Pour ce dossier, nous nous sommes plongés dans les chiffres de l’export des différentes régions pour évaluer la cohérence des regroupements au regard de la situation actuelle des échanges internationaux des territoires concernés, spécialement à l’export.
Nous présentons, sur la base des statistiques d’exportations 2014 publiées par les Douanes, ce que pèseraient les nouvelles Régions métropolitaines et leurs trois premiers secteurs phares à l’export : cliquer ici pour voir la carte.
En ce qui concerne le palmarès des Régions exportatrices, la hiérarchie actuelle va subir quelques changements, certaines d’entre elles, jusqu’à présent faiblement exportatrices, tirant partie d’un regroupement avec d’autres, plus internationalisées, pour prendre plus de poids. Ainsi, si l’Île de France, la région Capitale, restera en tête, l’ensemble Alsace/ Lorraine/Champagne-Ardenne, qui marie les 5e, 10e et 13e régions exportatrices, se hissera au second rang national, devant l’ensemble Rhône-Alpes/ Auvergne, pourtant composé des 2e et 17e régions exportatrices.
Aura également plus de poids à l’export, au 4e rang national, le nouvel ensemble Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, qui regroupe les 3e et 18e régions exportatrices. Idem pour Nord-Pas-de-Calais/ Picardie (4e et 11e régions exportatrices), les deux Normandie (la Haute étant actuellement 7e et la Basse 19e), l’ensemble Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes, formé des 12e, 17e et 21e régions exportatrices, et enfin l’ensemble Bourgogne/ Franche-Comté, constitué des 15e et 16e régions exportatrices.
Ce renforcement n’est pas pour déplaire aux représentants des milieux d’affaires que l’on a pu contacter, à l’instar d’Alain Bentejac, président du Comité national des CCEF (CNCCEF) et du groupe d’ingénierie Artelia, qui estime que certaines régions n’ont pas la « taille critique » pour défendre leurs chances à l’international (voir encadré dans le dossier). Pour Jean-Paul Mauduy, président de la CCI de Région Rhône-Alpes, dont la région doit se regrouper avec l’Auvergne, même si les appareils exportateurs ne sont pas exactement du même calibre (1 600 exportateurs en Auvergne contre 14 900 en Rhône-Alpes !), « à nous de nous organiser pour répondre à chacun des besoins que l’entreprise, quelle que soit sa région d’origine, peut exprimer ».
La cohérence et les synergies entre secteurs dynamiques à l’export seront sans doute moins évidentes à trouver et supposeront études et réflexions. En épluchant les statistiques régionales d’exportation des Douanes pour 2014, nous avons en effet trouvé assez peu de cas de produits vraiment communs – avec le même code douanier – dans les cinq principaux produits exportés en 2014 par les Régions concernées. Pour l’ensemble Rhône-Alpes/Auvergne comme pour Nord-Pas-de-Calais/Picardie, le seul principal produit commun est « produits chimiques de base, azotés, matières plastiques et caoutchouc synthétique » (code douanier C20A).
Pour Haute et Basse Normandie, les produits pharmaceutiques (C21Z). Pour Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes, comme on s’y attend, ce sont les produits de la culture et de l’élevage (C01Z) qui sont performants à l’export, comme pour Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon. Pour l’ensemble Alsace/Lorraine/Champagne-Ardenne, ce sont les machines et l’équipement d’usage général (C28A).
Au final, ce sont la Bourgogne et la Franche-Comté qui semblent partager le plus de points communs à l’export avec deux produits phares : machines et équipement d’usage général (C28A) et matériel électrique (C27B). Il y aura néanmoins du pain sur la planche pour les stratèges de l’industrie, des services et de l’innovation, qui auront aussi à mettre en musique les partitions des politiques publiques régionales avec les pôles de compétitivité, les secteurs d’excellence en matière d’innovation, ou encore les 34 plans industriels du programme d’investissements d’avenir. En fonction des territoires, les difficultés ne seront pas les mêmes.
« Nous menons déjà depuis longtemps des opérations communes avec la Normandie et le Nord-Pas-de-Calais. Du coup, avec l’union avec cette dernière, notre tropisme Nord-Pas-de-Calais va forcément se renforcer », commente Christine Garraud, directrice de CCI International Picardie. « Les deux régions opèrent déjà dans des pôles de compétitivité communs », complète-t-elle. Si Uptex (textile intelligent, siège Lille) est plus un pôle du Nord-Pas-de-Calais que de Picardie, en revanche, deux autres sont véritablement interrégionaux : I-Trans (transport intelligent, siège Valenciennes) et Industries Agro-ressources (siège Laon) auquel est également associée la Champagne-Ardenne.
Pour cette dernière région, l’agriculture est fondamentale. « Il faut absolument que nos partenaires lorrains et alsaciens dans la future grande région en tiennent compte », souligne ainsi Claude Humbert, directeur de CCI International Champagne-Ardenne. Chacun joue sa partition et les stratèges des nouveaux ensembles vont donc devoir tenir compte des spécificités sectorielles de chaque partenaire. « Le machinisme agricole est un gros secteur en Picardie, ce qui n’est pas le cas en Nord-Pas-de-Calais, remarque encore Christine Garraud, En revanche, notre voisine est très active en matière de santé, ce qui peut profiter à la Picardie ».
Christine Gilguy et François Pargny
Témoignage de Jean-Paul Mauduy,
président de la CCIR Rhône-Alpes
Jean-Paul Mauduy, président de la CCI de Région Rhône-Alpes, dont la région doit se rapprocher de l’Auvergne, relativise la difficulté du rapprochement : « Nos deux régions présentent des caractéristiques certes très spécifiques mais qui sont néanmoins complémentaires. Chacune a beaucoup à apprendre et à s’enrichir de l’autre.
Je n’ai pas à rappeler que Michelin est tout de même la première entreprise de la future grande région et que l’Auvergne possède un tissu industriel pharmaceutique particulièrement performant. Les deux régions ont également beaucoup de points de similitude dans leurs chiffres export, à commencer par le fait qu’elles ont chacune un solde positif de leur balance commerciale alors que la France connaît à nouveau un déficit important ».
Et de préciser : « Le rapprochement entre Rhône-Alpes et l’Auvergne, c’est aussi le pari d’un renforcement important de l’industrie et de l’agriculture de Rhône-Alpes. Par exemple, le secteur du caoutchouc et des plastiques connaîtra une augmentation de 65 % des effectifs salariés, et nous passerons de 98 à 133 établissements de l’industrie pharmaceutique. Enfin, ce rapprochement nous renforcera sur la scène internationale puisque la future grande région se placera au 4e rang dans le palmarès des régions de l’Union européenne. »
Sur le terrain, les contacts au sein du réseau CCI International vont bon train : « Depuis quelques semaines, les deux entités ont opéré un rapprochement pour renforcer leur coordination conjointe de la politique d’internationalisation des entreprises dans les deux régions, explique encore Jean-Paul Mauduy. Cela se traduit dès maintenant par des initiatives concrètes.
Par exemple, des décrochages auront lieu en Auvergne dans le cadre de la prochaine édition de la Quinzaine de l’International Rhône-Alpes qui aura lieu le 23 mars au 3 avril. Autre exemple : une mission d’entreprises conjointe est également en cours d’organisation dans le cadre de l’Exposition Universelle de Milan les 4 et 5 juin 2015 ».