Les tech entrepreneurs africains sont de plus en plus nombreux à construire le continent. À l’instar de Ma3Route, qui s’est attaqué aux transports et à la circulation automobile en ville. Ou encore de Jumia, devenu un leader du e-commerce.
Jumia
La marque qui surfe pour devenir l’Alibaba d’Afrique
Quatre ans après sa création, Africa Internet Group, un des principaux acteurs du e-commerce en Afrique, change de nom et devient Jumia pour regrouper sous une seule marque ses 10 plateformes de services en ligne qui permettent à la classe moyenne africaine connectée à Internet d’acheter des articles de mode et des produits high-tech, de réserver un hôtel, de consulter des offres d’emploi ou les petites annonces, de se faire livrer un repas au bureau ou chez soi ou encore d’acheter une voiture d’occasion.
« Ce changement de marque nous permet de créer une marque à l’échelle de toute l’Afrique, qui soit connue par 1 milliard d’Africains et soit synonyme de qualité et de confiance », souligne d’emblée Jérémy Hodara, cofondateur et co-CEO de Jumia Group (ex-Africa Internet Group) rencontré à Paris dans les bureaux du groupe. Avec sa nouvelle marque, le groupe de e-commerce ambitionne d’inciter les consommateurs à utiliser Internet pour leurs besoins quotidiens comme acheter une paire de chaussures ou réserver un hôtel.
« Derrière la marque Jumia, il y a plus que ça, car Jumia va permettre à nos consommateurs d’avoir accès à des services et à une facilité de navigation nouvelle », poursuit Jérémy Hodara, qui insiste aussi sur le fait qu’il ne s’agit pas de construire des sites web, « mais un écosystème ». Au cours des trois à quatre dernières années, la société Africa Internet Group fondée en 2012 par Jérémy Hodara et Sacha Poignonnec a lancé des plateformes sur Internet pour proposer des nouveaux services aux consommateurs africains. Utilisés au quotidien sur leurs téléphones portables par les gens de la classe moyenne, qu’il s’agisse du site de e-commerce Jumia, temple du shopping en ligne qui livre en 24 heures dans 15 pays du continent, du site de réservation d’hôtels Jovago ou du service de livraison de repas à domicile HelloFood, tous ces services seront désormais connectés au même écosystème sous la marque ombrelle Jumia.
Avec son portefeuille de services de e-commerce visant à faciliter le quotidien des consommateurs du continent confrontés à l’absence de structures physiques « offline » pour faire des courses, acheter un billet d’avion, louer un appartement ou encore prendre un repas à emporter, Jumia est en passe de devenir le Alibaba africain. Comme le fait remarquer Jérémy Hodara, le géant chinois a construit « un écosystème global sur Internet, plus vaste qu’Amazon », au sein duquel les internautes peuvent commander à manger, regarder un film, réserver un hôtel, acheter un billet d’avion, commander des produits, vendre en ligne etc. « Alibaba possède une cinquantaine de sites web qui construisent un vrai écosystème », souligne le cofondateur de Jumia Group.
À l’exception du site de shopping en ligne Jumia, sa marque phare créée en 2012 au Nigeria, 9 des 10 plateformes online qui ont des bureaux dans 26 pays du continent ont été rebaptisées. Ainsi, la place de marché Kaymu devient « Jumia Market », le site de réservation d’hôtels Jovago devient « Jumia Travel », le service de livraison de repas Hellofood s’appelle désormais « Jumia Food », le site de petites annonces Vendito devient « Jumia Deals », le site d’achat, vente et location d’immobilier Lamudi devient lui « Jumia House » tandis que le site d’offres d’emplois Everjobs est rebaptisé « Jumia Jobs ». La plateforme d’achat et de revente de véhicules Carmudi est désormais accessible sur « Jumia Car ».
« La marque ombrelle Jumia, explique le dirigeant, est une marque synonyme de qualité et de confiance ». Les deux cofondateurs se sont appuyés sur la notoriété de leur mall digital lequel propose des milliers de références de biens de consommations pour permettre aux consommateurs de surfer en toute confiance sur les autres plateformes de e-commerce du groupe Jumia. « Au-delà de la marque, on connecte l’écosystème ! », affirme Jérémy Hodara. Ainsi, depuis la page d’accueil du site Jumia, les internautes peuvent désormais accéder aux autres services du groupe : Jumia Travel, Jumia Food… pour réserver une chambre d’hôtel ou se faire livrer un repas. « Les utilisateurs, précise Jérémy Hodara, peuvent utiliser le même mot de passe et identifiant pour se connecter sur tous les sites ».
Venice Affre
Ma3Route
Le petit qui roule sur les platebandes de Waze et Google
Développé à Nairobi par le Kenyan Lanban Okune et le Franco-camerounais Stéphane Eboko, Ma3Route est une plate-forme mobile, web et SMS, qui aide les citoyens à accéder et à partager l’information sur les transports et les conditions de circulation du moment dans leur ville. Le succès est au rendez-vous, puisque Ma3Route pourrait compter « un million d’utilisateurs par jour à la fin de l’année, soit le double d’aujourd’hui », estime Stéphane Eboko.
Diplômé de Sciences Po Paris, ce tech entrepreneur, comme il se définit, s’est installé au Kenya en mai 2014 pour créer une société de conseil. « Après avoir passé plusieurs années au Zimbabwe à la Fédération pour le développement des capacités en Afrique puis en Ethiopie comme consultant pour des organisations internationales, j’ai finalement opté pour le Kenya à cause de son écosystème innovant », relate-t-il au Moci.
« Des infrastructures peu développées, un service de transport peu organisé, une urbanisation galopante, une classe moyenne émergente, une utilisation d’Internet en expansion et des prix en baisse, tout concourrait aussi à ce qu’on se lance dans cette opération », ajoute Stéphane Eboko. Ma3Route a été lancé en octobre 2012 et la société des deux fondateurs, Sky High, plus de deux ans plus tard en janvier 2015. « En 2013, se souvient le Franco-camerounais, Laban a gagné un prix qui lui a permis d’obtenir gratuitement un espace au sein de l’incubateur iHub, avec une personne à temps plein pour effectuer des études de marché et faire de la gestion du site web », se souvient le Franco-camerounais. C’est Laban Okune, ingénieur informaticien de l’université Kenyatta, qui a créé l’algorithme, la plateforme mobile sur Androïd et la plateforme web, alors que la plateforme sur iphone a été développée par un autre ingénieur kenyan.
Ma3Route peut se développer grâce à publicité en ligne, le paiement des SMS et la vente des données agrégées. Des géants, comme Nokia et Microsoft, sont aussi des partenaires au Kenya. Et Malgré la concurrence de géants, comme Waze et Google, Sky High parvient à trouver des développeurs ou des commerciaux. Dans deux mois, l’entreprise devrait ainsi passer de sept à douze salariés. En outre, un nouveau partenariat avec le Massachussetts Institue of Technology (MIT) devrait lui permettre de lancer de nouveaux services dans quelques mois. Tout récemment, Ma3Route a bénéficié d’une levée de fonds d’un montant total de 60 000 dollars, réalisée auprès de business angels (des Kenyans, un Italien, un Américain…). Prochaine étape, une nouvelle levée de fonds, mais la cible n’est plus la même. Les fondateurs veulent attirer des capital-risqueurs.
François Pargny