Quand l’Afrique s’éveille… Elle devient pionnière dans le paiement mobile, la téléphonie sans fil explose, et les connexions Internet sont développées. L’e-commerce vient aussi concurrencer la distribution traditionnelle, on assiste à une floraison de hubs, d’incubateurs pour favoriser l’émergence de la high-tech et des start-up, ou encore d’accélérateurs et de programmes de formation dédiés aux nouvelles technologies. Mutations, révolution : l’Afrique bouge.
L’Afrique est devenue un terreau d’innovation pour les jeunes pousses de la high-tech. Avec une population d’1,2 milliard d’habitants en passe de doubler d’ici 2050 tirée par une croissance démographique galopante, la révolution numérique amorcée par l’Afrique représente d’énormes possibilités pour une population africaine jeune – 220 millions d’Africains ont entre 15 et 24 ans – et technophile pour qui l’emploi est l’un des défis majeurs. Cette jeunesse africaine représente 60 % de la population et affiche une ouverture aux nouvelles technologies qui devrait stimuler l’innovation dans ce domaine.
Incubateurs pour attitrer les start-up les plus innovantes, accélérateurs de start-up, hubs technologiques, FabLab, espaces de coworking… Un écosystème favorable à la diffusion d’un tissu entrepreneurial technologique s’est installé dans bon nombre de pays du continent. La diffusion rapide des technologies numériques ne se dément pas et s’illustre au quotidien par l’utilisation du téléphone mobile et d’applications qui transforment la vie des Africains.
Les groupes internationaux – Google, IBM, Orange, Atos… s’implantent, ils investissent, les PME et les ETI suivent, les établissements financiers se mobilisent. La Banque mondiale, l’Agence française de développement (AFD) ou les fonds d’investissements y jouent ainsi leur partition.
Car le premier obstacle à la création de start-up en Afrique reste l’insuffisance de financements. Le Kenya et l’Afrique du Sud accueillent la majorité des investissements dans les nouvelles technologies.
Première puissance économique du continent, l’Afrique du Sud est aussi la plus développée en matière d’innovation et de digitalisation. La France a labellisé French Tech Hub la ville du Cap. « Le Cap brille par son écosystème de start-up de type Silicon Valley et Johannesburg par l’excellence de ses infrastructures, la présence des sièges des grandes banques ou d’un opérateur télécom majeur comme MTN. Mais le Kenya n’est pas si loin. Nairobi est un hub en expansion, tout comme dans la région Daar es Salaam en Tanzanie et Kampala en Ouganda », énumère Stéphane Eboko, dirigeant de la plateforme mobile, web et SMS, Ma3Route, à Nairobi.
Le Kenya est aussi devenu un eldorado vers lequel convergent les start-up de tout le continent et où sont nées des entreprises pionnières à l’origine d’applications pour le transfert d’argent, l’agriculture, la santé, le commerce, l’éducation. Lancée en 2007, l’application de transfert d’argent par téléphone portable M-Pesa (« pesa » signifie « argent » en swahili) s’est développée rapidement. En 2012, M-Pesa comptait quelque 17 millions d’utilisateurs. L’application est devenue un outil du quotidien incontournable pour les Kenyans sans compte bancaire, faisant du pays un précurseur dans le paiement mobile.
Autre exemple, la place de marché M-Farm, créée en 2010 par trois femmes, met en relation les agriculteurs kenyans avec des acheteurs et permet aux fermiers d’échanger via la plateforme avec d’autres fermiers sur les bonnes pratiques agricoles.
Lancée en 2011, l’application iCow donne en temps réel, par SMS, les cours des matières premières qu’ils produisent aux petits agriculteurs kenyans. Dans la santé, les applications mobiles permettent aux foyers ruraux éloignés des médecins ou centres de soin de recevoir des conseils par SMS.
Fort de son écosystème numérique mature, le Kenya devrait accueillir à horizon 2030 un vaste projet baptisé « Silicon Savannah ». Ce territoire de 2 000 hectares situé au sud de la capitale Nairobi accueillera les tech hubs et accélérateurs de start-up.
Le Rwanda est devenu aussi un hub pour les start-up. Ce petit pays (12,6 millions d’habitants) de la région des Grands Lacs héberge et incube ses propres jeunes pousses à l’instar de TorQue, une plateforme en ligne pour les distributeurs et grossistes de boissons qui leur permet de gérer leurs stocks.
