Le Moci. Avec la réforme territoriale, il y aura 13 Régions mais encore 22 Schémas régionaux de développement économique et autant de PRIE (Plans régionaux d’internationalisation des entreprises) mis en œuvre. Avez-vous un mode d’emploi ?
Alain Rousset. Le projet de loi NOTRe renforce les régions dans leur compétence économique. Les Régions auront la responsabilité de définir et d’adopter un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) qui viendra se substituer aux SRDE, PRIE et SRI actuels et dont la portée sera renforcée. La loi prévoit que le SRDEII soit adopté par le Conseil régional dans l’année qui suit le renouvellement général des conseils régionaux. Cet exercice, qui sera fait en concertation étroite avec l’ensemble des acteurs économiques, et donc des partenaires de l’export et au premier rang desquels le réseau consulaire, sera l’occasion de fixer les orientations stratégiques communes en termes de cibles d’entreprises exportatrices, filières et marchés prioritaires, ou encore la gouvernance. Toutes les Régions, concernées par une fusion, et conscientes de l’ampleur de la tâche, n’attendent pas après la loi pour démarrer les échanges afin de dégager au plus vite des orientations stratégiques et des actions communes. Ces réunions se font à tous les niveaux : de l’exécutif aux services en passant par les directions générales.
Le Moci. Concrètement, les nouvelles Régions vont devoir renégocier toutes les conventions passées avec chaque opérateur du commerce extérieur. Quel va être le calendrier ?
A. R. Certaines régions ont conclu des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens par exemple avec CCI International ou Business France. Ces conventions ne seront pas caduques le jour de la fusion. L’élargissement du périmètre, la renégociation ou encore l’abrogation sont autant de possibilités qui s’offrent aux régions. C’est le cas par cas qui primera, avec toujours à l’esprit l’intérêt régional et l’intérêt des entreprises. Néanmoins, de façon générale, il incombera aux nouvelles assemblées régionales de fixer une période de convergence qui permettra progressivement d’harmoniser les politiques.
Le Moci. Outre la stratégie, gravée dans le marbre des PRIE en 2012 et 2013, chaque Région a aussi mis en place des plateformes – et dans certains cas des agences issues de la fusion entre l’innovation et l’international, comme en Paca ou en Île de France – visant à mieux coordonner les équipes régionales de l’export et à mettre fin aux doublons, souvent avec à la clé des sites Internet portail. Là encore, que va-t-il se passer ?
A. R. Dans le cadre des PRIE, chaque Région, conformément à son rôle de pilote, s’est efforcée de désigner une porte d’entrée du dispositif et une gouvernance visant à orienter et accompagner au mieux l’entreprise parfois au travers de plateformes physiques ou virtuelles. À chaque région son organisation. Dans un premier temps, sous réserve d’une validation de la Région, les portes d’entrée peuvent être différentes d’un territoire à l’autre. Ce qui m’importe davantage, c’est que le service rendu à l’entreprise soit vite harmonisé et amélioré pour faire gagner les acteurs économiques en compétitivité.
Le Moci. À chacune ses spécificités ! Mais n’y a-t-il pas un risque pour les équilibres qui avaient été définis dans la répartition des rôles de chacun : Région, CCI, Business France (ex-Ubifrance), Bpifrance… ?
A. R. Les rôles vont rester identiques. La CCI intervenant pour la préparation des entreprises à leur internationalisation, Business France pour l’accompagnement et la prospection, Coface, Bpifrance et la Région pour le financement. Ce n’est donc pas tant leur rôle qui va évoluer que leur organisation territoriale qui devra sensiblement évoluer. Les CCIR doivent également fusionner sur le même périmètre que les Régions au 1er janvier 2017, ce qui pourrait engendrer une évolution de l’organisation des CCI Territoriales. L’organisation régionale de Bpifrance, Coface ou de Business France devra marginalement évoluer.
Le Moci. Prenons un exemple concret. En tant que président de la Région Aquitaine, vous devez fusionner avec Poitou-Charentes et le Limousin : énorme territoire, très allongé, des tissus économiques très différents… Comment dégager une stratégie internationale cohérente ?
A. R. Les Régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin partagent des secteurs industriels communs performants qui viendront renforcer le rayonnement à l’international de la grande région. Par exemple, elle sera ainsi la première région agroalimentaire à l’export en particulier en s’appuyant sur la force motrice des vins de Bordeaux et du Cognac. Nous avons d’ores et déjà prévu qu’en 2016, la présence sur les salons internationaux incontournables se fasse à trois régions. Ainsi la stratégie internationale de la future région passera par les synergies qu’elle saura initier dans les filières industrielles, les clusters et pôles de compétitivité. Les filières Luxe ou Bois sont des filières à fort potentiel sur le plan l’international, et le rapprochement à trois régions permet de peser plus lourd face à la concurrence.
Le Moci. Et s’agissant des futures métropoles régionales, dont celles qui viennent d’être labellisées « french tech » – Bordeaux par exemple – quel sera leur rôle ?
A. R. Les orientations du SRDEII sur le territoire de la Métropole sont élaborées et adoptées conjointement par le conseil métropolitain et le conseil régional. La métropole n’ambitionne pas à ce jour de se positionner sur l’aide à l’export. En revanche, la vitrine de Bordeaux à l’international est un facteur clé de rayonnement de la grande région. Aussi nos efforts porteront pour une coordination et une concertation en matière de promotion de l’image économique de même qu’en matière d’attraction des investisseurs. La Région sera en effet vigilante au fait que la Métropole soit un catalyseur au profit de l’ensemble des autres territoires, et non un aspirateur à projets.
Propos recueillis par Christine Gilguy