L’émergence de nouvelles technologies au sud du Sahara donne de l’appétit aux grands noms de l’économie française. À l’instar de CFAO, qui s’engage dans le e-commerce avec Africashop, ou Orange, qui y développe ses activités et appuie les start-up locales. D’autres initiatives sont menées par des acteurs de l’Hexagone, comme Lemon Way qui s’est lancé dans le paiement mobile.
Le 4 juillet, la fondation Pierre Fabre annonçait le lancement d’un observatoire de la e-santé, recensant des initiatives digitales en faveur de la santé publique développées à travers l’Afrique et l’Asie. Fin juin, c’était Atos qui inaugurait son centre de services numériques pour l’Afrique de l’Ouest à Dakar. À l’instar du laboratoire français et du fournisseur de services numériques, d’autres grands noms, comme CFAO et Orange, participent à l’éclosion du continent dans le monde digital. Quand Lemon Way se lance dans le paiement mobile, Africashop (CFAO) investit l’e-commerce. Véritables temples du shopping online, les plateformes du commerce en ligne ont su prendre la vague de la croissance exponentielle d’Internet sur le continent pour surfer sur ce nouveau marché à fort potentiel. Ces nouveaux modes de consommation sur le web permettent aux Africains issus de la classe moyenne de consommer des articles de mode, des produits high-tech, des appareils électroménagers parmi une sélection des plus grandes enseignes internationales.
Africashop
CFAO se lance dans la bataille de l’e-commerce
Permettre aux internautes africains d’acheter en direct sur le site La Redoute, Etam ou Verbaudet, et de se faire livrer à domicile ou sur leur lieu de travail grâce à des solutions de paiement adaptées et une logistique maîtrisée, telle est l’ambition du groupe CFAO. En avril dernier, soit quelques mois après avoir ouvert son premier centre commercial sous la marque PlaYce à Abidjan (Côte d’Ivoire), avec son partenaire Carrefour en Afrique, cet expert de la distribution automobile et pharmaceutique a lancé les plateformes d’e-commerce www.africashop.ci et www.africashop.sn à destination de la classe moyenne supérieure, d’abord sur le marché ivoirien puis au Sénégal.
En partant du constat que les internautes africains étaient de plus en plus nombreux et de plus en plus connectés au monde via Internet, la vente en ligne s’est imposée logiquement comme une démarche stratégique pour CFAO. Le groupe souhaite s’orienter vers cette classe moyenne « connectée » qui surfe sur la toile et utilise les réseaux sociaux.
« On s’est posé la question du e-commerce », indique au Moci Olivier Nguyen-Khac, directeur général d’Africashop, start-up du groupe CFAO. Mais en raison de restrictions bancaires, les e-consommateurs africains ne pouvaient jusqu’à présent pas effectuer d’achats sur les sites internationaux. Les internautes sont confrontés à « deux grands freins : le frein du paiement et le frein de la livraison », signale Olivier Nguyen-Khac.
Outre la barrière de l’acceptation de la carte de paiement souvent refusée par les enseignes européennes, s’ajoute pour les e-consommateurs celle de la logistique : comment se faire livrer dans le centre de Dakar ou d’Abidjan depuis la France ? « Et, nous, poursuit Olivier Nguyen-Khac, on avait un rôle à jouer, car nous pouvions lever ces deux freins ».
De façon concrète, CFAO a conçu une plateforme de vente en ligne dont sont partenaires une dizaine de marques françaises et de créateurs africains (La Redoute, Etam, Maty, Somewhere, Sawa…) avec des solutions de paiement adaptées et une logistique maîtrisée. « L’ambition d’Africashop est de permettre aux Africains qui ne faisaient que surfer sur les sites d’acheter réellement », résume le dirigeant. Il s’agit de marques déjà connues des consommateurs africains qui en ont eu l’écho par les diasporas. Sur le portail d’Africashop.sn ou .ci, en cliquant, par exemple, sur la vignette de La Redoute, les internautes sénégalais sont redirigés sur le site du partenaire (http://www.africashop.sn/partenaire/la-redoute) qui propose l’intégralité de l’offre LaRedoute.com, en prêt à porter homme, femme, enfant, et linge de maison, à la clientèle de Côte d’Ivoire et du Sénégal.
