Une des chances de Rbône-Alpes pour rester compétitive et présente sur les marchés internationaux est l’existence d’une industrie remarquablement diversifiée. Certes malmenée comme partout en France, elle sait se remettre en question, évoluer.
« La robotique est un des grands paris industriels du XXIe siècle, elle est une option pour l’industrie de relever la tête, on peut parler de “robolution” », expliquait avec enthousiasme Bruno Bonnell, président de Syrobo, syndicat de la robotique de service lors d’Innorobo, deuxième sommet européen dédié à la robotique de service qui avait lieu à Lyon du 14 au 16 mars.
Le marché mondial de la robotique de service pèsera 85,5 milliards de dollars en 2018 : il aura été multiplié par 30 en dix ans ! Japon, États-Unis, Corée du Sud caracolent en tête. La France, pour sa part, se distingue par ses laboratoires de recherche de renommée mondiale, mais n’est pas vraiment pro-active sur ce marché prometteur.
En mettant l’accélérateur sur cette deuxième édition d’Innorobo, la région lyonnaise, et plus largement Rhône-Alpes, ambitionnent de devenir le pôle européen d’excellence en robotique de service. Innorobo 2012, qui a réuni 100 entreprises de 12 pays différents, se voulait l’événement de référence en Europe.
Mais les acteurs rhônalpins de la robotique ont-ils les moyens de leurs ambitions ? Selon une étude de l’ARDI (Agence régionale du développement et de l’innovation), qui passe en revue les atouts de la région pour faire émerger une véritable filière robotique, on dénombre aujourd’hui plus de 50 entreprises directement engagées dans ce domaine mais plus de 1 500 dont les compétences concernent aussi ce savoir-faire : mécanique, électronique, informatique embarquée, logiciel, matériaux intelligents… Une bonne base à laquelle Bruno Bonnell croit : il insiste notamment sur l’aspect « diffusant de la robotique ». « Au-delà des entreprises impliquées dans la fabrication de robots, la région abrite de nombreuses sociétés acteurs clés des secteurs applicatifs », constate-t-il. Soit dans le médical et la santé, l’assistance à la personne, les transports, le BTP, l’habitat, l’électroménager.
Un exemple en tout cas d’une nouvelle compétence de l’industrie régionale, riche de promesses, et qui s’ajoute aux nombreuses autres existantes, souvent renforcées par un pôle de compétitivité, un cluster régional ou un groupement d’entreprises. La liste de toutes ces organisations (voir la liste des filières plus loin) montre assez la diversité des savoir-faire industriels. L’industrie en Rhône-Alpes, malgré des difficultés réelles en 2010 et 2011, demeure le moteur majeur de l’économie. En particulier parce qu’elle concentre l’essentiel des capacités d’investissement dans la R&D : elle pèse 90 % des investissements R&D du territoire. Un point fort de cette industrie régionale : beaucoup de ces filières « historiques » sont positionnées dans des secteurs encore en croissance comme la chimie, la pharmacie, la santé, l’agroalimentaire, les industries liées au bois, l’environnement. Elle a su aussi investir des domaines émergents à fort potentiel comme les éco-technologies, les éco-matériaux, les nano-technologies et logiciel embarqué. Et donc dans le viseur la robotique de service. Tout n’est certes pas rose, la désindustrialisation a frappé ce territoire comme ailleurs en France. Mais des stratégies de relocalisation peuvent émerger pour certains secteurs en essayant de capitaliser sur de nouveaux potentiels.
Le textile est un exemple emblématique. En Rhône-Alpes, région textile historiquement forte, le secteur de l’habillement affiche une croissance en berne : les emplois de production sont passés de 22 000 à 500 en quinze ans. Le paradoxe veut néanmoins que l’habillement reste une activité dynamique puisqu’il représente 18 % de l’habillement français avec 460 entreprises, 1 100 marques et 5 000 emplois. Emploi non de production, mais de conception, de commercialisation, de sourcing, etc.
