C’est une approche qui a fait ses preuves pour les startups du numérique, et elle est en train d’être expérimentée à grande échelle pour les PME les plus volontaires et prometteuses : les programmes « accélérateurs » se multiplient en France, mêlant audit stratégique, coaching managérial, formation et mentorat. Destinés à faire grossir les petites et moyennes entreprises, ils intègrent de plus en plus des volets consacrés à leur développement international.
Lancé par Bpifrance en mars 2015, avec une première promotion de 60 sociétés, l’Accélérateur PME de la banque publique a fait rapidement ses preuves. En effet, en moyenne, 42 % des participants ont connu des croissances à deux chiffres en 2016 et plus de la moitié ont fait des acquisitions, y compris à l’international au cours des deux ans que dure ce programme.
Mieux, elles ont recruté pour mettre en pratique certaines décisions stratégiques : leur effectif a ainsi progressé de 9,6 % sur les deux années 2015-2016, contre + 5,4 % sur 2014-2015. Selon Fanny Letier, directrice exécutive chez Bpifrance en charge de ce programme, si en 2015 65 % des PME participantes ont connu un développement à l’international, cette part a grimpé à 85 % en 2016.
Alors que la banque publique en est à sa troisième promotion de PME « accélérées », le programme a, du coup, été renouvelé et même étendu aux ETI : le deuxième accélérateur ETI a été lancé en octobre dernier avec 25 entreprises. Et aujourd’hui, à la demande des Régions, Bpifrance participe à la création de tels programmes dans les territoires.
Des programmes spécifiques pour l’international
Accélérateur et coaching. En la matière, la banque publique n’est pas en panne d’initiatives. Bien au contraire, si les PME et les ETI ont droit à leurs structures et leurs programmes ad hoc pour se structurer et grandir, y compris à l’international, les startups ne sont pas oubliées, avec le programme « Impact » lancé avec Business France pour des marchés High Tech, à l’instar des États-Unis et de la Chine.
Ces approches commencent aussi à faire des émules dans certains secteurs spécifiques comme l’aéronautique, qui constitue une filière particulièrement bien structurée autour son organisation, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), déjà évoqué précédemment (voir pages précédentes). Bpifrance a ainsi lancé en septembre 2017 un accélérateur de PME avec le Gifas, qui en compte une myriade parmi ses membres. Objectif : piloter leur révolution numérique et les accompagner dans leur développement international.
Aujourd’hui, on voit se multiplier les missions d’accélération par zones géographiques. Comme l’Afrique est très porteuse et que les entreprises françaises sont très friandes de ce marché en expansion, Bpifrance a lancé avec Business France des missions d’accélération en Côte d’Ivoire et en Afrique du Sud. Mais c’est en Asie du sud Est que les deux opérateurs ont organisé début octobre leur plus grosse mission d’accélération avec quelque 42 PME : pour chacune, une visite de quelques jours dans un pays de leur choix a été organisée, avec un programme intense de rendez-vous BtoB.
S’attaquer au manque d’ambition des chefs d’entreprises
Depuis trois ans, on voit émerger des initiatives similaires dans le secteur privé, à l’instar des programmes Stratexio (encadré), un dispositif issu d’une initiative innovante du Medef, de l’OSCI (fédération des opérateurs spécialisés du commerce international) et de CCI international. Il s’adresse aux dirigeants de PME-ETI déjà présentes sur des marchés internationaux, mais qui ont du potentiel pour y accélérer leurs développements et s’ouvrir de nouveaux débouchés.
Stratexio avait, à l’origine, été initié par l’ancien commissaire à l’Internationalisation des entreprises sous la présidence Sarkozy, Jean-Claude Volot, devenu vice-président du Medef en charge des filières et de l’export avec l’arrivée de Pierre Gattaz à la présidence de la fédération patronale. Car pour cet industriel, un des freins importants au développement international des PME françaises était aussi dans la tête de leurs dirigeants : « Il y a un manque d’ambition des chefs d’entreprises français : 1 000 raisons différentes tenant aux contraintes fiscales, administratives, juridiques peuvent être invoquées pour expliquer ce manque d’ambition, mais elles ne suffisent pas puisqu’il y a aussi des dizaines de pépites qui réussissent tout en étant dans le même bain français que les autres ! » nous déclarait-il en 2015. Pour passer à la vitesse supérieure, il fallait donc aussi entrer dans les entreprises elles-mêmes, et débloquer les verrous psychologiques ou culturels.
Si Jean-Claude Volot a quitté ses fonctions au Medef avant d’avoir pu obtenir les moyens de ses ambitions – il voulait cibler 12 000 entreprises à potentiel de croissance internationale avéré –, Stratexio a suivi son chemin et s’est lancée en avril 2014. Quatre clubs sont actifs à ce jour dont 2 dans les Pays de la Loire 1, un à Paris (2e année), et un autre à Poitiers (1re année). Un 5e vient d’être lancé en Alsace. Près d’une cinquantaine de dirigeants de PME ont déjà intégré un club Stratexio (page précédente).
