À côté des outils locaux, des structures ont une origine étrangère. La France contribue ainsi à l’émergence d’une Afrique technologique.
Agence française de développement
Comment se connecter au développement numérique
Pas de développement en Afrique sans numérique !
L’Agence française de développement (AFD) en est tellement persuadée qu’elle a recruté au premier trimestre un expert, Gwénael Prié, pour réfléchir aux enjeux du numérique et de l’impact de ses technologies. Une démarche indispensable pour ficeler de bons projets, estime-t-on au siège, et pour identifier les technologies les plus adaptées à chaque étape.
Tout récemment, en juin, l’AFD a lancé le Programme Afrique Innovation, une initiative de trois ans (juin 2016-juin 2018), dotée d’une subvention de départ de 1,7 million d’euros, visant à créer un réseau d’incubateurs en Afrique de l’Ouest en liaison avec Bond’innov, incubateur spécialisé dans l’entrepreneuriat avec les pays de l’hémisphère Sud implanté au sein de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) France-Nord à Bondy (Ile-de-France).
Dans une logique de réseau, Bond’Innov devrait signer une charte de partenariat avec des incubateurs africains, tel que le Centre des technologies de l’information et de la communication (CTIC) à Dakar (Sénégal) et le Centre incubateur des PME du Niger (Cipmen), basé à Niamey, qui bénéficie de l’expertise d’Orange dans ses domaines de spécialisation : TIC, énergies renouvelables et environnement. Au départ, la coopération avec Bond’Innov doit servir à renforcer les compétences des membres ouest-africains du réseau et à développer un centre de ressources en ligne. Cette approche de networking sous-entend que « d’autres incubateurs doivent être associés, le plus rapidement possible, à cette initiative, en commençant notamment par le Mali et la Guinée », explique Virginie Lucas, responsable de l’appui au secteur privé à l’AFD. L’objectif de départ est de parvenir à six incubateurs (un par pays africain) et 30 start-up financés sur les fonds d’amorçage, versés sous forme d’avances remboursables.
Aujourd’hui, un incubateur de PME comme le CTIC s’autofinance à déjà à 85 %, car il travaille aussi pour de grandes entreprises et accompagne des sociétés pour le compte d’organismes internationaux. Dans le cas du Programme Afrique Innovation, un des objectifs est de permettre au réseau de fonctionner sans subventions. Ce qui explique que l’AFD, tout en ayant délégué la mise en œuvre à Bond’Innov, demeure attentive à son bon fonctionnnement. D’autant qu’en tant que financeur elle veut aussi jouer un rôle de communication auprès des banques et des fonds d’investissement qui pourraient soutenir le réseau, notamment les fonds locaux du type Teranga Capital, premier capital-risqueur sénégalais, lui-même soutenu par le fonds français Investisseurs & Partenaires (I & P). Les premiers contacts établis avec les établissements financiers, Virginie Lucas est optimiste pour la suite du programme.
French Tech Hub du Cap
Comment faire un hub digital pour Français et Sud-Africains
Près de trois mois après avoir obtenu de l’État français le label French Tech Hub, Le Cap, pôle majeur d’innovation en Afrique, a été inauguré officiellement, le 26 mars exactement, avec la maire de la capitale de la province du Cap-Occidental, Patricia de Lille, et le patron de Wesgro (Western Cape Investment and Trade Agency), Tim Harris. « Que la France veuille s’engager dans le numérique crée ici un véritable engouement », témoigne ainsi le coordinateur public de la French Tech Hub du Cap, Romain Petit, conseiller innovation au ministère des Affaires étrangères et du développement international (Maedi), basé à l’université technologique Tshwane (TUT) et au Hub Innovation, parc scientifique et technologique de Tshwane (municipalité métropolitaine de Pretoria).
Preuve en est aussi l’intérêt du secteur privé sud-africain, à travers deux organismes : Silicon Cape, initiative d’une communauté d’entrepreneurs du Cap-Occidental visant à l’émergence et au financement d’un tissu de start-up innovantes, et Cape Innovation and Technology Initiative (Citi), une organisation modèle de collaboration privé-public qui s’est dotée d’un incubateur, The Bandwidth Barn. « C’est un projet porteur pour l’image de la France, qui demeure en retard en matière commerciale par rapport à certains concurrents en Afrique du Sud, tout en y étant quand même le septième investisseur étranger », estime Christophe Viarnaud, P-dg de Methys (Big data, mobile, e-commerce) et coordinateur côté privé de la French Tech Hub du Cap qui en est un des sponsors, aux côtés des compagnies Orange, Schneider, Gemalto et Dassault Systèmes.
« L’Afrique du Sud, c’est un mélange économiquement. C’est en partie un État développé – un peu de la Belgique et un peu de l’Europe de l’Est – et en partie une nation en développement. On y constate notamment une effervescence de start-up. C’est pourquoi nous cherchons à la fois, avec la création d’un hub international au Cap, à créer des opportunités pour les Français – pour leur atterrissage en Afrique, pour leurs possibilités d’investissement et de partenariat – et à offrir aux entrepreneurs locaux des passerelles en Europe, alors qu’ils ont du mal à sortir de leurs frontières », expose Christophe Viarnaud. Au pays du Black Economic Empowerment (prise du pouvoir économique par les Noirs), il est important d’aider à l’émergence d’entrepreneurs locaux. C’est ainsi que Methys a mis en place Methys Lab, un incubateur qui fournit des technologies ou des financements d’amorçage à des start-up sud-africaines (quatre à l’heure actuelle dans le paiement mobile, le tourisme…).
Le Cap n’est qu’une première étape, l’ambition à terme étant « d’étendre l’écosystème à l’ensemble de la nation » arc-en-ciel, indique Romain Petit, qui se réjouit de l’intérêt de la Small Entreprise Development Agency (Seda), agence du ministère sud-africain du Développement des PME. Créée l’an dernier, la South African Incubation Conference (Sabic), s’est tenu pour la deuxième fois, les 10 et 11 mars 2016, à Midrand (province du Gauteng). Y participaient Premice (Dijon), qui représentait les incubateurs français, et le centre de ressources et d’échanges Ester Technopole (Limoges). Seda s’est particulièrement intéressé aux savoir-faire français dans le numérique et les cleantech.
Depuis, des responsables de Seda ont été invités à se rendre en France. Une visite qui a permis de renforcer ensuite les relations : mise à disposition d’un bureau ; mise relation avec des sociétés sud-africaines, membres de Softstart Business and Technology Incubator (SBTI), un incubateur basé entre Pretoria et Johannesburg participant à l’initiative Business Incubation du Programme de technologie Seda (PTS). « Côté français, nous disposons d’un outil important pour l’Afrique du Sud », juge Christophe Viarnaud, le French Tech Ticket, programme de séduction lancé en mai 2015 par la France pour attirer des entrepreneurs étrangers sur son sol.
François Pargny