Avec les PRIE, les Régions ont aussi entrepris de renforcer leurs organisations opérationnelles, organisations qui avaient déjà commencé à évoluer avec la vague de signature des chartes régionales de l’export impulsées sous l’ancien gouvernement, entre juillet 2011 et les premiers mois de 2012.
Dans de nombreux cas, les Régions n’ont pas suscité la création de nouvelles agences, préférant mettre en place des plateformes reposant sur une répartition des rôles entre les différents partenaires de la politique régionale de soutien à l’export. Pour simplifier, aux chambres de commerce et leur réseau CCI International l’orientation et les actions de proximité auprès des PME, à Business France (ex-Ubifrance) la projection à l’international. Exemples : Aquitaine, Midi-Pyrénées, les deux Normandie, le Nord-Pas-de-Calais, l’Alsace, les Pays de la Loire, le Centre… Certaines Régions ont créé des numéros verts et des plateformes Internet unifiées d’information sur les soutiens à l’export pour simplifier la vie des entreprises locales.
Par ailleurs, des Régions dotées d’agences spécifiques ont également entrepris de fusionner des structures dédiées au soutien des entreprises afin d’unifier et de rendre plus lisibles leur politique. Un exemple : Bretagne, avec Bretagne Commerce international (fusion en 2013 entre Bretagne International et CCI International).
Dans d’autres Régions, la tendance a été de rapprocher l’international de l’innovation dans l’objectif, là aussi, de simplifier les dispositifs. Exemples : Paca avec l’intégration par la nouvelle Agence régionale d’innovation et d’internationalisation des entreprises (ARII) des anciennes structures MDER (Mission de développement économique régional) et Méditerranée technologies. Et Erai (Entreprises Rhône-Alpes International), en Rhône-Alpes, qui doit en principe fusionner à terme avec l’Ardi (Agence régionale de développement de l’innovation) pour former Entreprise-Rhône-Alpes International Innovation (Eraii). Le projet est pour le moment suspendu en raison du contexte politique local (les élus verts souhaitant une liquidation d’Erai), mais il n’est pas abandonné. Une extension à l’Auvergne du périmètre d’Erai était en tout cas en projet dans ce cadre.
Enfin il y a le cas particulier du Languedoc-Roussillon, qui a joué jusqu’à présent une partition qui lui est propre, s’appuyant sur le département international de Sud de France développement, ce qui n’empêche toutefois pas des coopérations ponctuelles avec Midi-Pyrénées. S’agissant en Paca de l’Agence régionale d’innovation et d’internationalisation des entreprises (ARII), le choix pour la diriger de Jean-Yves Longère n’est pas anodin. En effet, cet ancien responsable des études d’Eurocopter, cofondateur de Pégase, un pôle de compétitivité dans l’aéronautique et le spatial, est aussi le chef du projet Dirigeable (de transport de) Charges Lourdes, un des 34 projets industriels soutenus par le gouvernement pour réindustrialiser la France. À la tête du pôle représentant la première industrie de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), ce manager de 50 ans a été accoutumé à gérer de grands programmes collaboratifs et connaît bien les instruments de financement européens.
Car comme nous le rappelait en octobre dernier Thierry Fellmann, directeur général adjoint de la Région, en charge de l’Innovation, l’économie et la formation, Paca préfère aux aides directes des dispositifs d’ingénierie financière du type Paca Investissement, « instrument de co-investissement, et non pas de prêt, et de partenariat avec le secteur privé, mis en place avec le concours financier du Fonds européen de développement régional (Feder) » Or, l’ingénierie financière et l’innovation dans des secteurs stratégiques, comme la santé, la mobilité urbaine ou la transition énergétique, nécessitent de mobiliser des fonds européens.
En attendant, la Région Paca qui n’est pas touché par la réforme territoriale, va pouvoir peaufiner sa stratégie d’internationalisation et d’innovation.
