En moins de 40 ans, la PME Technogenia, fondée par Guy Maybon dans son garage en 1979, est devenue le numéro un mondial du revêtement anti-usure haute résistance à base de carbure de tungstène, appelé sphérotène. Une success story de l’industrie française de pointe dont les performances récentes lui valent d’être consacrée entreprise exportatrice de l’année.
L’export, cet ingénieur de l’Ecole céramique de Sèvres (aujourd’hui à Limoges) l’a abordé il y a longtemps. Mais ces dernières années, le fabricant de poudres (carbure de tungstène notamment), de cordons ou encore d’équipements de soudure et de brasage a recueilli les fruits de sa politique d’innovation et d’internationalisation : avec 28 millions d’euros en 2016, dont 85 % réalisé hors de France, son chiffre d’affaires (CA) a plus que doublé par rapport à 2013 ! Même en 2016, une année noire a priori en raison de la chute des cours de l’or noir alors que le forage pétrolier et gazier compose de loin son premier débouché, la PME de Saint-Jorioz (Haute-Savoie) a accru son activité de 2 % à l’export. « C’est le résultat d’un gros contrat avec un des quatre majors américains du forage », délivre un peu mystérieux le fils de Guy, Hervé, secrétaire général de cette entreprise familiale d’une centaine de salariés. Son père en est le président, et sa sœur Valérie, la directrice générale.
Les Etats-Unis pèsent 30 % du CA international
Dans le métier du rechargement ou revêtement, gagner des marchés demande souvent de s’implanter près du client pour éviter de déplacer les pièces à réparer ou à opérer neuves. Si la première filiale a ainsi été installée en 2003 en Angleterre, à Shireoaks à l’est de Sheffield, en joint-venture avec son distributeur britannique, ce sont les Etats-Unis, où deux unités sont établies, qui constitue de loin son premier débouché, avec une part de 30 % du CA international, devant le Canada, avec 8 %, et l’Allemagne, avec 6 %.
Au Canada, deux filiales ont également été ouvertes en 2013 avec un client usineur à Edmonton (Alberta) et Guelph (Ontario), alors que Technogenia travaille avec un distributeur en Allemagne, faute d’une implantation en propre. La société tricolore est arrivée aux Etats-Unis, après avoir remporté une affaire auprès du spécialiste américain des services pétroliers Smith International, aujourd’hui propriété de Schlumberger. « Au départ, un partenaire local opérait avec notre technologie laser, nous lui vendions les poudres », explique Hervé Maybon.
Ensuite, deux unités ont été ouvertes, d’abord en 2017 à Houston (Texas), puis en 2010 à Oklahoma City. « Dès la première implantation, nous avons pu consolider nos positions, puis, en allant sur l’Oklahoma qui n’est, pourtant, pas si loin du Texas, nous avons pu multiplier nos clients, car il s’agit d’une région de gaz de schiste », raconte Hervé Maybon. Aujourd’hui, l’entreprise créée par son père compte environ 50 clients aux Etats-Unis comme Schlumberger ou des sous-traitants des groupes parapétroliers et para-gaziers.
La R&D absorbe 7 à 10 % du CA
« Nous utilisions déjà l’impression 3D il y a 20 ans. Pour une PME, innover, c’est durer. Il faut toujours posséder un coup d’avance, même quand on est dans une niche et un pionnier du rechargement laser et de la fabrication d’autres outils », expose Hervé Maybon. La recherche et développement (R & D), qui absorbe 7 à 10 % du CA, selon les années, est réalisée en France et à Oklahoma City, où se trouve le responsable R & D. Parallèlement, Technogenia a protégé ses brevets en Europe comme aux Etats-Unis, notamment son brevet Le Creuset Froid à lévitation électromagnétique à la base du sphérotène. Bien lui en a pris, car, si ce type de démarche est coûteuse humainement et financièrement, certains contrefacteurs en Europe ont pu être condamnés lourdement, alors qu’aux Etats-Unis, où l’Administration est particulièrement efficace et les sanctions sont très lourdes, aucune usurpation n’a jamais été tentée.
Priorité à la consolidation
Ses concurrents sont connus : pour les cordons des Européens, pour les lasers, principalement des Américains, et, pour le carbure de tungstène fondu, les Chinois, mais avec une qualité moindre. L’ex-Empire du Milieu, où, d’ailleurs, Technogenia se fournit, détient au moins 90 % des réserves de ce métal très lourd et réfractaire. Mais, par rapport à ses compétiteurs, le spécialiste français dispose d’une carte majeure : il fabrique sa propre matière première, le fameux carbure de tungstène fondu, ayant développé une méthode de fusion « assurant une dureté et un rendement inégalés », affirme son secrétaire général.
Dans nombre de pays, tant en Europe (Espagne, Hongrie, Pologne, Russie…) qu’au grand export (Afrique du Sud, Brésil…), Technogenia opère avec des distributeurs. S’y ajoutent deux licenciés à Singapour et à Shanghai. « Même si c’est un marché low cost, la Chine est incontournable », reconnaît Hervé Maybon. Mais, pour l’instant, la priorité est plutôt à la consolidation. Il y a un an, a été créée une filiale à Dubaï avec un client norvégien. « Souvent on s’intéresse à un marché parce que nos clients nous le demandent ou parce que l’on sait qu’il y a de nouvelles cibles », précise le dirigeant de Technogenia.
Priorité à la diversification
Soutenue de longue date par le groupe de capital investissement indépendant Siparex et, depuis cinq ans par Bpifrance, tous deux actionnaires minoritaires, la PME de Saint-Jorioz figure aussi parmi les 4 000 entreprises du réseau Bpifrance Excellence et les bénéficiaires du programme de formation et d’échanges Accélérateur de la banque publique.
Consciente du risque d’une dépendance trop forte du marché du forage d’hydrocarbures, les dirigeants familiaux veulent diversifier l’activité. D’abord, en utilisant le socle du forage pour aller vers les domaines de l’eau et des mines. Ensuite, en élargissant les champs de compétence annexes, notamment à l’agriculture, mais aussi à la briqueterie-tuilerie, métier qui est à l’origine de la société en France et lui a permis de se développer au Maghreb et au Moyen-Orient, au recyclage, au dragage, à la fonderie automobile et l’aluminerie. Technogenia entend bien ainsi forger son avenir.
François Pargny
Les chiffres clés
• CA 2016 : 28 millions d’euros
• CAI 2016 : 22 millions d’euros
• Variation du CAI 2016/2015 : + 2 %
• Part de l’international dans le CA : 85 %
• Effectif : 107