L’État et les Régions se rejoignent sur la priorité donnée à l’innovation. Sans recherche et développement, il ne peut y avoir de gains à l’international. D’où les initiatives lancées depuis des années avec les pôles de compétitivité et les clusters, associant tous les acteurs d’une même filière.
Cosmetic Valley
Une Vallée en France à la conquête du monde
Quatorze ans après sa création, Cosmetic Valley est l’un des pôles de compétitivité nés de la loi de finances 2005 parmi les plus innovants et les plus internationaux à ce jour. Si l’État a lancé le concept de pôle, les Régions, acteurs de proximité, sont au cœur du système, ce qui se traduit pour Cosmetic Valley par une contribution notable de 30 % à son budget annuel des partenaires publics, État et Régions. Les 70 % sont constitués de ressources privées.
S’agissant des régions, elles sont trois – Normandie, Centre Val de Loire, Nouvelle Aquitaine – auxquelles s’ajoutent les départements et agglomérations d’Ile-de-France. Au total, ce sont 600 membres, dont 200 d’Ile-de-France, 130 du Centre Val de Loire, 60 de Normandie et une vingtaine de Nouvelle Aquitaine. Parmi de grands noms français, comme LVMH et L’Oréal, mais aussi des multinationales implantées en France, comme Shiseido, Coty, Procter & Gamble, Reckitt Benckiser, Johnson & Johnson.
Quatre-vingts pour cent sont des PME pour lesquelles le pôle développe une grosse activité de participation à des salons (Cosmoprof Hong Kong, Beauty World Middle East, China Beauty Style…). Lors du dernier In-Cosmetics, à Paris, 118 entreprises exposaient sous le pavillon Cosmetic Valley, le plus important de la manifestation avec 3 000 m2. À l’étranger, l’association achète à Business France la superficie nécessaire à la présence de ses membres et se charge de l’organisation.
L’agence publique impose son logo au-dessus de celui de Cosmetic Valley – « ce qui ne plaît pas beaucoup et est remis en cause », confie un industriel francilien. Sous l’identité commune Cosmetic Valley, figure encore un troisième niveau : les régions, qui ont ainsi leur espace.
Premier cluster mondial à avoir été créé dans la parfumerie cosmétique sur un marché mondial estimé à environ 717 milliards de dollars en 2025, Cosmetic Valley entretient des partenariats sur toute la planète. Avec ses 45 milliards de chiffre d’affaires d’euros de chiffre d’affaires annuels et ses 650 millions d’investissements en R&D, la France est le numéro un mondial. Depuis le début de l’année, Cosmetic Valley est chargé de la coordination au niveau national de la filière cosmétique.
« En 2013, relate Ségolène Leloutre, chef de projet international à Cosmetic Valley, nous avons créé à Paris notre propre salon spécialisé, Cosmetic 360. C’est un salon d’innovation très international, avec 30 % d’exposants et de visiteurs étrangers lors de la dernière édition l’an dernier. C’est dans ce cadre que s’est formé un réseau informel, qui a décidé il y a deux ans de présenter dans le cadre du programme européen Cosme le projet Cosmetic4Wellbeing, visant à former et apporter à des entreprises des informations sur les marchés et des opportunités de business à l’international ». C’est ainsi qu’en mars dernier 7 PME ont participé à un voyage exploratoire au Mexique. Appelé Global Cosmetics Clusters, le cluster européen, qui est un cluster de clusters, vient juste d’être formalisé entre Cosmetic Valley et ses partenaires : France Clusters, le réseau des clusters français, l’espagnol Beauty Cluster Barcelona, Transylvania Lifestyle Cluster, un cluster roumain sur le bien-être, incluant la cosmétique, et l’Association d’entreprises de Beira Baixa (AEBB), dont les membres sont des spécialistes des plantes médicinales et aromatiques dans l’est du Portugal.
Cette alliance européenne a notamment dégagé cinq zones de prospection où ses membres ne sont pas présents, l’exception des Émirats arabes unis (EAU) pour Cosmetic Valley. Donc hormis les EAU, Mexique, Corée du Sud, Inde et États-Unis, où des actions de sensibilisation vont être menées en 2020 et 2021 : informations réglementaires, missions collectives, rendez-vous BtoB à l’occasion notamment de salons. À chaque fois, c’est l’image globale, commune, Global Cosmetics Clusters, qui sera ainsi mise en avant.
Normandie Maritime
Une Vallée en France à la conquête du monde
Si l’État a créé les pôles de compétitivité, les Régions ont aussi l’ambition de fédérer en créant des clusters. C’est ainsi que Normandie Maritime a été lancé au Havre, lors des Assises de la mer, le 21 novembre 2017, par Hervé Morin, le président de la Région.
L’objectif était de bâtir en Normandie une nouvelle filière à l’égal de celles qui existaient, comme l’aéronautique, l’automobile, les énergies ou l’agroalimentaire. Ce n’était pas gagné. « Tout en ayant de grands ports commerciaux, nautiques, fluviaux, de Grandville au Tréport, en passant par Cherbourg, Rouen et Le Havre, nous tournions le dos à la mer », se souvient Delphine Lefrançois, déléguée générale de Normandie Maritime, à Colombelles, près de Caen.
Comme les autres filières régionales, le cluster est financé par la Région à hauteur de 50 % de son budget de fonctionnement, la limite autorisée par l’Union européenne en matière d’aide publique. Il est donc né d’une volonté politique, « pas du terrain », précise Delphine Lefrançois. Naval Group n’y est pas adhérent. Le plus gros serait les Constructions Mécaniques de Normandie (CMN), mais l’essentiel des 105 membres sont des PME, voire des TPE.
L’intérêt d’Hervé Morin pour cette filière s’explique. Mis bout à bout, l’activité navale – construction, réparation et déconstruction – les services et travaux maritimes et le nautisme et la plaisance représentent plus de 32 100 emplois, soit 2,5 % de l’emploi total. Paradoxalement, il n’y a jamais eu de flotte ou d’équipe normande, alors que Le Havre est le premier port de commerce international en France et Caen le numéro un pour les céréales en Europe. Cette région est aussi numéro deux dans l’Hexagone pour la pêche maritime, première pour la pêche de coquillages et conchylicole, et 13 000 places à flot y sont disponibles, soit 8 % de l’offre nationale. Ce sont des écosystèmes complémentaires pouvant alimenter, de surcroît, une chaîne de valeur diversifiée, allant de l’étude et l’ingénierie à des services connexes, comme le travail des armateurs ou la tenue d’évènements sportifs.
En attendant d’envoyer des flottes à l’international, le cluster, qui n’est vraiment actif que depuis un peu plus d’un an, a beaucoup à faire pour se structurer. Des contacts pour opérer à l’international sont pris avec Thierry Régnault, le responsable Recherche et développement de CMN, également correspondant Export du Comité stratégique de la filière (CSF) des Industries de la mer, créé sous l’égide du Conseil national de l’industrie (CNI) que préside le Premier ministre. D’autres contacts ont aussi été établis avec le pôle Mer Méditerranée.
L’an prochain, Normandie Maritime sera présent sur deux salons français à dimension internationale, Euromaritime et Euronaval. Pour le compte de ses membres, sont déjà organisées des rencontres d’affaires avec les grands opérateurs nationaux ou régionaux sur les marchés extérieurs, comme Business France et CCI International. « Quand il s’agit de mener des actions à l’étranger, nous identifions les sociétés », délivre Delphine Lefrançois. L’association collabore encore avec les autres filières régionales, comme les énergies, le numérique ou la logistique.
François Pargny