« Celui qui n’a pas prospecté le Nigeria n’a pas prospecté l’Afrique ». Pour plaisante que soit la formule, elle recouvre une réalité incontournable : avec ses 190 millions d’habitants – 700 millions attendus à la fin du siècle – le Nigeria est la première puissance économique de son continent. Ce que ne doivent pas oublier des entreprises françaises, coutumières des zones francophones. Surtout aujourd’hui que le Nigeria est sorti d’une récession douloureuse, ce qui devrait se traduire par une croissance de l’activité de 2 % en 2017. « Après une année catastrophique en 2016 comme on n’en avait pas vu depuis 20 ans, il y a un frémissement de redémarrage, les chantiers commencent juste à redémarrer », observe Bertrand de la Forest Divonne, directeur pays de Business France.
S’agissant de la richesse du sous-sol, le pétrole, la production, sans être revenue à la normale, c’est-à-dire 2,2 millions de barils par jour (b/j), est remontée à 1,8 million de b/j, après être tombée à 1 million au plus fort de la crise. Avec un prix du brut au-dessus de la barre de 50 dollars le baril, le Nigeria doit pouvoir fonctionner au même rythme cette année qu’en 2017 avant de véritablement redécoller.
Le pays est dynamique, comme le montre l’engouement autour des nouvelles technologies et du e-commerce. Le plan national de diversification prévoit aussi de développer l’agroalimentaire. L’industrie locale du cinéma s’épanouit. Les énergies renouvelables ont le vent en poupe, la construction également.
Lagos, la capitale économique qui représente un tiers du produit intérieur brut, est sûre. À l’intérieur du pays, il faut être prudent : se faire escorter quand on se déplace, éviter absolument le delta du Niger, à cause des enlèvements, et l’extrême Nord-est où s’est réfugié Boko Haram. Les Nigérians sont, certes, des hommes et des femmes très accueillants, mais la petite délinquance existe aussi, en raison de la paupérisation, surtout à l’approche des fêtes.
François Pargny
Nouvelles technologies
L’envolée de la cyber sécurité et de l’e-commerce
Ce n’est pas le hasard si une législation sur la criminalité a été adoptée. Le gouvernement fédéral estime ce fléau à 0,08 % du produit intérieur brut (PIB) chaque année. Ce n’est pas non plus le hasard si le commerce en ligne connaît un boom. Le Nigérian est très connecté, à la recherche de nouvelles applications mobiles et usager des réseaux sociaux. Le taux de pénétration des services mobiles est de 44 % et celui d’Internet de 53 %.
« La cyber sécurité et le cloud sont devenus des précautions réelles pour des entreprises locales qui sont conscientes de leur vulnérabilité, en particulier dans le secteur financier », commente Mounir Alhoz, chargé de développement au bureau pays de Business France. « D’après différentes sources professionnelles, ajoute-t-il, le marché de la cyber sécurité représente une manne de 125 millions d’euros ».
Quant au e-commerce, selon McKinsey, les ventes devraient atteindre la barre des 10 milliards de dollars en 2025. P-dg de la compagnie de logistique et de transport Aramex, Hussein Hachem rapporte que le commerce en ligne représentait, avec 12 milliards de dollars environ en 2016, 11 % du total des ventes de détail sur le marché national. « De nombreuses enseignes de distribution ont encore à la recherche de partenaires solides pour développer des vitrines en ligne et organiser un réseau de livraison », assure Mounir Alhoz.
Dans le futur, il faut s’attendre à un accroissement du haut débit. Les retards d’infrastructure dans les télécommunications sont considérables. La société IHS Towers, qui installe des antennes relais, estime qu’il en manque 24 000 unités dans le pays. Pour leur part, Orange et Vodafone seraient en discussion pour racheter 9Mobile (ex-Etisalat).
Agroalimentaire
Le nouveau pétrole
Confronté à la chute des cours de l’or noir, le Nigeria a entamé sa transition vers une autre richesse naturelle, les produits agricoles. Depuis 2016, la Banque centrale est ainsi incitée à offrir des taux d’intérêt aux agriculteurs qui augmentent leurs surfaces pour cultiver notamment les céréales (blé, riz), qui représentent une bonne partie des importations nationales.
