Le trafic de fret aérien mondial est en baisse de 3,3 %, diminution largement due aux tensions commerciales internationales. De quoi fragiliser le secteur alors que l’année 2020 a commencé avec l’impact dévastateur du coronavirus venu de Chine.
La demande de fret aérien, mesurée en tonnes-kilomètres de marchandises (FTK), a diminué de 3,3 % en 2019 par rapport à 2018, tandis que la capacité (AFTK) augmentait de 2,1 %, selon l’Association du transport aérien international (IATA). Celle-ci représente 290 compagnies aériennes qui assurent 82 % du trafic aérien mondial. Les volumes de fret ont diminué pour la première fois depuis 2012, et les résultats sont les plus faibles depuis la crise financière mondiale de 2009.
Ces derniers ont été affectés par la faible croissance de 0,9 % du commerce mondial. Cette contre-performance est aussi attribuable au ralentissement de la croissance du PIB dans les économies à forte composante manufacturière. La perte de confiance des entreprises et des consommateurs et la chute des commandes d’exportations ont aussi contribué aux difficultés du fret aérien.
L’Asie-Pacifique la plus touchée
Principale région industrielle au monde, l’Asie-Pacifique a été la plus touchée par les tensions commerciales, entraînant une baisse de la demande de 5,7 %. Les transporteurs nord-américains ont vu les volumes de fret diminuer de 1,5 %, baisse due à la fois aux tensions commerciales et au ralentissement de l’activité économique américaine dans la dernière partie de l’année.
En Europe, le recul de l’activité, notamment de l’économie intensément manufacturière de l’Allemagne, combinée à l’incertitude du Brexit, a contribué aux mauvais résultats de 2019, les plus faibles depuis 2012 en termes de volumes de fret (-1,8 %).
Au Moyen-Orient, la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales et la faiblesse du commerce mondial, ajoutées aux restructurations des compagnies aériennes de la région, ont été les principaux facteurs de faiblesse du fret aérien. L’agitation sociale et les difficultés économiques dans plusieurs pays clés en Amérique Latine y ont entraîné les plus faibles résultats en termes de volumes depuis 2015.
Seule l’Afrique tire son épingle du jeu, avec un volume en hausse de 7,4 % : tout au long de l’année, les volumes de fret aérien ont été soutenus par la forte croissance de la capacité et les liens d’investissement avec l’Asie.
Parts de marché régionales du marché total de fret aérien 2019
Région | Part de marché* | Variation de la demande** | Variation de la capacité** |
Asie-Pacifique | 34,6 % | -5,7 % | +1,1 % |
Amérique du Nord | 24,2 % | -1,5 % | +1,6 % |
Europe | 23,7 % | -1,8 % | +3,4 % |
Moyen-Orient | 13 % | -4,8 % | +0,7 % |
Amérique latine | 2,8 % | -0,4 % | +4,7 % |
Afrique | 1,8 % | +7,4 % | +10 % |
* Décembre 2019 (en tonnes-kilomètres de marchandises – FTK) – ** Sur l’ensemble de 2019 – Source : IATA
Des indices laissent entrevoir un rétablissement de la confiance et des commandes en 2020, selon l’IATA. Mais celle-ci ne s’était pas encore prononcée, à l’heure où nous bouclons cet article, sur les effets à long terme des restrictions associées à la lutte contre l’épidémie de coronavirus.
« Les tensions commerciales sont la cause première de la pire année pour le fret aérien depuis la crise financière mondiale de 2009, met en avant Alexandre de Juniac, directeur général de l’IATA. Bien que cet aspect s’améliore, cette bonne nouvelle n’apporte guère de soulagement puisque nous sommes en territoire inconnu quant à l’impact éventuel du coronavirus sur l’économie mondiale. Avec toutes les restrictions mises en place, il y aura certainement des conséquences sur la croissance économique. Et assurément, 2020 sera encore une année difficile pour l’industrie du fret aérien. »
Le syndicat professionnel TLF Overseas analyse les impacts à court terme du coronavirus. « Pendant 3 à 5 mois, nous prévoyons une hausse des tarifs liés aux manques de capacité sur l’axe Chine-Europe : en effet, le coronavirus pèse sur la gestion de flotte des compagnies aériennes, qui doivent repositionner les avions sur des aéroports à proximité puis chercher à assurer le reste du trajet par d’autres modes de transport, indique Damien Vinet, délégué aux affaires aériennes et à la sûreté de TLF Overseas, interrogé mi-février. Quand les portes de la Chine se rouvriront, il y aura un mouvement de compensation qui se traduira par une hausse de la fréquence des trajets vers et à partir de cette destination. Toutefois, ces impacts inflationnistes restent pour l’heure ponctuels. »
Jean-Michel Garcia, délégué aux transports internationaux de l’Association des Utilisateurs de Transport de Fret (AUTF), conclut par une tendance de fond : « la baisse de trafic depuis la fin du premier semestre 2019 est révélatrice d’une volonté des chargeurs de diminuer leur empreinte carbone et améliorer leur image : ceci conduit à d’une part mieux remplir les avions, et d’autre part à s’orienter vers d’autres modes de transport pour les flux non urgents. »
Ch. Calais