« Nous avons commencé à préparer le Brexit, qui évidemment est un enjeu très important pour l’Europe et pour la France », a déclaré le ministre de l’Action et des comptes publics Gérald Darmanin le 25 février lors la présentation des résultats de la Douane pour 2018 depuis le bureau de douane postal de Chilly-Mazarin (Essonne) (notre photo).
En tant que ministre de tutelle de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), Gérald Darmanin a conduit au cours de l’année écoulée, à la demande du Premier ministre Édouard Philippe, le travail de préparation de la Douane française à tous les scénarios du Brexit, y compris celui d’un retrait « sans accord » du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) le 29 mars prochain, à minuit heure de Bruxelles, 23 heures heure de Londres.
Multiplication des réunions d’information auprès des entreprises
Si cette dernière hypothèse se confirme, le rétablissement des frontières physiques entre la France et le Royaume-Uni va introduire des formalités douanières à l’import comme à l’export dès le 30 mars et impacter les 30 000 entreprises qui exportent depuis la France vers le Royaume-Uni. La Douane a accentué son action pour préparer les entreprises à de telles conséquences.
« Depuis le début de l’année dernière, nous avons organisé avec nos directeurs régionaux des réunions en région », a livré au Moci Rodolphe Gintz, directeur général des Douanes et droits indirects. Les 40 pôles d’action économique de la douane ainsi que les cellules conseil aux entreprises ont tenu des réunions pour alerter en régions les entreprises sur l’impact du Brexit et les conseiller sur les actions à entreprendre pour s’y préparer dans le cadre d’entretiens personnalisés. « Nous avons également, a complété Rodolphe Gintz, réalisé des actions de communication ciblées avec du conseil personnalisé à destination des entreprises de transport et de logistique ». De plus, la Douane a publié le 18 février un guide douanier de préparation au Brexit. « Nous allons intensifier la diffusion du guide », a indiqué le directeur général des Douanes et droits indirects.
700 douaniers supplémentaires recrutés pour maintenir la fluidité du trafic
Les exportations françaises vers le voisin britannique se sont élevées à 32,7 milliards d’euros en 2018, d’après les chiffres de l’administration. Dans l’autre sens, 70 000 opérateurs outre-Manche exportent des biens vers l’Hexagone et l’an dernier, les importations françaises en provenance du Royaume-Uni se sont établies à 20,7 milliards d’euros. À l’approche de la date fatidique du 29 mars, l’enjeu est de préserver la fluidité des échanges commerciaux entre la France et le Royaume-Uni. En outre, 700 agents douaniers supplémentaires seront recrutés d’ici fin 2020 pour contrôler les flux de marchandises et de voyageurs en provenance d’outre-Manche.
« Il est évident que notre premier travail, celui des douaniers, sera de protéger le marché commun », a affirmé Gérald Darmanin. « Nous devons protéger le marché commun : les consommateurs mais aussi les entreprises », a insisté le ministre chargé du budget. Ce dernier était d’ailleurs en déplacement ce 28 février au port de Boulogne-sur-Mer (Hauts de France) pour rencontrer les douaniers du futur poste d’inspection frontalier qui sera le point de contrôle pour tous les produits de la mer, avant de rejoindre le port de Dieppe (Normandie) pour échanger avec les agents de la brigade des douanes.
OEA : la France devant les Pays-Bas mais toujours derrière l’Allemagne
Si la préparation du Brexit a été la priorité de la Douane en 2018, les autres grands dossiers internationaux n’en ont pas pour autant été négligés.
S’agissant du statut d’opérateur économique agréé (OEA), un agrément douanier de plus en plus incontournable pour bénéficier de tous les avantages de l’Union douanière, la France rattrape son retard : avec 1 673 entreprises labellisées OEA, occupe la deuxième marche du podium devant les Pays-Bas (1 578) mais demeure derrière l’Allemagne qui reste loin devant avec 6 999 entreprises.
Le ministre a également présenté le bilan de l’action des douanes en matière de lutte contre la fraude et les trafics internationaux en tous genres : cigarettes, stupéfiants, armes à feu…
Contrebande de tabac : augmentation des saisies et des amendes
Devant la baisse des saisies de tabacs de contrebande sur le territoire national réalisées en 2017 (-8 % par rapport à 2016 à 238,2 tonnes), le ministre de l’Action et des comptes publics avait fait de la lutte contre le tabac illicite, une priorité pour 2018. Le défi a été relevé : les résultats « sont impressionnants » s’est ainsi réjoui Gérald Darmanin.
Les saisies de tabac de contrebande (paquets de cigarettes, cartouches, tabac à rouler et à narguilé) ont augmenté de 15,1 % par rapport à 2017. En tout, les douaniers ont procédé à 16 171 contrôles et intercepté 241,1 tonnes de tabac illicite sur le territoire national. Parallèlement à ces saisies, les peines infligées aux trafiquants ont atteint 13,4 millions d’euros, « un record qui n’a jamais été égalé », a souligné le ministre en charge du budget.
Le choix du bureau de Chilly-Mazarin pour cette présentation à la presse ne doit d’ailleurs rien au hasard : il s’agit d’un lieu emblématique du travail quotidien des douaniers, qui supervisent les flux import-export de colis postaux de plus de 2 kg et de moins de 30 kg, acheminés par voie aérienne (Roissy) ou maritime (Le Havre), pour déjouer les trafics. C’est dans ce bureau de dédouanement géré par le groupe La Poste que sont stockées les saisies dans l’attente de leur destruction.
Hausse des saisies de stupéfiants et d’armes à feu, chute des contrefaçons
L’administration lutte également activement contre les trafics de stupéfiants. Les saisies sur le territoire national et dans les eaux internationales ont enregistré une hausse de 47,4 % par rapport à 2017 pour 97,4 tonnes interceptées par les agents des douanes (dont 12,2 tonnes de cocaïne et 63,9 tonnes de cannabis). La Douane a également saisi 1 363 armes à feu (+42,3 % par rapport à 2017). De plus, 49,2 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis ou identifiés par le service national de douane judiciaire. Les résultats sont plus décevants en ce qui concerne la lutte contre la contrefaçon.
Le bilan est toutefois moins positif pour la contrefaçon. En 2017, 8,4 millions d’articles de contrefaçon avaient été interceptés par les agents des douanes. Un an plus tard, ce chiffre est tombé à 5,4 millions, en recul de 35,7 %.
Un résultat en net recul qui alarme l’Union des fabricants (Unifab), association de lutte contre la contrefaçon et de défense de la propriété intellectuelle, dont la directrice générale Delphine Sarfati-Sobreira n’a pas caché son inquiétude. En effet, les produits copiés sont des produits de grande consommation (médicaments, vêtements, chaussures, jeux et jouets, articles de sport etc.).
« Cette baisse est constatée dans tous les pays européens et dans tous les grands pays occidentaux », a nuancé Gérald Darmanin reconnaissant toutefois que les résultats n’étaient pas satisfaisants. « On va continuer à travailler pour lutter contre ces trafics », a-t-il assuré. La baisse des saisies s’explique en partie par l’explosion du e-commerce et des ventes sur les plateformes de commerce en ligne. L’an dernier, 30 % des marchandises contrefaites saisies ont transité par Internet. Un défi pour la Douane.
Venice Affre