« Il n’y a pas de grand aéroport sans une grande activité cargo, souligne Augustin de Romanet, P-dg du groupe ADP, qui exploite les aéroports parisiens. Le fret aérien est un élément fondamental de l’équilibre d’un aéroport ». Cet équilibre reste toutefois fragile.
Le transport de fret aérien est en effet une activité cyclique dépendante de la conjoncture économique. Les tensions commerciales et le ralentissement économique mondial ont pesé lourd en 2019, entraînant à la baisse le volume de fret dans les principaux aéroports mondiaux. Et nul ne sait encore quel sera l’impact de l’épidémie de coronavirus venue de Chine sur les tendances 2020.
À Hong Kong, premier aéroport cargo au monde, le volume total du cargo (appellation regroupant le fret et le transport postal) a diminué de 6,1 % sur un an pour s’établir à 4,8 millions de tonnes en 2019.
L’Europe pèse pour un cinquième du marché mondial du fret aérien. Les deux aéroports de Francfort et Paris-Charles de Gaulle restaient en 2018 dans le top 15 mondial des principaux aéroports cargo, selon le classement de l’ACI (Airports Council International), respectivement aux 13e et 14e places.
Mais en 2019, le volume de fret de l’aéroport allemand s’est contracté de 3,9 % à 2,1 millions de tonnes, ce qui a permis à Paris-Charles de Gaulle de lui passer devant. Londres et Amsterdam ferment le quatuor de tête européen. Il faut savoir que 90 % du fret aérien transporté en France transite par Roissy-Charles de Gaulle. Celui-ci abrite trois grands hubs (Air France Cargo, FedEx et La Poste) et accueille de grands prestataires transport et logistique mondiaux, comme DHL, DB-Schenker, Kuehne+Nagel ou UPS.
Tout cargo vs mix passagers
Paris-Charles de Gaulle rivalise avec ses homologues européens pour séduire les compagnies aériennes en tant que hub, ou comme point de correspondance. Cette volonté est aussi valable sur l’activité cargo, car la grande tendance de ces dernières années est la migration du transport de fret vers les avions passagers, dont les soutes peuvent accueillir de plus en plus de marchandises, avec des coûts mutualisés.
Aujourd’hui, environ 60 % du fret aérien est transporté par des avions passagers et cette proportion devrait continuer à augmenter. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), les marchandises transportées dans les soutes des avions passagers représentent à l’échelle mondiale 1 % des tonnages du fret – tous modes de transport confondus – mais 35 % en valeur, soit 18,6 milliards de dollars (17,1 milliards d’euros) par jour en moyenne. S’y concentrent en effet des produits à forte valeur ajoutée, tels les produits électroniques ou pharmaceutiques.
Aussi les stratégies cargo s’adaptent. « Il faut renforcer la qualité de la chaîne logistique au sein de l’aéroport et renforcer la traçabilité », analyse Jean-Michel Garcia, délégué aux transports internationaux de l’Association des Utilisateurs de Transport de Fret (AUTF). « Mon but est d’améliorer l’efficience opérationnelle et économique du cargo à Paris, explique Marc Houalla, directeur de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle. L’accueil des compagnies tout cargo reste un axe fort de notre stratégie mais, dans un contexte de concurrence accrue entre les compagnies aériennes et de lignes passagers de plus en plus difficiles à rentabiliser, la combinaison cargo-passager peut devenir un vecteur décisif de rentabilité pour nos grands clients. »
L’ambition chinoise de Paris
Ainsi, peu avant l’annonce de l’épidémie de coronavirus en janvier, le groupe ADP a officiellement annoncé une stratégie cargo s’ouvrant vers de nouveaux marchés, notamment l’Asie : « en 2020, l’équipe cargo œuvrera pour centraliser le maximum de flux autour de Paris-CDG, et ciblera principalement les compagnies chinoises, porteuses d’un essor considérable. Compte tenu de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, de la baisse du commerce mondial et du ralentissement de la croissance économique, l’équipe doit redoubler d’effort. ».
Elle devra même tripler avec l’épidémie de Covid-19 !
Améliorer l’offre immobilière et de services
Un autre vecteur de croissance et de compétitivité est d’accroître son offre immobilière et de services.
À l’ouest de la plateforme de Paris Charles de Gaulle, les activités cargo sont regroupées dans la « Cargo City , sur 300 hectares qui regrouperont d’ici 2025 200 000 m² de plus, pour atteindre 800 000 m² de bâtiments. La capacité detonnage de l’aéroport, estimée aujourd’huià 3,5 millions de tonnes par an, devrait atteindre 4,5 millions de tonnes.
Felix Kreutel, vice-président de l’immobilier de Fraport AG, qui exploite l’aéroport de Francfort, a montré que l’aéroport outre-Rhin poursuit également une politique d’amélioration de son offre, lors de la pose de la première pierre d’un nouveau bâtiment logistique pour Swissport en novembre 2019 : « Fraport exploite le plus grand hub de fret d’Europe à l’aéroport de Francfort. Nous avons l’intention d’écrire un autre chapitre de cette réussite avec notre client de longue date Swissport. Pour y parvenir, nous optimisons en permanence notre gamme de services et de produits et proposons des solutions d’infrastructure intelligentes à nos clients. »
Malgré la rude compétition, Augustin de Romanet affirme pour sa part ses ambitions : « L’activité cargo concentre environ 40 000 emplois sur l’aéroport Paris Charles-de-Gaulle. En tant qu’intégrateur de solutions, le groupe ADP fédère l’écosystème cargo (compagnies aériennes, commissionnaires en transports, agents de handling et assistants piste, intégrateurs et expressistes). L’ambition que nous portons pour le cargo est d’asseoir le leadership européen de Paris-Charles de Gaulle dans les années à venir ».
Ch. Calais
Pour lire le tableau des 20 premiers aéroports cargo dans le monde 2018 cliquer ici