À Kigali, kLab « knowledge Lab », un hub dédié aux technologies de l’information et de la communication (TIC), accueille étudiants, jeunes diplômés, entrepreneurs et innovateurs qui viennent travailler sur leurs idées ou projets pour les transformer en modèles d’affaires viables. Le gouvernement rwandais a lancé, le 12 mai dernier, le projet « Kigali Innovation City », un cluster technologique dans lequel les entreprises des TIC innoveront et concevront des produits et services pour les marchés internationaux. L’annonce de l’installation dans moins d’un an du premier campus africain de l’université américaine Carnegie-Mellon, conforte le positionnement du pays comme un épicentre de la scène tech. La Banque mondiale, dans son rapport Doing Business 2016, l’a classé au premier rang des pays africains pour la facilité à faire des affaires. Le gouvernement rwandais a l’ambition de faire du pays un carrefour technologique régional.
Mais l’Afrique francophone bouge aussi. Abidjan en Côte d’Ivoire est la première métropole en Afrique de l’Ouest à avoir reçu en février 2016 la labellisation French Tech Hub. L’écosystème digital de l’Afrique de l’Ouest bouge depuis quelques années, faisant émerger sur le devant de la scène des incubateurs à l’instar de CTIC Dakar, le premier incubateur et accélérateur de start-up lancé dans la sous-région pour les entrepreneurs des TIC et des technologies mobiles. Cette pépinière a vu le jour en avril 2011 sous l’impulsion du secteur privé sénégalais (Organisation des Professionnels des TIC), soucieux de dynamiser le secteur TIC et de favoriser la croissance des entreprises les plus innovantes.
Certains grands groupes français surfent sur la vague. Après Abidjan où il a lancé en septembre 2014 son programme d’accompagnement dédié aux start-up africaines « Orange Fab Côte d’Ivoire », le groupe de télécom a implanté à Dakar son second accélérateur de start-up. Orange Fab Sénégal accueille des start-up ayant déjà conçu un produit ou un service mais qui ont besoin de soutien opérationnel pour accompagner leur commercialisation. Accélérateurs, espaces de coworking et hubs d’innovation technologique commencent à faire bouger la scène tech.
D’autres villes en Afrique de l’Ouest voient émerger des start-up prometteuses : Accra au Ghana, Yaoundé au Cameroun et surtout Lagos au Nigeria, qui avec 12 millions d’habitants, l’équivalent de la population du Rwanda, est la plus grande métropole du continent africain mais aussi une terre fertile pour les incubateurs. L’Afrique de l’Ouest a elle aussi à Lagos sa Silicon Valley qui héberge une importante communauté start-up.
Cependant, l’écosystème high-tech en Afrique francophone est moins dynamique, les investisseurs étrangers se tournant d’abord vers l’Afrique de l’Est. « En Afrique anglophone de grands groupes investissent et interviennent dans les incubateurs de start-up », constate Christian Kamayou, fondateur de MyAfricanStartUp, une plateforme qui vise à apporter de la visibilité aux start-up innovantes en Afrique de l’Ouest francophone pour les aider à lever des fonds auprès d’investisseurs. « Les infrastructures administratives des pays anglophones sont davantage prêtes à faire émerger des start-up », observe également Catherine Flouvat responsable RSE, Afrique & Moyen-Orient chez Orange, en charge du prix Orange de l’Entrepreneur Social Afrique Moyen-Orient. « Mais, assure-t-elle, il y a autant d’entrepreneurs en Afrique francophone qu’en Afrique de l’Est, c’est simplement que l’écosystème pour les faire émerger est moins mature ». D’où une initiative comme celle d’Orange qui aide les jeunes pousses à percer et à gagner en visibilité à travers son prix de l’Entrepreneur social Afrique-Moyen-Orient.
Néanmoins, du nord au sud, de l’est à l’ouest, les jeunes pousses de la tech germent à travers le continent, la révolution start-up est en marche. Les enjeux de la révolution numérique en Afrique représentent de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises qui peuvent participer à cette révolution tech en investissant dans les start-up qui ont percé mais ne disposent pas des fonds nécessaires à l’industrialisation et la commercialisation de leur technologie, en nouant des partenariats avec des entreprises locales pour accompagner les entrepreneurs tech africains ou en développant des activités pour proposer de nouveaux outils au service de cette révolution.
Venice Affre
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