Le MOCI. Quel état des lieux faites-vous du marché du transport maritime de conteneurs ?
Olaf Merk. Les alliances permettent aux transporteurs de mieux utiliser leurs actifs et conduisent à la concentration, en particulier sur les routes Est-Ouest où environ 95 % de la capacité est entre les mains de trois alliances. Celles-ci sont probablement plus stables que certaines des quatre précédentes alliances. Les engagements sont pris sur des périodes plus longues. Pourtant, de nouvelles fusions dans le transport maritime de conteneurs pourraient mener à les remanier à l’avenir. En outre, les transporteurs ont consolidé leur position dans les terminaux à conteneurs depuis une dizaine d’années : environ 40% de la capacité mondiale de terminaux à conteneurs est entre les mains de compagnies maritimes et de leurs filiales. Les deux alliances 2M et Ocean Alliance sont devenues de très grands acteurs de ce marché, chacune avec environ 90 terminaux à travers le monde.
Le MOCI. Quels sont les impacts des nouvelles alliances sur les chargeurs ?
O.M. Si les compagnies maritimes déclarent que les alliances leur permettent de proposer une offre plus étendue de services, le secteur du transport maritime dans son ensemble devient plus concentré et offre moins de choix, moins de fréquences de services et moins de connexions directes de port à port.
De plus, le passage de quatre à trois alliances au 1er avril 2017 n’a pas été très harmonieux. Il y a eu un flou dans les plannings horaires jusqu’au dernier moment. La consolidation du secteur du transport maritime de conteneurs, avec de toujours plus grands navires, rend les chaînes d’approvisionnement plus vulnérables aux retards et perturbations. S’il est strictement interdit aux alliances de coopérer commercialement et de coordonner les prix, les chargeurs ont toutefois moins de choix en termes d’options d’expédition, ce qui augmente leurs risques supply chain, et donc possiblement leurs coûts.
J’ajoute que la consolidation des transporteurs a aussi des répercussions sur les ports et terminaux : les alliances ont plus de poids pour demander des tarifs plus bas ou plus d’infrastructures, et peuvent faire jouer la concurrence entre les ports.
Le MOCI. Quel regard porte les autorités sur ces alliances?
O.M. Les alliances sont autorisées par l’Ocean Shipping Reform Act aux Etats-Unis et la réglementation sur les consortiums de l’Union Européenne, qui sera réexaminée en 2018 ; je pense que les impacts des alliances sur les chargeurs, les terminaux et les systèmes portuaires feront partie de la discussion.
Propos recueillis par Christine Calais