La profession, représentée par le syndicat Mode Habillement Rhône-Alpes (MHRA), réfléchit actuellement à une politique de relocalisation. Ce thème a fait l’objet d’un forum le 7 mars 2012. Une certaine relocalisation peut s’envisager puisqu’on n’observe pas un départ irréversible des capacités de production. L’important semble être de tirer ces capacités vers le haut, de faire émerger « une qualité locale riche et rayonnante. Et de mettre en avant les thématiques de la “French Touch”, de l’excellence française », comme on a pu l’entendre au cours de ce forum.
Cela passe aussi par une évolution de la formation professionnelle car l’habillement fait face à la disparition de ses compétences, les expertises sont particulièrement menacées. « Les entreprises confrontées à la disparition de ces compétences expertes délocalisent. Il faut une réponse de formation spécifique permettant la préservation de métiers rares comme raccoutreuse ou bichonneuse », détaille Pierre-Jacques Brivet, conseiller de Gérard Ravouna, président de MHRA. C’est en jouant sur ces ressorts différenciant comme l’excellence, le savoir-faire, la French Touch que l’habillement commence à mobiliser ses troupes. Et aimerait voir émerger la signature « Made in Région »…
Restent des secteurs traditionnels, mais dont le dynamisme à l’international doit être stimulé, notamment grâce à des innovations : l’agroalimentaire est à cet égard une force de l’industrie régionale. Ce secteur totalise 41 000 producteurs, 870 entreprises de transformation, 470 entreprises de commerce de gros agricole et alimentaire, une grande diversité d’artisans et de métiers de bouche.
Pour insuffler plus d’innovation dans cette filière et booster ses performances export encore trop timides, le cluster « Patrimoine gastronomique et bien manger » voyait le jour en juin 2011. Les entreprises du secteur, souvent de taille modeste, ont du mal à exporter. Pourtant, la qualité de leur production se révèle un atout pour l’international. En misant sur le « bien- manger », ce nouveau cluster joue lui aussi la carte de la « French Touch » du « made in Région ».
L. J.
Un projet européen pour Lyonbiopole
Le pôle de compétitivité Lyonbiopole, labellisé pôle mondial depuis 2005, concentre ses forces sur la lutte contre les maladies infectieuses humaines et animales et les cancers. Sur la scène internationale, Lyonbiopole, déjà bien présent, vient de démarrer un projet européen intercluster pour soutenir l’internationalisation des PME. Ce projet, nommé BioX4Clusters, renforce la coopération entre quatre clusters européens – Lyonbiopole, Biocat (Catalogne), BioM (Bavière) et BioPmed (Piémont) –, tous dédiés aux sciences de la vie, pour élaborer une stratégie commune d’internationalisation de leurs entreprises. Suite à un appel à projets de la Direction générale entreprise & industrie de la Commission européenne, c’est l’organisme de soutien à l’export régional Erai qui s’est vu confier la gestion et l’animation de ce projet de 2012 à 2014. Trois pays ont été choisis par Erai pour tester et mettre en œuvre cette stratégie d’internationalisation des PME : le Brésil, la Chine et les États-Unis.
Erai s’appuiera sur son réseau dans ces trois pays ainsi que sur les relations qu’y entretiennent déjà les clusters partenaires. « Je suis frappé par le sens de l’innovation des TPE et PME, mais elles ont rarement les moyens de les mettre en œuvre. Or l’innovation est la condition indispensable à une stratégie de développement international », souligne Daniel Gouffé, président d’Erai.
