Depuis le lancement de la politique du renouveau, le Doi Moi, en 1986, « le Vietnam s’est ouvert et on trouve de nombreux investisseurs étrangers dans le textile – en provenance de Chine y compris des Européens qui ont relocalisé – dans les accessoires (chaussures de sport…) et l’agroalimentaire », observe Matthieu Lefort, directeur pays de Business France. Pour autant, les produits exportés contiennent peu de valeur ajoutée. L’enjeu est donc aujourd’hui la montée en gamme et l’adaptation à l’environnement international en matière de traçabilité ou de santé.
Prenons quelques exemples. Le Vietnam, qui est le premier exportateur mondial de noix de cajou et de poivre, occupe aussi le deuxième rang pour le café et le troisième pour le riz. Mais le café est essentiellement du robusta, un produit bas de gamme qui, mélangé, ne génère que peu de valeur ajoutée. Il en est de même du riz, dont l’image pâlit de la concurrence, avec la Thaïlande notamment, et qui est ainsi vendu brut aux industries agroalimentaires. Le Vietnam étant ouvert aux investissements directs étrangers (IDE), à l’exception de quelques domaines (comme la pharmacie, où les génériques sont favorisés), des spécialistes étrangers ont pu ainsi offrir leur technologie et leur savoir-faire, à l’instar de Bel qui y fabrique pour le marché de l’Asean, mais aussi de PME. En témoignent les exemples de Marou, qui produit, à partir du cacao local, du chocolat, vendu à 70 % sur les marchés extérieurs, ou les Vergers du Mékong, qui, installés dans la zone de production des fruits du delta du Mékong, exportent une bonne partie de sa production (café, thé, confiture, miel) vers des pays de l’Asean. Andros arrose également l’Asean en transformant des fruits locaux.
En signant un accord de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne (UE), le Vietnam espère bien acquérir plus facilement de nouvelles technologies et attirer de nouveaux IDE. « Nous ne sommes pas seulement un marché de 93 millions d’habitants, avec un revenu qui croît, mais nous avons aussi la vision d’être une plateforme régionale pour les investissements directs étrangers », expliquait, lors d’un atelier de Medef International et du think tank Asia Centre, le 30 novembre à Paris, le secrétaire d’État au Commerce et à l’industrie, Tran Quoc Khanh, qui était aussi le négociateur, côté vietnamien, de cet ALE, plus connu sous le nom de European Union-Vietnam Free Trade Agreement (EVFTA). Au terme du processus de ratification dans l’UE, l’EVFTA entrerait en vigueur fin 2018.
François Pargny
Infrastructures
Des PPP pour rattraper le retard
Pays à revenu intermédiaire (PRI), le Vietnam ne peut compter de la part des bailleurs de fonds internationaux que sur des prêts. Comme il est très attentif à ne pas accroître son endettement, pour rattraper son retard en infrastructures, le gouvernement cherche à développer des partenariats public-privé (PPP) et se montre ouvert à la privatisation partielle de ses entreprises publiques. C’est ainsi que le français ADP a été autorisé en mars 2016 à acquérir 20 % du capital d‘Airports Corporation of Vietnam (ACV) et à en devenir ainsi l‘unique partenaire stratégique.
Concernant les routes nationales, les PPP sont également un mode de financement et d’investissement retenu. L’État serait à l’heure actuelle à la recherche de partenaires. De même dans l’énergie, domaine dans lequel le Vietnam manque cruellement d’investissements, tant dans la production que le transport et la distribution électriques. En septembre 2016, Vinci Highways a conclu un partenariat stratégique avec l’agence publique des routes vietnamiennes Vietnam Expressway Corporation (VEC) pour participer, sous forme de PPP, à l’ambitieux programme de développement à l’horizon 2020 (21 axes autoroutiers sur une longueur de 6 441 kilomètres).
Pour produire de l’énergie, des projets utilisant les déchets émergent également. Autres offres possibles, des solutions d’enfouissement aux normes internationales.
Dans les infrastructures, les collectivités territoriales jouent également un rôle important. C’est le cas dans les transports urbains : trois lignes de métro sont en construction à Hanoï et Ho Chi Minh avec des financements spécifiques (Chine, Japon, France/AFD et Trésor). La fourniture et l’assainissement de l’eau sont du ressort des municipalités. Le 29 août dernier, Vinci a empoché une affaire de 60 millions d’euros, portant sur la conception-construction d’un tunnel de transfert d’eau de 10 km pour alimenter le centre d’Hô Chi Minh. Un projet financé par la Banque asiatique de développement (Bad).
Santé
L’émergence d’un secteur privé ambitieux
Le secteur public n’est pas capable de répondre à une demande croissante et plus exigeante, en raison de la montée du pouvoir d’achat. D’où l’implication d’acteurs privés, notamment des groupes de BTP, qui, forts de leur accès au foncier et de leur expérience dans la construction, cherchent à développer de nouveaux établissements, hôpitaux et cliniques. D’où des besoins considérables à satisfaire, que ce soit dans l’ingénierie ou les dispositifs médicaux, ces nouveaux développeurs n’ayant évidemment aucune connaissance du monde de la santé.
La France possède des atouts et bénéficie d’une certaine reconnaissance. Quelque 2 000 médecins locaux ont été formés dans l’Hexagone. Et un club Santé vient d’être lancé, avec une trentaine de sociétés implantées sur place, qui doivent servir de fer de lance pour le « chasser en meute ».
Nouvelles technologies
L’e-commerce explose
« Avec la hausse du pouvoir d’achat et la distribution moderne, l’e-commerce explose », constate Matthieu Lefort, directeur Vietnam de Business France. D’après la Banque mondiale, le revenu moyen est passé de quelque 290 dollars il y a deux décennies à environ 2 100 dollars aujourd’hui. Et la population est jeune, puisque les deux tiers ont moins de 35 ans. Le Vietnamien est ainsi consommateur de services, via ses applications mobiles sur téléphone ou tablette.
Le gouvernement voudrait développer la filière des nouvelles technologies. Un point fort pour la France et son French Tech Hub, appelé sur place Hub French Tech Vietnam, qui regroupe autant de grands noms, comme le spécialiste des jeux vidéo Gameloft, que des ETI et des PME.