« L’objectif est clairement de diminuer les achats massifs de produits alimentaires à l’étranger, qui représentent environ 20 milliards de dollars par an », explique Valor Iduh, project manager au bureau pays de Business France. Le Nigeria est très peuplé – 180 millions d’habitants, dont 51 millions dans 24 villes – et la classe moyenne déjà étoffée avec 20 millions de personnes possédant un revenu mensuel de 620 euros.
L’État fédéral a aussi annoncé qu’il allait investir trois milliards de dollars dans la création d’infrastructures. La productivité est faible, les pertes post-récoltes sont considérables, « de 35 à 50 % », précise Valor Iduh. L’agriculture est peu mécanisée et l’accès aux intrants est difficile. Pire encore, dans ce vaste pays de 925 000 m2, la production se trouve au nord et la consommation au sud. L’acheminement des denrées est un casse-tête.
Hormis les grands investisseurs privés, à l’instar de Dangote, un des 20 milliardaires que compte le Nigeria, qui compte produire 500 millions de litres de lait d’ici 2019, 1,5 million de tonnes de sucre et 2 millions de tonnes de riz d’ici 2020, de petits investisseurs locaux se lancent. Ces derniers ont besoin autant d’équipements électriques, en raison des défaillances du réseau énergétique, que de savoir-faire dans l’emploi des intrants, dans la mécanisation et l’irrigation, sans compter la conservation des produits, comme la tomate.
À noter que les 36 États de la fédération nigériane soutiennent aussi les agriculteurs en matière d’accès à la terre notamment. Les céréaliers ont besoin de matériel pour le sorgho, le maïs, le millet, l’extraction de l’amidon, la production d’éthanol, de fours, séchoirs ou d’emballages.
La demande se développe aussi pour l’emballage des produits alimentaires et prêts à l’emploi dans la viande, la pêche, les fruits et légumes et les boissons. Les fruits et légumes découpés surgelés ou légumineuses sont des segments en forte croissance, à l’instar des yaourts à boire et des aliments de snacking (viande et fruits séchés, arachide, anacarde). De nombreux process sont aussi demandés (découpe de viandes et poissons, surgélation, etc. ; transformation du manioc, du plantain et des haricots en farine…). La chaîne du froid et les équipements de grande cuisine sont également des marchés porteurs.
Energies solaire
Cap au nord
En matière d’énergies renouvelables, le Nigeria met l’accent sur le solaire et le nord du pays où les rendements des radiations sont les meilleurs. Aujourd’hui, la plupart des installations électriques sont situées au sud, alors que des industries, notamment dans le textile et l’automobile localisées au nord, sont confrontées à des coûts électriques démesurés, liés en partie aux déperditions. Dans l’ensemble du pays, le coût économique du manque de fiabilité du réseau électrique était estimé à 25 milliards de dollars en 2016.
Des investisseurs locaux et internationaux s’engagent dans le photovoltaïque, à l’instar des Chinois pour la vente de panneaux et les Allemands, présents des études d’ingénierie à la maintenance à travers l’initiative bilatérale « Let’s make solar work ». Cette dernière leur permet aujourd’hui d’effectuer un lobbying auprès des autorités nigérianes pour doter le pays d’une réglementation dans le solaire, capable de rassurer et d’encourager les investisseurs.
Les acteurs locaux étant focalisés sur la conception, l’installation et la maintenance de parcs photovoltaïques, des opportunités s’offrent dans l’ingénierie. Ils sont également ouverts à des partenariats qui leur apportent une expertise qui leur manque pour remporter des appels d’offres.
Par ailleurs, « les industriels au Nigeria sont ouverts à des projets hybrides, qui permettent d’associer gaz, générateur diesel et solaire, de façon à éviter toute rupture », souligne Jean-Pablo Kabawou, Trade advisor au bureau pays de Business France. Les besoins sont aussi considérables en matière de maintenance, d’après-vente et de formation.