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Où exporter en 2018 : protectionnisme, une menace qui entretient l’incertitude

Avec le « Brexit » et l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, les craintes d’un regain de protectionnisme se sont amplifiées. La menace ne s’est pas encore matérialisée, mais elle continue à entretenir un climat d’incertitude.

 

Les Européens et leurs milieux d’affaires soufflent : finalement, une des mesures les plus critiquées à l’étranger de la réforme fiscale américaine, que le Sénat outre-Atlantique a adopté le 20 décembre 2017, ouvrant la voie à son entrée en vigueur, n’a pas été retenue par le Congrès des États-Unis. Il s’agissait de l’imposition d’une taxe de 20 % sur les importations intragroupes en provenance de l’étranger, visant manifestement à inciter les multinationales à relocaliser le maximum de leur production sur le sol américain.

Écartée également une mesure d’incitation visant à encourager la localisation des brevets aux États-Unis pour y capter les revenus des licences.

Il est vrai qu’elles étaient perçues par de nombreux partenaires des États-Unis, notamment en Europe, comme contraire aux règles de l’OMC et de l’OCDE. Plus grave encore, elles avaient été accueillies comme de véritables armes d’une guerre économique ouverte dans le cadre d’une importante réforme fiscale elle-même récemment qualifiée « d’agressive » par le ministre français de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, tant les baisses d’impôts qu’elle entraînera en faveur des entreprises opérant sur le sol américain sont massives.

La menace avait même poussé les ministres des Finances de cinq pays européens – outre la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne – à se fendre le 11 décembre, une semaine avant le vote du Sénat, d’une lettre de mise en garde adressée au secrétaire d’État américain au Trésor et à plusieurs membres du Congrès : « il est important que les droits du gouvernement américain sur les politiques fiscales nationales soient exercés d’une manière conforme aux obligations internationales auxquelles il a souscrit » avaient notamment prévenu les ministres européens. Une première dans l’histoire des relations entre l’Europe et les États-Unis… Mais cet épisode de l’histoire mouvementée que traverse le commerce mondial depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, illustre à quel point le climat des affaires dans le monde est, depuis, plombé par la crainte d’une poussée protectionniste sans précédent. Le retrait du Partenariat transpacifique, la renégociation à marche forcée de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) imposé par Washington au Canada et au Mexique ont donné le ton début 2017. La poussée populiste qui a conduit au « Brexit » le Royaume-Uni, un poids-lourd du commerce mondial et de l’Union européenne (UE), quelques mois avant la présidentielle américaine, ne fait qu’aggraver ce sentiment. C’est que, malgré la poussée de la Chine et le maintien de l’Union européenne au premier rang des acteurs mondiaux du commerce international, les États-Unis représentent encore près d’un tiers de la consommation privée mondiale. Pour les seules importations mondiales de marchandises, qui ont atteint près de 16 000 milliards de dollars en 2016, leur part de marché dépasse les 12 % devant la Chine (8,6 %), et dans les services, ils représentent 10,3 % des importations mondiales. Seule l’Union européenne à 28, qui représente plus d’un tiers des importations mondiales de marchandises (plus de 5 200 milliards de dollars en 2016), les dépassent.

Même lestée de ses mesures les plus provocatrices vis-à-vis de leurs partenaires, la réforme fiscale américaine continue à être analysée par de nombreux observateurs comme visant clairement à capter les investissements mondiaux. Toutefois, la menace d’un regain de mesures protectionniste poussée par les États-Unis ne s’est pas encore matérialisée sur le plan commercial.

Selon un pointage fait par Euler Hermes au plan mondial sur les dix premiers mois de 2017 (janvier-octobre), 400 nouvelles mesures protectionnistes étaient attendues en 2017, presque moitié moins qu’en 2016 (750). Les États-Unis se présentaient comme le pays le plus actif dans ce domaine : 87 nouvelles mesures protectionnistes prises en 10 mois, visant particulièrement la Chine (20 %) et le Canada (18 %), soit davantage que sur la totalité de 2016 (84) et 2015 (86).
Mais cette menace reste une source d’incertitude pour les entreprises, en France et en Europe. En témoignent les résultats d’un sondage mené par l’assureur-crédit Credendo auprès de 1 000 exportateurs belges à la fin de l’an dernier : si quatre exportateurs belges sur cinq pensaient accroître leurs exportations dans les trois prochaines années, ils étaient tout autant (78 %) à s’avouer inquiets de la montée du protectionnisme. Un résultat très significatif pour un pays, 11e exportateur mondial et 6e de l’Union européenne (UE), dont l’économie est très dépendante des exportations.

