Immobilier logistique : les entrepôts XXL ont la cote

Les distributeurs en ligne et traditionnels cherchent à mutualiser leurs coûts, entraînant la construction régulière de nouveaux entrepôts géants de plus de 50 000 m².

Amazon a annoncé début janvier un nouveau centre de distribution à Senlis (Oise), opérationnel dès le mois de mai 2020. D’une superficie de 55 000 m², il vise à fluidifier les processus de réception et de tri des produits, en amont de la préparation de commande, afin de garantir une répartition optimale des stocks dans les centres de distribution. Objectif du géant de l’e-commerce américain : développer son réseau logistique français afin de répondre à une demande client croissante, d’enrichir la sélection de produits proposée et de soutenir un nombre croissant de petites entreprises qui vendent sur sa place de marché, via le programme de stockage et de livraison « expédié par Amazon ».

La distribution spécialisée également concernée
Cette annonce suit l’ouverture, en octobre 2019, du sixième centre de distribution d’Amazon en France, d’une surface de 152 000 m² sur trois niveaux à Brétigny-sur-Orge (91), le premier à être équipé des dernières technologies Amazon Robotics.

Mais la construction d’entrepôts XXL de plus de 50 000 m² n’est pas réservée aux géants internationaux du e-commerce, même s’ils sont particulièrement intéressants pour eux qui ont de nombreuses références en stock. En fait, depuis cinq à six ans, cette tendance se précise.

Les enseignes de distribution spécialisées dans la maison et bricolage ne sont ainsi pas en reste. En juin 2019, Argan et Gazeley ont livré à Conforama la troisième et dernière tranche de la plate-forme logistique la plus grande en Europe à ce jour, totalisant 177 500 m², à Tournan-en-Brie en Seine-et-Marne. La plateforme couvre l’ensemble des besoins logistiques de l’enseigne d’ameublement sur la partie nord de l’hexagone tout en permettant une optimisation des délais de livraison des magasins et de l’activité e-commerce.

Autre exemple, le groupe ADEO qui rassemble plusieurs enseignes de bricolage dont Leroy Merlin, a un projet de 90 000 m² à Fos Distriport, porte d’entrée et point d’éclatement pour livrer entrepôts et magasins.

Mutualiser les coûts
Les spécialistes de l’immobilier logistique ont conscience de cette appétence et ajustent leurs développements. Ainsi, l’investisseur-développeur Mountpark spécialiste du bâtiment logistique de grande taille, met en place en France des projets de parcs logistiques XXL près d’Orléans et de Chartres.

« Les entreprises ont besoin d’aller vers une logistique moins chère en concentrant leurs activités sur une seule plateforme, ce qui induit des coûts mutualisés donc réduits en termes de personnel, de gestion de stocks, d’outils informatiques et de pilotage des flux, explique Philippe Frèrejean, consultant associé chez Arthur Lloyd. Ceci permet aussi de massifier le transport. Elles développent ainsi des plates-formes multi-usages. On y retrouve souvent une partie automatisée équipée d’un transstockeur pour les petits produits. Citons actuellement le projet de 80 000 m² de Maisons du Monde près de Rouen, en réception et traitement des produits importés via Le Havre, le groupe Mulliez qui a lancé un appel d’offres pour 1000 000 m² à Lyon pour y faire opérer la logistique de certaines de ses enseignes spécialisées dans l’automobile. Mais le marché présente néanmoins des risques. Côté investisseur, un bâtiment en blanc de 57 000 m² à Cergy-Pontoise ne trouve pas preneur et devra être divisé pour trouver des locataires. Côté prestataire logistique, les clients sont de plus en plus volatils ; pourtant, le schéma reste valide, car la structure est en place et le personnel déjà formé quand arrive un nouveau client. »

Des bâtiments à étages
Les entrepôts XXL à plusieurs niveaux se développent, comme Ikea à Gennevilliers ou le projet Amazon à Metz-Frescaty, ralenti par les riverains opposés au projet. « Dans un contexte de restriction de la capacité foncière et d’objectif gouvernemental de non-artificialisation des sols vierges, la construction de bâtiments à étages représente un moyen d’avancer, » précise Claude Samson, président de l’AFILOG, association qui réunit les métiers de la supply chain et de l’immobilier logistique.

Les bâtiments XXL permettent de massifier les flux. Mais les grands bâtiments n’ont pas que des avantages en termes d’exploitation : le management et les opérations sont moins simples du fait des distances à parcourir par les cadres et opérateurs. Aussi, préviennent nos deux interlocuteurs, s’agit-il d’établir un schéma d’implantation parfait. Ils doivent bien sûr pouvoir être redivisés entre plusieurs exploitants en cas de départ d’un grand locataire. Et surtout, ils demandent des investissements lourds et doivent répondre à des critères très précis d’exploitation.

Ch. Calais

Vers des entrepôts verts et digitaux

Quelle que soit la taille de la plateforme logistique, la recherche croissante d’efficience est de mise, selon l’étude du conseil en immobilier CBRE sur les marchés français de l’immobilier parue en janvier 2020. Les bâtiments intègrent de plus en plus, dès leur conception, les notions de durabilité, voire de réversibilité, avec des niveaux d’exigence en matière de performances énergétiques de plus en plus élevés. Les aspects digitaux et l’intégration des données (intelligence artificielle, Internet des objets) seront également mieux embarqués en 2020, indique CBRE.