Le coaching personnalisé, le mentorat d’autres chefs d’entreprises et l’engagement personnels des dirigeants est la base de la réussite de tels programmes. Mais les résultats sont prometteurs…
Christine Gilguy et François Pargny
Stratexio ou la force du « pair à pair »
Pour aller à l’export, les chefs d’entreprises peuvent se constituer en « clubs », échanger mutuellement des bonnes pratiques et des conseils, et accéder à de bonnes formations et informations. C’est la stratégie mise en place par Stratexio, qui, s’inspirant des techniques développées par l’Association pour le progrès du management (APM), a été lancé avec le soutien du Medef, de CCI International et de la fédération des consultants privés l’OSCI, en avril 2014. Conçu et animé par des professionnels de l’accompagnement international sélectionnés par un comité d’accréditation, le programme de formations et d’accompagnement proposé au sein des « clubs » Stratexio comprend : un audit sur la maturité stratégique de l’entreprise ; cinq sessions collectives animées ; un accompagnement individualisé par des experts et ou consultants privés. Les « Clubs Stratexio » sont composés de 12 dirigeants exportateurs sur une base affinitaire : des entreprises d’une même région ou d’un même secteur, qui partagent la même problématique, qu’ils soient du secteur industriel ou de celui des services.
Les réunions, à raison de cinq par an, permettent aux participants d’identifier les facteurs limitant de leur propre exportation et de déterminer les leviers qu’ils pourraient actionner pour progresser. Au dirigeant ensuite de décider de les actionner. Depuis avril 2014, date du lancement du programme, 5 clubs ont été créés (Nantes, Paris, Poitiers, Strasbourg) et 45 dirigeants ont rejoint des clubs Stratexio. Dernièrement, le pôle de compétitivité du secteur santé Medicen Paris Region a décidé de se doter d’un club Stratexio pour ses membres.
Accélérateurs géographiques : des missions d’immersion pour start-ups
Pour accélérer la croissance des startups françaises prometteuses aux États-Unis, premier marché mondial de la tech, et en Chine, un des marchés de l’innovation les plus dynamiques au monde, Bpifrance et Business France ont mis au point deux programmes communs d’accélération sur ces marchés. Objectif ? Internationaliser rapidement de jeunes pousses à fort potentiel triées sur le volet et en pleine phase de changement d’échelle.
C’est ainsi que le programme d’accélération « Impact USA » immerge pendant dix semaines les startups au sein des deux écosystèmes américains de la tech : la Silicon Valley (San Francisco) et la Silicon Alley (New York). Les six premières semaines sont consacrées à la mise en œuvre de la stratégie d’entrée sur le marché, avec d’intenses séances de mentoring et de coaching sur des sujets comme la proposition de valeur, le positionnement marketing et commercial, ou la stratégie d’approche des acteurs clés … Les quatre dernières semaines sont consacrées à la mise en œuvre concrète de la méthode enseignée. Compte-tenu des bons résultats – 48 jeunes pousses déjà accélérées-, ce programme va s’intensifier en 2018, deux promotions de 12 startups, une par semestre, étant planifiée contre une par an de 14 participants en 2017.)
Quant à Impact China, il est dédié à des startups françaises proposant une technologie de rupture dans les NTIC et ayant déjà fait leurs preuves (3 ans minimum d’existence, CA supérieur à 1 million d’euros). À la clé un programme d’immersion intensif de quatre semaines au sein des quatre principaux centres chinois des nouvelles technologies du numérique – Hong Kong, Shenzhen, Shanghai et Pékin.
Les réseaux bancaires s’intéressent aux accélérateurs
Des programmes d’accélérateurs commencent à émerger dans le secteur privé, notamment via les réseaux bancaires. Banque Populaire a ainsi lancé en mars 2017 Next International, un dispositif d’accompagnement sur-mesure dédié aux startups et aux entreprises de croissance, quel que soit le stade de leur développement à l’international : de l’émergence du projet à la sécurisation des flux financiers, jusqu’à l’implantation à l’étranger. Autre exemple, Implant-Up, l’accélérateur de Pramex International, société d’accompagnement à l’international filiale du groupe BPCE. Il est, lui, dédié aux entreprises qui ont effectué une levée de fonds de plus d’1 million d’euros et sont déjà organisées pour se lancer à l’international. Fonctionnant comme un incubateur, ce programme accompagne les petites et grandes startups tout au long de leur croissance internationale, de la création de la structure au lancement de l’activité, et les conseille dans leurs opérations administratives et financières courantes.
Venice Affre