La plateforme propose un accès direct aux collections les plus récentes et permet à l’internaute de constituer un panier unique multimarques. « Les internautes voient sur Africashop ce qu’ils pourraient acheter s’ils étaient en France », affirme Olivier Nguyen-Khac. Pendant les soldes françaises, ils auront donc accès aux offres proposées par les sites. De plus, souligne Olivier Nguyen-Khac, « le consommateur a accès à l’ensemble du site marchand du partenaire ». Africashop, se veut un véritable mall digital en Afrique, avec une offre complète de produits des enseignes partenaires et non pas une place de marché qui propose uniquement une sélection d’articles destinée au marché africain.
Sur chaque espace partenaire, le consommateur ajoute les articles à son panier multi-boutiques. Il a ensuite 48 heures pour valider son panier d’achat. Le prix TTC de la commande est affiché en euros et converti en francs CFA. « Le prix global TTC en francs CFA prend en compte les frais de livraison et de dédouanement, il inclut toute la chaîne logistique (l’expédition par bateau ou par avion, les autres taxes liées à l’importation d’importation, l’expédition…) », détaille Olivier Nguyen-Khac.
Africashop bénéficie du savoir-faire du groupe CFAO en matière de logistique pour optimiser les coûts et les délais de livraison. Lorsqu’il a validé son panier d’achat, deux modes de livraison sont proposés au client : par avion avec un délai de 2 semaines et par bateau avec un délai plus long de 1 mois. Les commandes quotidiennes du site Internet de La Redoute sont préparées sur son site logistique à Roubaix puis transmises à la plateforme de CFAO au Havre pour une livraison par voie maritime ou sa plateforme de Roissy pour expéditions par voie aérienne. Les marchandises de La Redoute sont groupées avec les commandes des autres enseignes partenaires avant d’être expédiées vers l’Afrique. Enfin, sur place en Côte d’Ivoire et au Sénégal, la livraison est effectuée en zone urbaine, sur le lieu de travail ou au domicile du client.
La plateforme propose deux moyens de paiement : un paiement en ligne par carte bleue sur le portail Africashop ou en espèces dans la « e.boutique » d’Africashop située dans le mall PlaYce Marcory d’Abidjan. Les clients qui effectuent leur première commande sur la plateforme de vente en ligne peuvent se rendre dans l’espace physique Africashop où ils seront accompagnés par des conseillers pour finaliser leur transaction à l’aide de tablettes mises à leur disposition. Ils peuvent ainsi valider leur panier d’achat pré-rempli, puis régler en espèces ou par carte bleue leur commande.
Avec Africashop, le groupe CFAO affiche une première expérience dans le e-commerce. Après avoir testé ce modèle de vente en ligne en Côte d’Ivoire et au Sénégal, le spécialiste de la distribution va lancer en 2017 son portail Africashop dans sept ou huit autres pays en Afrique francophone (République démocratique du Congo, Gabon, Togo, Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger). « À terme, on souhaite déployer le modèle sur l’ensemble des pays africains », confie le dirigeant.
Lemon Way Africa
Quand la fintech s’implante dans le paiement mobile
Lorsque Lemon Way a décidé de se tourner vers l’Afrique, la fintech française installée à Montreuil à proximité de Paris a ciblé le Mali, pays dans lequel le taux de bancarisation se situe autour de 14 %, pour proposer sur le territoire en partenariat avec la Banque internationale du Mali (BIM) et des partenaires locaux une solution de paiement mobile et de transfert local d’argent destinés aux particuliers, Lemon Money.
Au Mali, pays où le taux de pénétration de la téléphonie mobile dépasse les 120 %, le spécialiste français des services pour la banque digitale fournit aux particuliers encore sous-bancarisés des comptes mobiles pour smartphones et tablettes associés à des cartes bancaires CB, Visa ou Mastercard.
L’application Lemon Money permet à tout porteur de smartphone d’envoyer de l’argent sur son numéro de téléphone mobile, en toute sécurité. L’application permet de réaliser des transactions – paiement de biens de la vie quotidienne – et des transferts – dépôt et retrait d’argent – entre le Mali et 28 pays de l’Union européenne (UE).
Depuis son arrivée en octobre 2014, le service de paiement mobile de l’éditeur de logiciels bancaires a déjà été plébiscité par 1 million d’utilisateurs au Mali. Lemon Way ambitionne d’ouvrir entre 1,2 million et 1,5 million de comptes d’ici la fin de l’année. Après cette première implantation réussie au Mali, la société a accéléré son développement en Afrique avec l’ouverture en février 2016, à Dakar (Sénégal), de sa filiale africaine Lemon Way Africa, dirigée par Stéphane Drai, spécialiste du paiement mobile en Afrique.
