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Question 3 : 13 Régions, 22 PRIE, vers une fusion des stratégies ?

Pour les 16 Régions concernées par des regroupements, c’est un peu repartir à zéro. Il leur faut identifier les synergies et les complémentarités possibles. À ce stade, elles dressent l’état des lieux de chaque territoire.

 

À partir de l’automne 2012, lorsque les Régions se sont vues confier le rôle de pilote de l’export par Nicole Bricq, alors ministre du Commerce extérieur, dans le cadre de leurs nouvelles responsabilités en matière de développement économique, la plupart se sont en effet dotées de Plans régionaux d’internationalisation des entreprises (PRIE) – à l’exception notable du Languedoc-Roussillon – des feuilles de routes fixant l’organisation régionale en matière de soutien aux entreprises à l’international, mais aussi des objectifs, des budgets et des programmes d’actions. (En Bourgogne, le PRIE s’appelle Parex, du nom d’un programme préexistant : le Plan d’actions régional à l’export). Les PRIE ont le plus souvent été élaborés en étroite concertation avec les autres acteurs des dispositifs régionaux de soutien à l’export, les « équipes régionales à l’export » : Agences régionales de développement (ARD) ou équivalent, Direccte (Direction régionales des entreprises), Chambres de commerce et d’industrie (CCI), organisations d’entreprises, CCEF, Ubifrance, Bpifrance, Coface…

Ils ont tenu compte des priorités du commerce extérieur français tout en intégrant leurs propres priorités, liées aux spécificités de leurs tissus économiques. Les PRIE ont ainsi été intégrés aux Schémas régionaux de développement économique (SRDE). Alors que les régions qui ne sont pas concernées par les regroupements vont pouvoir mener tranquillement à leur terme leur PRIE, celles qui doivent se regrouper vont devoir très vite lancer des réflexions pour voir comment les adapter.

Comment ? Difficile de répondre à ce stade. D’autant plus que si certaines Régions étaient d’accord pour se rapprocher, d’autres y vont à reculons. C’est le cas de l’Alsace, opposée à la fusion avec la Lorraine et Champagne-Ardenne. « Un millier d’Alsaciens manifestent à Colmar », « Cortège funèbre symbolique à Strasbourg », « Les maires alsaciens appelés à faire sonner tocsins et sirènes », « L’Alsace unie contre la réforme », « Quelle capitale pour la nouvelle région Grand Est ? », voilà quelques titres glanés ces derniers mois dans L’Est républicain et qui donnent la mesure des difficultés.

Dans le réseau commercial français, cette région du Grand Est a reçu le doux nom de « Chamallo » (Cham pour Champagne, Al pour Alsace et Lo pour Lorraine). De la guimauve, peut-être. Plus sûrement un marais dans lequel les trois régions vont devoir se débattre. La Grande région Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin n’est pas mieux servie par le microcosme, héritant de l’acronyme… « Apoil » (A pour Aquitaine, Poi pour Poitou-Charentes et L pour Limousin).

Au-delà des plaisanteries, ce qui inquiète certains observateurs sont la grandeur du territoire – la ville de Biarritz à l’extrême sud de l’Aquitaine est distante de 420 km de Limoges et de 450 km de Poitiers – et la modestie des relations et des communications entre la Gironde et le nord de la future région. Pour sa part, dans une interview accordée au Moci (voir pages précédentes), Alain Rousset, qui préside la Région Aquitaine et l’Association des régions de France (ARF), met en avant les « secteurs industriels communs performants » et les « synergies » qui seront trouvées dans la Grande Région Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin. En réalité, toutes les Régions, dès lors qu’elles sont favorables à la réforme territoriale, se trouvent des points communs.

Pour la Grande Région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, il s’agit du canal Seine-Nord Europe. Pour la Haute et la Basse Normandie, si les édiles se sont accrochés dans le passé sur le choix de Caen ou de Rouen comme capitale unique, les opinions publiques et la classe politique ont toujours souhaité, dans leur majorité, une unification des deux territoires. Au demeurant, Basse et Haute-Normandie se sont dotés depuis plusieurs années d’un département consulaire commun pour les échanges extérieurs, CCI International Normandie, dont le directeur, Thierry Achard de la Vente, est basé à Rouen et son adjointe, Michelle Vauclin, opère depuis Caen. Le cas de la Grande Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est particulier. Jusqu’à son décès en août dernier, le président du Conseil régional du Languedoc-Roussillon, Christian Bourquin, s’est opposé au rapprochement prévu avec Midi-Pyrénées. On pensait son successeur, Damien Alary, sur la même longueur d’onde, mais dès décembre 2014, le nouveau patron de la région proposait à son homologue, Martin Malvy, « une gouvernance partagée » pour « réussir l’union des deux régions ».

Si la Région Languedoc-Roussillon n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations, estimant notre demande « prématurée », elle nous a, cependant, transmis différents communiqués de presse diffusés ces derniers mois, rappelant l’architecture pour une « gouvernance de préfiguration » : Conférence des présidents, comités mixtes de suivi, Commission de pilotage technique. Les présidents se sont rencontrés le 5 février et la Commission de pilotage technique s’est réunie pour la première fois le 19 février. Mais à ce stade de la réflexion, les Régions sont généralement très réticentes à communiquer sur leurs éventuelles stratégies. Elles justifient cette extrême prudence par le fait que les discussions viennent de débuter. « Nous sommes très en amont dans la démarche de fusion et notre priorité est de faire d’abord l’état des lieux de nos politiques territoriales », explique ainsi André Pierre, directeur des Affaires économiques de Franche-Comté.

Une fois cette étape franchie, « nous les analyserons afin de mesurer les écarts entre nos pratiques et imaginer des scénarii de convergence », mais, pour autant, précise-t-il au Moci, « il est difficile d’aller plus loin sans la légitimité de l’assemblée qui sera élue en fin d’année ». Si l’on reprend le cas du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, les deux présidents, Claude Gewerc et Daniel Percheron, ont tenu leur première réunion de travail le 11 décembre 2014 à Amiens. « Il n’y a pas eu d’échanges spécifiques sur le commerce extérieur entre les partenaires régionaux », indiquait encore, il y a quelques semaines, Christine Garraud. Pour l’instant, des échanges ont lieu entre élus et directeurs de l’Économie. « Nous devrions en savoir plus avant la fin du trimestre, une réunion avec la Région devant se tenir en mars », précise la directrice de CCI International. Une chance : la plupart des PRIE en France ont été adoptés pour une période de trois ans, se terminant fin 2016. Ce qui laissera du temps pour la transition.

Pour le Languedoc-Roussillon, ce sera plus facile. En l’absence de PRIE, il dispose déjà, à la place, d’un volet international intégré au SRDE, solution prévue dans la loi. « On peut penser qu’un travail de comparaison des PRIE sera d’abord établi avant d’envisager un outil commun », estime André Pierre. « S’agissant de documents cadres qui recensent les priorités des différentes parties prenantes, j’imagine que cela ne sera pas trop difficile », ajoute-t-il. Mais, « pour la mise en œuvre, selon lui, il est encore trop tôt pour pouvoir avancer des pistes » Ce qui est certain, en revanche, c’est que la Franche-Comté « se positionnera dans une logique de complémentarité avant tout, faisant profiter le nouveau territoire des points forts des deux régions actuelles ; ainsi, les pôles de compétitivité et autres clusters sont déjà invités, de façon informelle, à étendre leur périmètre à la région voisine ».

François Pargny et Christine Gilguy

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