Pour les régions qui vont fusionner, l’avenir des organisations dédiées à l’international, agences ou autres, est incertain à ce jour. En revanche, ce qui est sûr, c’est que les exécutifs régionaux veulent s’assurer que les entreprises qu’elles soutiennent seront accueillies et « coachées » à l’international. Plusieurs Régions ont déjà fait le choix de s’appuyer sur des partenaires pour assurer l’accueil et l’accompagnement des entreprises à l’étranger. C’est le cas de Bretagne International, par exemple, ou de l’Aquitaine, qui a ainsi récemment choisi sur appel d’offres ses partenaires pour l’Allemagne, le Brésil, la Chine et les États-Unis.
Mais d’autres ont voulu développer leur propre réseau. Erai, en Rhône-Alpes, possède en propre un réseau de 27 implantations à l’étranger que l’agence a commencé à proposer aux autres régions. Toutefois, il est possible que plusieurs de ces bureaux internationaux soient supprimés dans le cadre des réformes en cours dans cette région. Sud de France Développement possède quant à elle encore quatre « maisons de l’international » après avoir réduit la voilure (Londres, New York, Shanghai, Casablanca). Elle pourrait en faire profiter Midi-Pyrénées…
Christine Gilguy et François Pargny
Témoignage d’Alain Bentejac,
président du Comité national des CCEF
« Au plan économique, il est évident que certaines régions n’avaient pas la taille critique : elles tireront partie de ce regroupement avec d’autres grâce aux complémentarités qui pourront être trouvées. Je pense par exemple à l’Auvergne et Rhône-Alpes, ou encore l’Aquitaine, Poitou Charentes et Limousin. D’autres regroupements semblent moins évidents comme le gros ensemble Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne ». Toutefois, le coauteur du Rapport Despont-Bentejac, qui avait inspiré plusieurs des grandes réformes introduites par Nicole Bricq à partir de 2013 pour simplifier le dispositif public de soutien au Commerce extérieur, met en garde contre une réforme territoriale qui aboutirait à de nouvelles complexités : « Nous sommes favorables à cette réforme si elle va dans le sens d’une simplification administrative.
On peut aussi espérer à terme des baisses de frais de structures ». Et surtout, pour ce qui concerne le soutien à l’export, que cela ne donne pas le signal, à partir de 2016, à de nouvelles ambitions d’expansion inconsidérées : « Nous sommes favorables au fait que les Régions soient leaders en matière de stratégie de soutien à l’export, et y consacrent des moyens financiers, par exemple le financement du VIE. Mais pour ce qui concerne la projection à l’international des entreprises qu’elles soutiennent, il faut qu’elles s’appuient sur les dispositifs existants comme ceux de Business France et CCI France International ou de sociétés privées. Ce ne serait pas faire, à mon avis, un bon usage des deniers publics que de chercher à développer leur propre réseau d’implantation généralistes et concurrents de ces dispositifs ».
En attendant, les CCEF, dont l’organisation en section épouse le découpage régional actuel, anticipent : « Pascal Nadobny, président du comité Rhône-Alpes des CCEF et vice-président du Comité national, est en charge de tout ce qui concerne les Régions. Il a lancé une réflexion pour savoir comment nous allons adapter notre organisation. Dès 2015, il est prévu que chaque fois qu’un comité d’une Région qui doit fusionner avec une autre se réunira, il invitera ses collègues de l’autre région afin qu’ils commencent à mieux se connaître ».
Témoignage René Souchon,
président du Conseil régional d’Auvergne
Pour la Région Auvergne, qui a initié très tôt son rapprochement avec Rhône-Alpes dans le cadre de la réforme territoriale – au point que les deux partenaires sont maintenant consultés à ce propos par d’autres exécutifs en France – la fusion avec le poids lourd que constitue Rhône-Alpes est une opportunité. « Il y a une volonté politique très partagée d’aller le plus vite possible, notamment à l’export, surtout pour les entreprises d’Auvergne qui sont peu exportatrices », explique ainsi René Souchon, qui préside la Région depuis février 2006. Si Rhône-Alpes dispose d’un réseau dense de 14 900 sociétés exportatrices, ce chiffre dans une région moins forte économiquement – une région « en transition », selon le jargon européen, en zone montagneuse – est très en deçà. « Le nombre de sociétés exportatrices en Auvergne est de 1 835, dont dix représentant à elles seules 57 % du montant des exportations et les cent premières 89 % », précise le patron de la Région, qui espère que, dès cette année, le secteur privé auvergnat pourra être adossé au dispositif du commerce extérieur de Rhône-Alpes.