« Notre solution a répondu à une vraie problématique », affirme Stéphane Drai, directeur général de Lemon Way Africa. Ce bon connaisseur de l’environnement du paiement en Afrique a lancé en 2011 LIBcard, une carte Visa de paiement prépayée destinée à la population de Côte d’Ivoire. Le service de transfert d’argent (dépôts et retraits d’argent) Lemon Money déployé au Mali permet aux populations locales de ne plus avoir à se déplacer en centre-ville pour faire la queue aux guichets Western Union.
« La diaspora envoie de petits montants d’argent en Afrique, environ 230 euros par mois », renseigne Stéphane Drai. En Europe, les établissements de paiement qui permettent d’envoyer des fonds en Afrique prélèvent des frais de commission dont le montant atteint en moyenne entre 5 % à 10 % de la somme transférée. « Nos frais de commission sont plus proches de 1 % que de 7 % », informe Stéphane Drai. « Notre application permet aux diasporas d’envoyer de l’argent à moindre frais et de manière simple », résume le dirigeant. Forte de sa percée au Mali, Lemon Way envisage de déployer son compte mobile dans d’autres pays, ciblant la zone francophone d’Afrique de l’Ouest et centrale afin de répondre aux besoins du marché africain.
Lemon Way Africa va proposer à terme trois autres services financiers en Afrique :
• « Lemon Cagnotte », une cagnotte en ligne pour le financement collectif d’événements (mariages, anniversaires etc.). Ce service devrait être lancé avant la fin de l’année.
• « Lemon Funding », pour le financement participatif de projets entrepreneuriaux et solidaires.
• « Lemon Market », une place de marché BtoC sur laquelle les consommateurs pourront acheter des biens et être livrés à domicile. « Lemon Market fonctionnera avec des partenaires locaux afin de pouvoir proposer aux populations les meilleures solutions du e-commerce tout en tenant compte des spécificités de chaque pays », précise Stéphane Drai.
Ces trois services seront déployés dans les pays où la solution de base de Lemon Way, son compte mobile Lemon Money, est déjà confortablement installée et plébiscitée par la population locale. « Il est très important de capitaliser sur la marque Lemon Way afin que les clients puissent retrouver un ensemble de services dans lesquels ils ont confiance », estime le dirigeant.
Les outils financiers de l’éditeur français devraient contribuer sur le long terme à limiter l’usage du « cash », moyen de paiement encore majoritairement utilisé dans la rue sur les marchés, et favoriser l’émergence de nouveaux business en ligne.
Lemon Way Africa souhaite en effet accompagner la croissance du e-commerce sur le continent et soutenir les acteurs de ce nouveau type de commerce. « Les jeunes entrepreneurs africains savent concevoir des sites Internet et ils savent également fabriquer des produits (artisanat local, produits manufacturés, produits importés…) », constate Stéphane Drai. Le problème, poursuit-il, c’est qu’ils n’ont pas les outils de paiement dématérialisés ». Afin de ne pas « casser » la chaîne de valeur du e-commerce, Lemon Way Africa proposera sa propre solution d’acceptation de paiement en ligne sur des sites d’achat BtoC.
« Notre solution de compte mobile BtoC permet d’héberger de jeunes entrepreneurs sur des plateformes de vente en ligne ou des start-up qui sont incubées dans des incubateurs et de gérer pour leur compte la problématique de paiement », explique Stéphane Drai. « Grâce à notre activité de compte mobile BtoC, nous allons héberger les start-up qui font du e-commerce (BtoC) afin de leur offrir plus de visibilité et des solutions de paiement innovantes », ajoute-t-il.
La filiale Lemon Way Africa implantée à Dakar constitue une base en Afrique de l’Ouest pour Lemon Way. « À partir de cette base, nous souhaitons ouvrir d’autres filiales dans d’autres pays : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin », confie le dirigeant.
Lemon Way Africa ambitionne de se développer en priorité dans les pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) utilisant la même devise, et de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (Cemac) : à savoir le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République de Centrafrique et le Tchad avec l’ambition d’ouvrir 20 millions de comptes mobiles à l’horizon 2020 et de participer activement à la bancarisation du continent africain.
