L’Argentine est de retour. La tenue de la conférence ministérielle de l’OMC à Buenos Aires du 10 au 13 décembre derniers, la présidence du G20 pendant l’année 2018 avec la tenue du sommet des chefs d’État le 30 novembre et le 1er décembre prochains, traduisent un changement radical après 15 années de politique économique protectionniste.
Élu en novembre 2015, le président Mauricio Macri a mis en place une stratégie de réintégration de l’Argentine dans l’économie mondiale : règlement du problème de la dette extérieure, libéralisation des importations, élimination du contrôle des changes, encouragement des investissements privés, notamment avec l’approbation d’une loi sur les partenariats public-privé (PPP), etc. La victoire de la coalition présidentielle aux élections législatives de mi-mandat, en octobre 2017, a renforcé le président et l’a incité à lancer une 2e vague de réformes (fiscalité, retraites et code du travail principalement).
Au plan conjoncturel, l’année 2017 a vu une croissance du PIB de l’ordre de 3 % mais les économistes tablent sur une progression de 3-4 % pendant la période 2018-2020. Pays à pouvoir d’achat relativement élevé (25 000 dollars à Buenos Aires) et peuplé de descendants d’immigrants européens (Espagnol et Italiens principalement), l’Argentine offre des opportunités dans beaucoup de domaines : rénovation des infrastructures, biens de consommation pour une classe moyenne privée de produits étrangers en raison des restrictions passées, ressources naturelles (agriculture, énergie, mines, etc.), nouvelles technologies, etc.
« L’Argentine est dans une logique de rattrapage : c’est une terre d’opportunités pour les entreprises françaises », explique Marc-Antoine Lopez, directeur pays de Business France. Les bailleurs de fonds ont promis des aides importantes (8 milliards de dollars pour la Banque interaméricaine de développement par exemple) et l’AFD a ouvert un bureau à Buenos Aires.
Daniel Solano
Agroalimentaire
Profiter de la vague d’investissements des entreprises
Devenir le « supermarché du monde », tel est l’objectif répété à plusieurs reprises par Mauricio Macri. L’Argentine est déjà une grande puissance agricole (1er exportateur mondial de farine et d’huile de soja, 4e pour le maïs et l’huile de tournesol, 1er pour le citron, etc.). L’agriculture est un client important pour les fournisseurs d’équipements et les services, y compris l’offre en matière d’objets connectés, mais le principal enjeu est celui de la transformation. L’Argentine dispose d’une industrie alimentaire puissante, adossée à des marques réputées localement. Les entreprises du secteur ont engagé des investissements importants (plus de 3 milliards de dollars) en vue de moderniser leur outil de production et créer de nouvelles capacités. Le brasseur Quilmes prévoit d’investir 1,7 milliard de dollars d’ici 2020, Coca-Cola exécute actuellement un programme d’investissements portant sur 850 millions de dollars.
Arcor, une des rares multinationales argentines, spécialisée dans la confiserie, a annoncé 700 millions de dollars. La Serenisima (produits laitiers) et Molinos Rio de La Plata, le leader du secteur, tablent sur 250 et 110 millions de dollars. Ces entreprises sont relativement peu connues en France mais sont d’excellentes cibles commerciales, compte tenu des montants engagés et de leur solidité financière.
Infrastructures
Transports urbains et eau intéressent les entreprises françaises
La modernisation des infrastructures est une priorité stratégique et Buenos Aires table maintenant sur les PPP (une loi a été promulguée en novembre 2016). Le Plan fédéral d’investissements (PFI) inclut des projets à hauteur de 260 milliards de dollars, dont 95 milliards dans les transports. « C’est un plan gigantesque et ambitieux visant à attaquer les faiblesses structurelles de l’Argentine », affirme Jean Girard, président de BPO Solver, une société spécialisée dans l’accompagnement des entreprises françaises et membre de l’OSCI. Le principal chapitre concerne les transports (95 milliards) et, en particulier, les routes (55 milliards) : un premier appel d’offres portant sur 6 corridors (3 400 km) à réaliser en PPP (partenariat public-privé) a été lancé en décembre 2017. Les entreprises françaises suivent de près les projets dans les transports ferroviaires urbains. Une vaste rénovation des transports urbains à Buenos Aires et dans la banlieue est envisagée. Un premier appel d’offres, portant sur 2 milliards de dollars (matériel roulant et équipements), devrait être lancé au début de 2018 : il suscite la convoitise de tous les acteurs mondiaux du secteur. Par ailleurs, la municipalité de Buenos Aires prévoit de moderniser le métro, inauguré en 1913, et envisage la construction d’une 7e ligne (900 millions de dollars). L’autre segment qui intéresse l’offre tricolore est celui de l’eau et de l’assainissement avec 22 milliards de dollars prévus dans le PFI. L’objectif est de faire en sorte qu’en 2020, 100 % de la population soit connectée au réseau d’eau potable (75 % pour l’assainissement). Les banques multilatérales sont mobilisées : la BID a approuvé récemment des financements à hauteur de 960 millions de dollars (banlieue de Buenos Aires) et 200 millions de dollars (provinces du Nord). Le secteur eau-assainissement figure dans le mandat de l’AFD (Agence française de développement) en Argentine.
Energie
Le renouvelable stimule l’intérêt des entreprises
En matière d’énergie, l’Argentine possède un atout exceptionnel : ses gisements d’hydrocarbures non conventionnels qui placent le pays au 2e rang mondial pour le gaz et au 4e pour le pétrole. La compagnie pétrolière publique YPF et plusieurs acteurs internationaux (dont Total dans la formation géante de Vaca Muerta) sont présents dans ce segment. Des investissements importants ont été engagés et on constate déjà l’existence d’un courant d’affaires qui porte sur l’ensemble des besoins : expertise, équipements, services, logiciels, etc.
L’autre segment porteur est celui des énergies renouvelables où l’Argentine accuse un gros retard. Le nouveau gouvernement a décidé en 2016 de lancer une session annuelle d’enchères de 1 000 MW dans le cadre du programme RenovAr. Celui-ci concerne les différentes sources : l’éolien et le solaire principalement mais aussi la biomasse, les petites centrales hydroélectriques et le biogaz. Deux entreprises françaises, Eren et Neonen, ont remporté des contrats (200 MW chacune) lors de la 2e session (RenovAr 2) en novembre 2017. Le programme est un vrai succès. L’engouement des entreprises est réel puisque 9 400 MW ont été proposés lors de la 2e session ! L’Argentine offre un vrai potentiel (solaire au nord, éolien au sud), d’autant que le gouvernement a fait voter une loi qui oblige les grands consommateurs à utiliser 8 % d’énergie renouvelable au minimum, avec une hausse de 2 points par an. L’objectif est d’atteindre un taux de 20 % d’énergie renouvelable dans la matrice énergétique du pays en 2025.