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Entretien avec Éric Cornuel, directeur général et CEO de l’EFMD

Le Moci. Comment voyez-vous évoluer les formations françaises au management dispensées par les grandes écoles et universités, afin qu’elles restent dans la course à l’excellence ? 

Éric Cornuel. En France, on sous-estime la qualité de l’enseignement et de la recherche produits dans les institutions : si on rapporte cette qualité à leur budget, le retour sur investissement qu’elles dégagent est vraiment très bon. J’invite les observateurs à jeter un coup d’œil aux budgets des institutions américaines pour bien en prendre conscience !

Le Programme européen pour l’enseignement supérieur va dans le bon sens, tout comme le plan campus. Il est vraiment urgent d’agir et d’allouer des ressources permettant aux institutions de continuer à se développer. Nous avons eu en Europe en d’autres temps la Politique agricole commune qui a permis de satisfaire les besoins alimentaires de la population après la guerre : ce qu’il nous faudrait aujourd’hui, c’est une Politique commune de l’éducation, de la recherche et de l’innovation. 

L’Europe est la première puissance économique mondiale, on ne le dit pas assez, mais notre compétitivité future dépendra des décisions prises en cette matière : ce serait dommage de se transformer dans 50 ans en un grand parc naturel !

Pour rester dans la course à l’excellence, il faut travailler sur la diversité des participants, des professeurs, des recherches et des modes d’enseignement. La France est très bien placée, mais les ressources de ses institutions doivent être renforcées, dans les écoles bien sûr mais encore plus dans les universités qui se sont largement paupérisées dans les dernières années.

Concernant la recherche, qui est en France comme en Europe majoritairement « subventionnée » par 
l’enseignement en général, je pense qu’il est fondamental de légitimer d’autres formes que la production de type nord-américaine, très théorique, spécialisée, et bien souvent extrêmement limitée dans ses applications au management des organisations : il nous faut plus de recherche ayant un impact et cela passe encore ici par plus de diversité et de transversalité ! Il n’y a d’ailleurs aucune différence d’appréciation entre l’European foundation for management development (EFMD) et l’AACSB [Association to Advance Collegiate Schools of Business, association américaine qui délivre une accréditation jugeant la pédagogie] sur ce point. 

Le Moci. Quels sont les changements à effectuer en priorité pour que la France forme de meilleurs managers ?

Éric Cornuel. Je crois que la France forme en général déjà très bien ses managers. Il conviendra sans nul doute de renforcer les aptitudes des participants à décider, et même improviser dans un monde de plus en plus incertain et imprévisible, sans parler bien sûr du management interculturel qui est aujourd’hui une condition sine qua non.
Il faudra également travailler encore plus sur les aspects liés à la transversalité des compétences et s’assurer que les dimensions touchant à la gouvernance et à la responsabilité sociétale soient bien intégrées. 

En effet, en Europe et partout dans le monde, l’entreprise a un problème de légitimité. Elle doit démontrer à nouveau qu’elle est un acteur proactif de la société et en finir avec les scandales financiers provoqués par quelques-uns, et qui lui ont aliéné la confiance du public. Ceci passera immanquablement par la formation de ses managers, et l’entreprise se devrait d’allouer plus de ressources à cet élément crucial de sa compétitivité de demain. 

Il conviendra également de s’interroger sur la formation dispensée par les écoles d’administration publique : 
n’oublions pas qu’environ 50 % du PIB passe, d’une manière ou d’une autre, par l’État. Je ne suis pas sûr qu’elles aient toutes évolué aussi vite et positivement que les écoles de management.

Le Moci. N’accorde-t-on pas trop d’importance aux accréditations ?

Éric Cornuel. Les accréditations reconnaissent une stratégie qui va déboucher sur un certain nombre de labels. Elles utilisent des outils et des procédures extrêmement rigoureux qui ont pour vocation d’aider les établissements à améliorer constamment leur qualité. Nous avons besoin d’institutions qui font un travail d’excellence, attesté par l’accréditation, mais il ne peut pas y avoir que des HEC ou des Insead par exemple. Il faut avant tout que les écoles soient en mesure d’aligner leur stratégie à leurs ressources. La course aux accréditations ou aux classements peut être destructrice pour une institution qui ne peut pas réellement engager sur le long terme des ressources comparables aux meilleures mondiales. Par contre, elle peut concentrer son investissement sur un programme en particulier et le voir reconnu à l’international. C’est tout le sens de l’accréditation Epas.

Le Moci. L’EFMD s’est engagée aux côtés de l’AACSB dans le projet Global Foundation for Management Education (GFME). De quoi s’agit-il ?

Éric Cornuel. L’EFMD et l’AACSB sont complémentaires plutôt que concurrentes. Nous mettons à travers Equis davantage l’accent sur la différenciation, l’international et les relations entreprises, alors que l’AACSB se concentre sur la mission de l’établissement. De ce fait, nous travaillons ensemble directement et aussi dans le cadre de la GFME. L’objectif de cette plateforme est de faire progresser la qualité de l’enseignement du management au niveau global. À ce titre, nous réfléchissons à des problèmes tels que l’impact de la crise sur les écoles de management, ce que les écoles devraient changer à l’avenir, les grands défis éducatifs dans les pays émergents, sans oublier la structure du corps professoral et son évolution. La GFME verra certainement ses activités se renforcer dans les années à venir, en particulier sur les activités de recherche et de publication.

Propos recueillis par S. F.

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