L’Algérie ne doit plus être considérée comme un marché de consommation, mais comme un pays de production, estime le directeur général de la Chambre de commerce algéro-française (CCAF). Selon Réda El Baki, « il faut s’inscrire dans la tendance générale, vendre de l’ingénierie, de la technologie, des équipements et laisser les produits finis aux Chinois ou aux Turcs ».
« C’est une évolution qui doit être progressive, nuance-t-il. Il faut y réfléchir. On livrera toujours du blé et des médicaments à l’Algérie, et, globalement, on y exportera toujours autant, mais d’autres biens en partie, notamment des sous-produits ».
En 2016, sur un montant global d’importations de 42,6 milliards d’euros, les machines et appareils électriques et mécaniques se taillaient la part du lion, avec un total de 27 %. Si en 2017 la dépréciation de la monnaie nationale a entraîné mécaniquement un renchérissement des achats extérieurs, à l’inverse, son impact est positif pour l’essor industriel du pays.
La baisse du dinar (1 euro = 153 dinars), l’énergie peu chère, la main-d’œuvre bon marché (SMIG = 150 euros ; salaire moyen : 500 euros) et relativement bien formée sont, selon Réda El Baki, des atouts pour développer sur place de la sous-traitance. Un tel mouvement est déjà engagé dans la sous-traitance informatique et le traitement de données, avec notamment les français Webhelp, qui y développe des opérations de back-office, télévente et services aux clients, et Natixis, qui y sous-traite une grande partie de son back-office, ou encore le cabinet international KPMG, qui sous-traite sur place des études pour des sociétés internationales.
Les besoins en matière de digitalisation sont énormes. Lors de son passage en Algérie le 6 décembre dernier, Emmanuel Macron a annoncé la création sur place d’une école du numérique et une visite d’État en 2018.
Par ailleurs, si la complexité de l’environnement des affaires n’y est pas une nouveauté, le président français, interpellé à Alger sur la règle du 51 %-49 % imposée aux investissements étrangers, a répondu « que le gouvernement algérien porte cette volonté de réforme du cadre législatif ».
Malgré les contraintes existantes et la bureaucratie, la baisse du dinar devrait aussi inciter les entreprises françaises à envisager l’Algérie comme une plateforme d’exportation sur l’Afrique ou l’Europe. Des entreprises algériennes seraient prêtes aujourd’hui à se lancer dans la sous-traitance pour l’international.
François Pargny
Agroalimentaire
Un besoin puissant d’équipements
Si les Algériens sont toujours de gros consommateurs de produits alimentaires, depuis plusieurs années, les importations de biens d’équipement progressent plus rapidement. Ainsi, de 2011 à 2016, alors que les importations algériennes de produits finis (7,2 milliards d’euros en 2016) ont progressé de 2,7 %, celles de machines et d’appareils pour l’agriculture, la sylviculture, l’horticulture ou l’apiculture (119 millions d’euros) et de machines et d’appareils pour la transformation alimentaire (258 millions) ont augmenté respectivement de 60,5 % et 26 %.
Jusqu’à présent, la France est à la peine pour profiter de la croissance de la demande dans le matériel. En effet, si elle est demeurée dominante dans les produits alimentaires, avec une part de marché (PDM) de 16 % en 2016, dans les deux domaines cités de l’équipement agroalimentaire, elle se positionnait en numéro trois avec respectivement 10,4 % et 10,9 % de PDM, derrière l’Italie et la Turquie.
L’objectif en Algérie n’est plus d’importer des produits finis, mais de transformer sur place, ce qui explique ces progressions. D’autant plus que pour un pays de 40 millions d’habitants, il n’y a que 17 000 entreprises agroalimentaires pour un effectif global de 140 000 salariés.
Industrie touristique
Les petits hôtels s’invitent dans le paysage
L’intérêt pour les entreprises françaises, c’est le tourisme local, c’est-à-dire celui généré par les hommes d’affaires, la diaspora, les Algériens passant un week-end à Oran ou Constantine, auxquels on peut adjoindre quelques étrangers. Officiellement, le nombre de touristes étrangers s’élève à huit millions, mais, à la vérité, ce chiffre comprend des binationaux utilisant leurs passeports français. De façon concrète, le gouvernement a lancé en 2016 un programme de 2 500 villages et petits hôtels de deux à quatre étoiles. Des incitations publiques ont été offertes. Et, de fait, de petits établissements émergent, qu’il faut équiper de vaisselle, de linge ou de vitrages. Les importations de meubles et d’articles mobiliers ont ainsi bondi de 61,6 % en cinq ans pour atteindre 470 millions d’euros en 2016. Malheureusement, la France ne figure pas dans le peloton de tête, mené par la Chine (44,7 %). Aujourd’hui, dans le pays, 400 à 500 petits hôtels sont opérationnels.
Mécanique et pétrochimie
Plein pot sur la production et la transformation
D’ici à cinq ans, PSA, qui s’installe à Oran, va sortir 75 000 véhicules Peugeot et Citroën. Renault, mais aussi Volkswagen et Hyundai assemblent déjà en Algérie. « Le niveau d’intégration va inévitablement monter et il y aura des besoins en plastique et en verre et donc des besoins de machines et d’équipements », annonce Réda El Baki, le directeur général de la Chambre de commerce algéro-française (CCAF).
Comme le raffinage est une activité peu développée, deux unités sont projetées, ce qui devait permettre d’élargir l’offre d’essence, de gazole, de produits pétrochimiques et de plastique. D’après la CCAF, « pas moins de 20 projets intégrés dans le secteur de la pétrochimie seront réalisés d’ici 2024 », qui permettraient « de mettre sur le marché quelque 2,5 millions de tonnes de produits pétrochimiques ».
De même, l’Algérie veut porter sa production de phosphate de 1,5 à 10-12 millions de tonnes par an et traiter ce produit, l’enrichir et sans doute le transformer en acide phosphorique. Le ministère de l’Industrie et des mines estimerait à peu près à deux milliards de tonnes les réserves connues de phosphate, compte tenu du niveau d’exploration actuelle. L’automobile, mais aussi le machinisme agricole et les travaux publics peuvent, par ailleurs, aussi permettre d’accélérer la mise en place de sous-traitance. Selon la CCAF, « le Groupe Industriel Mécanique a identifié 38 nouveaux projets de partenariat dans les matériels agricoles, dans le pétrole et le gaz ainsi que la sous-traitance de pièces pour l’automobile » et « la sous-traitance dans l’industrie automobile en Algérie est un marché de 1,64 milliard de dollars en 2017 ».
Aujourd’hui, le nombre d’entreprises locales opérant dans la sous-traitance est de 900, soit à peine 10 % du tissu industriel. Et les besoins exprimés en matière d’équipement, composants industriels et pièces s’élevaient à 25 milliards de dollars en 2016. Par exemple, pour le poste Parties et accessoires mécaniques, les acquisitions à l’étranger ont connu une accélération sensible de 41,1 % en cinq ans pour s’établir à 570 millions d’euros en 2016. Reste que la France n’est pas la première à profiter de la poussée des importations. Troisième fournisseur avec une part de marché de 10,5 %, elle a été devancée par la Chine, avec 18 %, et la Russie, avec 11,6 %.