En particulier, son partenaire dans le rapprochement dispose d’une agence régionale dédiée à l’international, Entreprise Rhône-Alpes International (Erai), qui, certes, connaît à l’heure actuelle des problèmes budgétaires. « Mais elle dispose d’une force de frappe exceptionnelle, avec ses 27 bureaux dans le monde. Et une fois qu’Erai aura réglé ses problèmes, sans doute en mars, les entreprises auvergnates devraient pouvoir avoir accès directement à Erai et à ses services », se félicite René Souchon, selon lequel il n’y aura qu’une seule agence pour la nouvelle région « à l’horizon ou courant 2016 ».
« Dans une union des régions, il faut du temps pour aller à des convergences et, selon les domaines, il faudra de trois à huit ans. Rien de tel pour l’international. Ce volet n’est pas le plus complexe », souligne René Souchon, qui se réjouit des coopérations déjà engagées avec son voisin. « Nous avons été ensemble au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas. Quant à l’Exposition universelle de Milan, par souci d’économies budgétaires, l’Auvergne avait décidé de s’abstenir. Mais grâce à Rhône-Alpes, nous pourrons présenter l’agroalimentaire auvergnat sur son stand pendant une dizaine de jours », relate le président du Conseil régional. De même, les deux régions ont prévu de participer ensemble au Salon international de l’aéronautique du Bourget et à la 4e Convention d’affaires internationale des industries aéronautiques au Canada Aéromart, du 31 mars au 2 avril à Montréal. Le nom officiel de nouvelle région est, pour le moment, Auvergne-Rhône-Alpes, indique-t-on au cabinet de René Souchon, qui précise qu’il « appartiendra à la future assemblée de se prononcer sur le nouveau nom avant juin 2016 ».
Témoignage Jean-Daniel Beurnier,
président de la commission CCI International Paca
Heureuse Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) qui n’aura pas à gérer de rapprochement ! Son actualité ? La mise en place, l’an dernier, de la nouvelle Agence régionale d’innovation et d’internationalisation (Arii) des entreprises, dans laquelle la CCIR est impliquée au côté de la Région et d’autres acteurs, et de ses actions. Et cela se passe plutôt bien. « Le réseau des CCI de Paca est déjà partie prenante des grands programmes structurants identifiés par l’ARII, tels le projet Henri Fabre sur le territoire Marseille-Provence, celui d’Iter dans la vallée de la Durance, le Technopôle de la Mer à Toulon, la « Smart City » de Nice, etc., rappelle Jean-Daniel Beurnier, élu consulaire et président de la commission CCI International Paca.Cela implique notre expertise, soit en tant qu’opérateur dans le cadre des parcours de croissance pour entreprises à fort potentiel, soit en tant que référent pour aider les entreprises à actionner tel ou tel levier de compétitivité ».
Quid de la feuille de route de l’Arii ? « Sur le plan opérationnel, CCI International Paca anime déjà la communauté régionale des acteurs de l’international au sein du guichet de l’export. La feuille de route de l’ARII est en cours : elle sera très prochainement finalisée et validée par le conseil d’administration dont la CCIR Paca est membre fondateur ». Si la Région n’a pas à fusionner avec une autre, les coopérations avec les CCI voisines existent, car CCI International est un vrai réseau.
« CCI International Paca n’est pas qu’une marque mais un vrai réseau qui mène des actions conjointes sur plusieurs territoires : par exemple, l’opération que nous allons conduire vers l’Afrique francophone est menée avec nos collègues d’Ile-de-France », souligne Jean-Daniel Beurnier. En dépit d’un programme de missions comprenant les Émirats arabes unis, le Mexique et l’Afrique de l’Ouest cette année, le tropisme méditerranéen restera fort en 2015 avec l’organisation du Pavillon France des salons phares au Maghreb que sont Hassi Messaoud Expo (3-6 mars), Batimatec en mai, Alger Industries en octobre et en région, nous sommes à nouveau le coorganisateur du Forum International Paca à Marseille les 27 et 28 mai prochain.