quoi rassurer la Douane, qui n’a pas manqué de diffuser à la presse le compte-rendu du conseil des ministre du 13 avril.
C.G