Région de grands ports, la Normandie a développé un pôle d’excellence dans la chimie. C’est dans ce secteur, élargi au parfum, à la cosmétique et pharmacie, que se développent le commerce et les investisseurs directs étrangers.
Si les exportations de la Normandie ont crû de 4,5 % en 2018, les importations se sont, elles, envolées de 12,6 %. « La remontée du prix du pétrole est en grande partie responsable de la détérioration du déficit commercial normand, qui dépasse 9 milliards d’euros », commente-t-on ainsi à l’Insee. En valeur, les exportations ont dépassé les 34,7 milliards d’euros, alors que la barre des 44 milliards d’importations a été franchie.
Dans la structure des échanges, la chimie est prédominante. À l’import, si les produits pétroliers ont contribué à 40 % du total, la chimie, avec les parfums et cosmétiques, a représenté 13 % et la pharmacie 7,5 %. À l’export, la part respective de ces deux secteurs s’est élevée à 19 % et 16,2 %, avec, pour ce dernier secteur, une hausse de 18 % en un an.
Les entreprises étrangères contribuent largement à cette performance. Dans son rapport 2018 sur les investissements internationaux, Business France relève que la Normandie a accueilli 11 % des décisions des projets dans la chimie-plasturgie en 2018 et 5 % dans les médicaments et biotechnologies appliquées. L’agence publique remarque encore que l’indice de spécialisation y est particulièrement élevé dans la chimie-plasturgie et dans la pharmacie.
Ainsi, le groupe pharmaceutique Aspen, qui exporte déjà 90 % de sa production à partir de son usine de Bondeville, au nord de Rouen, y a inauguré, le 17 juin dernier, un nouveau bâtiment de 8 000 m2 pour y produire 48 millions d’unités par an. L’entreprise sud-africaine a choisi ainsi de s’étendre pour développer de nouvelles lignes de fabrication de produits stériles injectables, représentant un investissement global de 100 millions d’euros.
Un mois plus tard, le nouveau bâtiment de GlaxoSmithKline (GSK) a été inauguré à Évreux. Le britannique GSK, dont l’export depuis ce site représentait 86 % de la production en 2017, injecte 90 millions d’euros pour produire à compter de 2020 jusqu’à 16 millions d’unités de médicaments à inhaler.
Au total, la Normandie, dotée de huit ports de commerce, réalise 35 % de son produit intérieur brut à l’export. La chimie et la pharmacie ne sont pas seulement les premiers postes d’exportation, mais ils dégagent aussi un solde commercial positif, respectivement de 1,42 milliard d’euros et de 2,5 milliards en 2018.
Région agricole, premier producteur français de lin, la Normandie a également enregistré un solde commercial positif tant pour l’agriculture, la sylviculture, la pêche et l’aquaculture, que pour la transformation agroalimentaire, avec, respectivement, +990 millions et + environ 2 milliards d’euros. Les exportations, en particulier, ont atteint respectivement 2 milliards d’euros et 4,65 milliards.
Numéro un de la boulangerie-pâtisserie en Corée du Sud, SCP Group a choisi la ville de Saint-James en Basse-Normandie pour implanter sa première usine de production de viennoiseries surgelées en Europe. Cet investissement de 20 millions d’euros est facilité par l’avantage logistique que constitue le port du Havre et la présence sur place d’une filière développée dans le lait et le beurre. De façon générale, la contribution des entreprises sous contrôle étranger au chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière est particulièrement élevée en Basse-Normandie, soit 42 %. Par ailleurs, les exportations normandes sont pour 54 % destinées à l’Union européenne (UE). Si l’Allemagne est arrivée en tête, en absorbant 8,9 % des ventes à l’étranger, les États-Unis occupaient la deuxième place devant l’Italie, avec, respectivement, des taux de 8,8 % et 8,2 %.
Chiffres clés du commerce extérieur (2018)
Export : 34,7 milliards d’euros
Import : 44,1 milliards
Solde : – 9,4 milliards
Source : Direccte
Cap sur le Royaume-Uni, l’Asie et l’Afrique
Lointain successeur de Guillaume Le Conquérant, Hervé Morin, président du Conseil régional depuis janvier 2016, ne savait sans doute pas que le « leave » décidé six mois plus tard par le peuple britannique l’amènerait à chercher à « conquérir » les entreprises implantées au Royaume-Uni.
« Pour les groupes étrangers, la Normandie est une porte d’entrée sur le marché européen. Elle est un hub européen et, avec le Brexit, nous pensons que la région a une nouvelle carte d’attractivité à jouer », explique au Moci Sophie Gaugain, première vice-présidente, en charge du Développement économique.
Pour séduire les sociétés installées outre-manche, la Normandie n’a pas lésiné sur les moyens. Campagne de promotion Hot Entrepreneur Wanted (cherche entrepreneur sexy, en français), création d’un guichet unique à l’Agence de développement pour la Normandie (ADN) et d’une zone économique spéciale (ZES) pour accueillir les entrepreneurs, attribution d’un Welcome Package pour les familles, tournée du Magical Norman Tour, un bus à l’effigie normande, dans cinq villes britanniques (Bristol, Birmingham, Manchester, Cambridge, Londres) : les contacts réalisés porteraient leurs fruits, puisqu’une dizaine d’entreprises pourraient quitter le territoire conquis il y a 900 ans par Guillaume Le Conquérant pour la Normandie.
Si les Normands pensent que leur terre peut être un hub de distribution et de fabrication, ils voient aussi très loin : être, notamment, une plateforme d’exportation vers l’Asie et l’Afrique. Le savoir-faire dans l’agroalimentaire, la gastronomie, la qualité des produits seraient ainsi des atouts pour nourrir en Asie Japonais, Coréens ou Chinois. Hervé Morin pilote des missions à l’étranger, qualifiées de « diplomatiques » par Sophie Gaugain, avec des entreprises. Souvent, ces offensives au grand large sont adossées à des études de la Team France Export (TFE), constituée par Business France et le réseau régional des CCI. Les zones émergentes sont particulièrement visées, dont l’Afrique. La filière automobile pourrait aborder ce continent, mais, à cet égard, Sophie Gaugain se veut encore discrète.
« Depuis deux ans, précise-t-elle, nous réalisons des missions d’accompagnement en Asie, par exemple en Corée, en Amérique du Sud, en Russie, avec notre spécificité agroalimentaire ». L’ADN coopère avec les bureaux locaux de Business France et les ambassades. L’identité régionale est forte et Normandie est une marque déposée. « Si tout est bien organisé, entre le pavillon France et la marque Normandie, il n’y a pas de difficultés », assure la vice-présidente. La marque Normandie est déployée par l’ensemble des acteurs, économiques comme l’ADN et l’agence Normandie Attractivité, mais aussi non économiques, par exemple les collectivités locales ou les organismes culturels.
427 entreprises accompagnées
Le « pragmatisme » doit être au cœur de la Team France Export, constituée par Business France et le réseau des CCI régionales, assume Sophie Gaugain, première vice-présidente de la Région Normandie, en charge du Développement économique. L’élue se félicite du nombre d’entreprises, PME, TPE, accompagnées jusqu’à présent, après avoir bénéficié d’un diagnostic ou d’une aide à la stratégie. Elles seraient ainsi au total 427.