Dans ce contexte, et face à une Organisation mondiale du commerce (OMC) fragilisée par son incapacité à générer de nouveaux accords multilatéraux, comme en témoigne l’échec de la dernière réunion ministérielle à Bueno Aires, le 13 décembre dernier, la conclusion fin 2017 d’accords de libre-échange de dernière génération entre l’UE et deux acteurs majeurs du commerce mondial, le Canada et le Japon, est plutôt une bonne nouvelle pour les exportateurs européens. Bruxelles, qui veut apparaître comme un leader du libre-échange face à « l’America first » de Donald Trump, aimerait conclure rapidement également avec le Mexique et avec le Mercosur.

Autre important défi : la nouvelle politique de défense commerciale face à la Chine. Si, à l’instar des États-Unis, l’UE a refusé temporairement d’octroyer à la Chine le statut d’économie de marché à l’OMC, elle a accouché dans la douleur et au terme de longues années de négociations d’un arsenal de défense anti-dumping renforcé. Mais au prix d’un étalement au grand jour de ses divisions entre une Europe très commerçante – au nord – hostile à toute restriction commerciale, et une Europe plus industrielle et demandeuse de protections face au rouleau compresseur chinois. Pas de quoi rassurer les milieux d’affaires.

Christine Gilguy

 

 

 

 

Asie et Amérique latine sont les plus exposées à un regain de protectionnisme américain

 

Signe que la menace inquiète les entreprises européennes, l’assureur-crédit belge Credendo a fait plancher ses économistes sur l’évaluation de l’impact d’une vague protectionniste en provenance des États-Unis sur les risques pays dans les zones émergentes. Selon cette étude, présentée lors d’un séminaire à Bruxelles début décembre, un regain de protectionnisme américain pourrait affecter les risques pays par l’intermédiaire de quatre canaux de transmission : une hausse des restrictions à l’importation (hausse des tarifs, quotas, etc.), un retour des investissements américains au pays (incité par la réforme fiscale votée par le Congrès fin 2017), une politique migratoire plus restrictive et enfin une augmentation des taxes sur le travail des immigrés aux États-Unis.
Dans ce contexte, l’Asie et l’Amérique latine sont les plus exposées alors que le reste du monde est moins imbriqué avec l’économie américaine :
• L’Asie, est particulièrement exposée via le canal de l’importation, du fait de sa forte intégration dans la chaîne de valeur globale américaine : les échanges représentent en effet « 30 % du PIB de cette région » et les États-Unis absorbent de 10 à 20 % des exportations de ces pays. La Chine, dont 18 % des exportations sont destinées au marché américain, est le premier pays menacé. Des pays comme le Vietnam, la Malaisie, Taïwan ou le Cambodge le sont également en tant que pays sous-traitants des États-Unis, de même que les pays de réexportation vers les États-Unis comme Hong Kong et Singapour. L’impact pourrait toutefois être atténué par la capacité des pays asiatiques à s’adapter aux évolutions du commerce mondial, et, pour ce qui concerne la Chine, sa réorientation actuelle vers son marché intérieur.
• En Amérique latine, c’est clairement le Mexique qui est le plus exposé dans le contexte de la difficile renégociation en cours de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) : les États-Unis sont son premier débouché à l’export, sa première source d’investissements directs étrangers (IDE) et sa première source de revenus via l’immigration. La chute des revenus liés aux travailleurs immigrés et le retour de ces derniers dans leurs pays d’origine sont les principaux risques pesant sur les autres pays d’Amérique latine, à des degrés divers.
• Concernant l’Afrique, l’impact serait minime car les États-Unis sont un « partenaire mineur », selon les économistes de Credendo, la Chine étant le pays le plus influent pour les marchés et les prix des matières premières produites sur le continent.
• La zone Moyen-Orient Afrique du Nord est également peu exposée à un éventuel regain de protectionnisme américain. Les producteurs de gaz et de pétrole dans cette zone sont davantage impactés par la production américaine de gaz de schiste, qui pèse sur les prix, et le risque de retrait des États-Unis de certains dossiers géopolitiques brûlants.
• Enfin, à l’est de l’Europe, si de nombreux pays comme la Russie sont fortement dépendants du pétrole et du gaz, et donc exposés comme les précédents aux baisses de prix, sur le plan commercial, c’est encore la Chine et ses nouvelles routes de la soie qui gagne en importance dans cette zone.

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