Orange
Comment un géant soutient l’écosystème des start-up
Le 18 mai dernier Orange lançait la 6e édition du Prix Orange de l’Entrepreneur Social Afrique et Moyen-Orient. Ce prix récompense de nouveau cette année les entrepreneurs innovants issus des technologies de l’information et de la communication (TIC), basés dans un pays d’Afrique ou du Moyen-Orient, et proposant des produits ou des services ayant un impact sociétal et/ou environnemental pour répondre aux besoins des Africains dans la santé, l’agriculture, l’éducation, l’énergie ou encore le commerce.
« Nous avons développé des dispositifs pour mieux connaître et se rapprocher des entreprises technologiques et ainsi comprendre un peu mieux cet environnement », explique au Moci Catherine Flouvat, responsable RSE, Afrique & Moyen-Orient chez Orange, en charge du prix Orange de l’Entrepreneur Social Afrique Moyen-Orient. Lors de la première édition, en 2011, Orange a reçu 600 dossiers de candidature. « Il y a un vrai intérêt pour ce concept, pour le numérique, assure Catherine Flouvat. Il y a une vraie volonté des Africains de créer leur start-up ! ». Le Prix Orange de l’Entrepreneur Social Afrique et Moyen-Orient permet à de jeunes pousses de se doter des compétences digitales et d’obtenir les financements pour lancer une start-up. Orange est un acteur historique dans l’écosystème start-up en Afrique. « On a été un précurseur, nous avons été parmi les premiers à lancer ce type de dynamique en Afrique francophone et à continuer à investir du temps pour développer ces écosystèmes de start-up en Afrique », affirme Catherine Flouvat. Fort du succès de la première édition, Orange a réitéré l’initiative tous les ans.
Le prix est ouvert aux entrepreneurs africains de plus de 21 ans, de toute nationalité, qui n’ont pas encore déposé les statuts de leur société et dont le projet est encore au stade « d’idée ». Il cible les entrepreneurs qui montent un projet numérique et désirent créer leur start-up et grandir. Le prix récompense cette année quatre projets avec des dotations de 5 000, 10 000, 15 000 et 25 000 euros. Cette année, en plus des trois gagnants habituels, un prix spécial dédié aux « contenus culturels » récompensera un entrepreneur développant un projet de contenu culture numérique (programmes culturels) via des sites Internet et des applications mobiles.
« Nous allons évaluer chaque dossier deux fois à l’aide d’une grille d’évaluation afin d’être le plus objectif possible », informe Catherine Flouvat. La grille s’appuie sur trois axes clés : Le premier est l’impact sociétal du projet en termes de création d’emplois par le recours au sourcing local ou à une collaboration avec un partenaire local. Le deuxième axe concerne l’impact environnemental : un produit ou un service pour les secteurs de l’énergie, de l’eau, du papier, de la gestion des déchets… Le troisième axe concerne l’équilibre financier du projet.
Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 21 septembre 2016 sur la page dédiée du site Entrepreneur Club (http://entrepreneurclub.orange.com/fr). Un jury présidé par Jean-Michel Severino, ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), et composé d’experts Orange Afrique ainsi que de membres de la société civile des pays concernés, présélectionnera fin septembre dix projets finalistes plus un dossier du lauréat « Coup de cœur du public » parmi une centaine de candidatures. Les jurés se réuniront courant octobre et les noms des lauréats seront dévoilés le 16 novembre 2016 au Cap, en Afrique du Sud à l’occasion de la cérémonie des AfricaCom Awards.
Chaque lauréat bénéficie d’un coaching de 6 mois au cours duquel il reçoit un accompagnement ciblé selon ses besoins. Orange ouvre des portes aux start-up vers de potentiels investisseurs. « Notre rôle est de leur donner des outils et de leur donner accès à différents programmes comme par exemple un accélérateur de start-up dans leur pays », précise Catherine Flouvat. Depuis 2010, Orange est partenaire du CTIC Dakar, incubateur TIC de référence en Afrique de l’Ouest. En avril 2014, l’incubateur CIPMEN, initié par Orange au Niger, a ouvert ses portes à Niamey hébergeant des jeunes pousses dans les TIC, les énergies renouvelables et l’environnement. « Nous avons créé en partenariat avec Total un autre incubateur au Niger à Niamey et avec l’aide de la primature que nous avons rencontrée en amont », complète Catherine Flouvat.
Venice Affre