Malgré une légère érosion de ses positions, la France demeure un partenaire commercial et un investisseur majeur de la Turquie. Sa présence est très diversifiée et les échanges sont très développés notamment dans l’automobile. Reste à convaincre davantage de PME…
En 2011, plus des trois quarts, 78 % exactement, des entrées de capitaux en Turquie provenaient de l’Union européenne (UE). Alors que les investissements directs étrangers (IDE) y avaient repris leur marche en avant, avec un boom de 75 % à 15,7 milliards de dollars, l’Espagne, l’Autriche et les Pays-Bas à eux trois en représentaient 40 %.
La France occupait la 7e place, avec un montant de 985 millions. Dans le futur, la France pourrait envisager de remporter des contrats dans le cadre des concessions et Build Operate Transfert (BOT) touchant principalement les infrastructures (autoroutes, ponts, métro…). En stock, elle pointait au sixième rang, avec 10,3 milliards en 2010, soit 5,7 % du cumul des IDE en Turquie.
Il est vrai qu’avec 400 à 450 entreprises sur place, la France est bien implantée tant dans les services – Axa, par exemple, est la première compagnie d’assurances pour la collecte de primes – que dans la production – automobile notamment –, mais aussi équipement électrique – Alstom possède à Gebze son usine de transformateurs la plus moderne au monde –, ciment, énergie ou agroalimentaire. Renault est le premier exportateur de la Turquie dans le secteur automobile, qui est le premier poste d’exportation de ce pays. Et malgré les brouilles diplomatiques, l’appétit des investisseurs français n’a pas faibli.
« Le début de l’année en cours a été particulièrement favorable aux intérêts français », note Éric Fajole, directeur du bureau d’Ubifrance à Istanbul. L’opération la plus remarquée est sans aucun doute la prise de contrôle du groupe TAV, à la tête de 37 aéroports dans le monde (Turquie, Tunisie, Arabie Saoudite, Géorgie, Macédoine), par Aéroports de Paris (ADP). Celui-ci, pour un montant de 874 millions de dollars, a acquis 38 % du capital du gestionnaire des principaux aéroports turcs.
Un fonds luxembourgeois, dans lequel intervient la Caisse des dépôts et consignations, a aussi pris 20 % dans la concession du port d’Iskenderun, détenue par le groupe turc Limak. De même, Gemalto a acquis 14,3 % du fabricant turc de cartes à puce Plastkart en mars. Cette opération de renforcement de la coopération avec son partenaire traditionnel était de bon augure à deux mois de décisions importantes en Turquie en matière de sécurité numérique.
En effet, la Turquie doit renouveler son portefeuille de puces électroniques destinées aux passeports. Or, Gemalto a été officiellement écarté en mai par l’Autorité des marchés publics de Turquie, qui aurait identifié des défaillances en matière de sécurité dans les produits français. Certains, en aparté, évoquent une conséquence de la loi française condamnant la négation du génocide arménien.
Enfin, Conforama a annoncé en juin l’ouverture début 2013 d’un premier magasin dans le centre commercial d’ Umranyie, sur la rive asiatique d’Istanbul. Ce magasin, d’une superficie de 4 000 mètres carrés, est adossé à un Carrefour, première enseigne française à s’être implantée sur le marché turc dès 1993. Il doit permettre à l’enseigne d’ameublement de tester le potentiel de croissance dans le pays, explique Thierry Guibert, président-directeur général de Conforama. Selon lui, la Turquie possède de nombreux atouts : « Une classe moyenne qui se développe rapidement, un dynamisme démographique prometteur et une volonté des jeunes générations d’avoir un intérieur contemporain. » Reste à attirer davantage de PME et ETI françaises sur ce marché porteur. Côté français, à Ankara comme à Istanbul, on estime que si la présence de PME demeure très insuffisante, le premier trimestre de cette année a été plutôt favorable, avec notamment la visite d’une dizaine d’équipementiers de la filière vinicole, cherchant à promouvoir l’offre et la technologie tricolore auprès des producteurs turcs de raisin frais et de vin. Une dizaine d’entreprises, emmenées par le Groupement des industries de l’équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés (Gimelec), est venue aussi marquer son intérêt au moment où Ankara multiplie les appels d’offres pour améliorer ses infrastructures et réduire le nombre de pannes.
Enfin, le 1er juillet 2012 est considéré comme une date importante avec l’arrivée d’un nouveau Code du commerce censé moderniser l’environnement des affaires. Dans un pays où l’économie dite informelle représente un quart du PIB, il doit en effet introduire de la transparence dans les relations commerciales : publication des comptes des entreprises, de leurs résultats, des rapports des réunions des conseils d’administration, création de sites Internet devraient favoriser les affaires et les partenariats interentreprises, espère-t-on dans les milieux d’affaires français.
F. P.
Un marché d’importation dynamique et concurrentiel
Les importations turques restent dynamiques : 173 milliards d’euros en 2011, soit + 24,7 %. Même si, sur les 4 premiers mois de 2012, elles ont marqué le pas (+ 2,8 %). Toujours sur les quatre premiers mois de 2012, la Chine et surtout l’Iran (hausse de 55 % de ses exportations) sont devenus respectivement deuxième et quatrième pays fournisseurs, derrière la Russie et l’Allemagne, numéros un et trois.
Avec 4 % de parts de marché, la France est donc aux prises avec un environnement très concurrentiel sur un marché qui n’est pas à l’abri des contrecoups du ralentissement mondial : les achats de produits originaires de France étaient ainsi en retrait de 2,7 % (2,28 milliards d’euros) sur les quatre premiers mois de 2012. Les belles progressions des ventes françaises dans les combustibles et huiles (+ 170,8 %), la chimie (+ 21 %), et surtout la navigation aérienne et spatiale (+ 40 %), la fonte, le fer et l’acier (+ 28,2 %) n’ont pas suffi pour compenser les replis dans de nombreux secteurs comme l’automobile (- 21,8 %), la mécanique (- 11,3 %), l’équipement électrique (- 8,7 %), le plastique (- 6,6 %), la pharmacie (- 30,6 %) et l’optique (- 11,1 %).
Secteur emblématique, l’automobile française subit un ralentissement de ses ventes depuis plusieurs années. « L’an dernier, pointe le chef du Service économique régional à Ankara, Pierre Coste, la part de la France était de 10,35 %, en recul de 3,5 points par rapport à 2009, sur un montant d’importations de voitures et pièces automobiles de 12,35 milliards d’euros. » Dans cette filière, l’Hexagone était largement devancée par l’Allemagne, qui s’octroie une part de 33 %. Cependant, d’autres secteurs sont porteurs : Pierre Coste estime que la pharmacie et la navigation aérienne et spatiale sont à suivre avec attention par les entreprises françaises. Pour Airbus notamment, la bonne santé des compagnies d’aviation turques, non seulement Turkish Airways, mais aussi les « low cost », peut être propice à de nouvelles commandes.
Des exportations toujours en hausse vers le Moyen-Orient
La Turquie a fortement accéléré ses déploiements internationaux et peut servir de base pour irriguer Asie centrale et Moyen-Orient. Ainsi, d’après la base de données GTIS de notre partenaire GTA, cette année, la Turquie a globalement accru ses exportations de 13,4 % en 2011 (à près de 97 milliards d’euros) et la tendance était à 17,23 % sur les quatre premiers mois de 2012. De très fortes poussées sont constatées vers l’Irak (+ 45 %) et l’Iran (+ 138 %), respectivement 2e et 10e clients, mais aussi l’Égypte (+ 17,8 %) et l’Arabie Saoudite (+ 149 %).