Le Moci. Le trafic fluvial de Ports de Paris a-t-il atteint un niveau satisfaisant ?
Hervé Martel. Ports de Paris regroupe aujourd’hui une soixantaine de ports urbains et six terminaux multimodaux. Le flux annuel traité sur nos ports approche les 21 millions de tonnes. Sur ce tonnage, 60 % sont des granulats et matériaux pour l’industrie du BTP. Mais le conteneur progresse rapidement : +17,7 % sur la Seine au 1er semestre 2011. Nous observons depuis dix ans une croissance annuelle à deux chiffres des flux marchands conteneurisé transportés sur le fleuve. Près de 25 % des flux de conteneurs entre Le Havre et la région parisienne passent actuellement par la Seine.
Le Moci. Dans une économie en flux tendus, les délais ne sont pas neutres. Qu’en est-il ?
Hervé Martel. Il est vrai qu’une liaison par barge entre Le Havre et Paris dure en moyenne 36 heures. C’est beaucoup plus long qu’en camion, mais aussi plus fiable. Les délais sont respectés, car avec la barge, il n’y aucun risque d’embouteillage puisque la Seine peut facilement supporter cinq fois le trafic actuel. Il n’y a pas non plus à supporter des heures d’attente aux terminaux, ce qui est le cas pour les poids lourds. Le dédouanement est également facilité. Mieux, on peut aussi considérer que ce délai de 36 heures inclut vingt-quatre heures de stockage gratuit.
Le Moci. Pour être compétitif, le fluvial doit proposer un prix identifiable. Est-ce le cas ?
Hervé Martel. Aujourd’hui, l’acheminement d’un conteneur fluvial entre Le Havre et l’Île-de-France, via Gennevilliers, revient au chargeur entre 350 et 450 euros la boîte, en fonction de la distance restant à parcourir par la route, du port à la destination finale. Il y a beaucoup de variations de coûts à cause de la traction routière finale. Or l’entreprise qui charge veut savoir précisément ce qu’elle va payer. C’est pourquoi nous devons, sur l’axe Seine, proposer des solutions logistiques globales optimisées et fiables. Nous réfléchissons d’ailleurs avec Philippe Deiss et Laurent Castaing, respectivement directeurs généraux des ports de Rouen et du Havre, à une offre coordonnée. Nous envisageons également de créer une structure de conseil logistique spécifique à l’axe Seine et dédiée aux chargeurs et aux logisticiens.
Le Moci. Le dédouanement est-il plus attractif ?
Hervé Martel. Oui. Le stockage des conteneurs sur terre-plein à Gennevilliers se fait en suspension temporaire des droits et taxes (procédure MADT). Les importateurs bénéficient de délais supplémentaires pour le paiement des droits et taxes (45 jours contre 20 normalement). Intéressant pour la trésorerie ! Par ailleurs, nous sommes en train de déployer sur nos terminaux à conteneurs le logiciel communautaire AP+, qui permet de dématérialiser les procédures douanières et administratives. Nous espérons que ce dernier fera économiser aux chargeurs 30 euros par boîte en moyenne. Le fluvial permet également un gain de trésorerie non négligeable pour les exportateurs, leur marchandise pouvant être entrée dans le système dès le terminal fluvial.
Le Moci. Dans ce cas, pourquoi la part de marché du fleuve est-elle si faible ?
Hervé Martel. La première difficulté est celle du dépôt des conteneurs vides par les armateurs, notamment en direction du Havre. C’est-à-dire que le conteneur vide est déposé à Gennevilliers et nous ne trouvons pas de fret retour pour les barges vers le Havre. Ce n’est pas rentable, ni pour le transitaire ni pour le chargeur. Nous devons compléter les six grandes bases logistiques fluviales de la région parisienne. Une région qui draine 1 million de conteneurs, dont en gros, 500 000 avec le port du Havre et 500 000 avec le port d’Anvers. Les conteneurs dépotés dans le port belge prennent tous l’autoroute du Nord. C’est pourquoi la première plateforme logistique de la région, Roissy-Garonor, génère beaucoup trop de trafic camion. Le transport fluvial peut inverser cette tendance.
Propos recueillis par G. N.