L. J.
Le pôle Minalogic en pointe pour les investissements
Le Commissariat général aux investissements d’avenir a labellisé en mai dernier comme « IRT (institut de recherche technologique) nanoélectronique » le projet porté conjointement par le pôle de compétitivité mondial Minalogic, l’Institut de recherche CEA-Leti et le fabricant mondial de semi-conducteurs STMicroelectronics. Minalogic est dédié aux micro et nanotechnologies et au logiciel embarqué. Eco-système essentiellement inscrit en terre grenobloise et iséroise. L’objectif de cette IRT est d’injecter à haute dose de l’innovation à tous ses membres (Minalogic totalise 214 adhérents dont 161 entreprises) pour arriver à des micro et nanotechnologies différenciantes. Et surtout pour permettre leur mise en œuvre dans de nombreux univers : automobile avec les véhicules électriques, habitat avec les bâtiments intelligents, médical avec les applications e-santé, environnement avec les smart grid…
Cette labellisation IRT se traduit par une dotation publique de 300 millions d’euros. Ce coup de fouet à l’innovation donne aux PME du secteur des micro et nanotechnologies la possibilité d’accéder à un leadership international. « Minalogic se réjouit de pouvoir mettre toutes ses expertises au service de l’innovation des entreprises, en particulier des PME, et ainsi de renforcer la compétitivité régionale et nationale », indique Jean-Chabbal, délégué général de Minalogic.
Le pôle Techtera s’intéresse aux véhicules en fin de vie
Le pôle de compétitivité Techtera, dédié aux textiles techniques et matériaux souples de Rhône-Alpes, est leader français dans ce secteur. Son objet est de mettre en œuvre des projets de R&D communs. Techtera (110 adhérents dans toute la région), depuis sa création en 2005, est à l’origine de plus de 100 projets de R&D collaboratifs. ValTex, lancé en février, vise la mise en place d’une filière de récupération des textiles professionnels et leur valorisation. Sont concernés les textiles des véhicules en fin de vie, automobile et ferroviaire, et les vêtements professionnels, soit un potentiel annuel de 49 000 tonnes en France. L’objectif est qu’ils soient recyclés pour créer de nouveaux produits, également recyclables. Sont impliqués dans ce projet un laboratoire de recherche et un organisme de certification. Parmi les industriels, on note Renault, la SNCF et la société Laroche, installée dans le Rhône et qui se positionne comme leader mondial dans le traitement des fibres, des technologies de recyclage et des non-tissés. Cette filière de recyclage s’ajoutera à celle existant déjà pour le recyclage des textiles dits ménagers dont la collecte dépasse 130 000 tonnes par année. Avec ValTex, Techtera répond à une directive européenne concernant l’élimination des véhicules en fin de vie et s’engage dans des recherches fortement innovantes, « or innover rime avec croissance et création d’emplois », remarque Jean-Charles Potelle, président de Techtera.
L. J.
Les filières d’excellence de Rhône-Alpes
Pôles de compétitivité : Lyonbiopole (épidémiologie, vaccins, science vétérinaire et biothérapie) ; Minalogic (micro et nanotechnologies avancées) ; Arve Industries (décolletage et mécatronique) ; Axelera (chimie et environnement) ; Imaginove (jeux vidéo, cinéma, animation) ; Lyon Urban Trucks&Bus (transports collectifs urbains de personnes et marchandises) ; Pass (Parfums, arômes, senteurs, saveurs) ; PEIFL (fruits et légumes) ; Plastipolis (plasturgie) ; Techtera (textiles techniques) ; Tennerdis (énergies renouvelables) ; Trimatec (écotechnologies) ; ViaMéca (mécanique).
Clusters : Aerospace (aéronautique civile, militaire et spatiale) ; CIM (industries de la montagne) ; Edit (software) ; Cluster logistique ; Eco-énergies ; Cluster Lumière ; I-Care (technologies de la santé) ; Organics clusters (produits bio).
Réseaux d’entreprises : Filière aéraulique, frigorifique, thermique ; cluster Beaujolais ; Eden (défense et sûreté) ; Indura (infrastructures durables) ; Loire Numérique ; Mecabourg ; MecaLoire ; PIC (innovations constructives) ; Pil (intelligence logistique) ; Ora (pôle optique) ; Pôle des technologies médicales.