Les entreprises de notre top 100 sont de véritables multinationales. Le gouvernement leur demande aujourd’hui d’en faire plus pour accompagner le développement international des PME et ETI. Mais entre les déclarations d’intention et la réalité des faits, que font-elles dans ce domaine ? Le Moci fait le point sur le dispositif de portage géré par Pacte PME International ainsi que sur les mesures mises en œuvre par le gouvernement pour stimuler la coopération entre grands groupes et PME fournisseurs.
Après deux ans de fonctionnement, l’association Pacte PME International (PPI), créée en mars 2009 pour développer le portage de PME par de grands groupes à l’international, se targue d’avoir rempli ses objectifs. « Depuis notre démarrage effectif en septembre 2009, nous avons traité en deux années pleines près de 500 dossiers de portage et 69 % d’entre eux ont abouti », déclare son directeur général, Eric Jourdain. « Les dossiers de candidature reçus se professionnalisent et, de ce fait, le taux de réussite est supérieur : on enregistre 80 % de réussite en 2011 contre 65 % en 2010. Du coup, nous aurons réalisé 20 % de portages en plus en 2011 par rapport à 2010 où nous en avions effectué 150 », précise-t-il.
L’association PPI (voir encadré « Les 24 groupes membres de PPI ») a été lancée par la secrétaire d’État au Commerce extérieur de l’époque, Anne-Marie Idrac, pour remplacer l’ancien organisme, Partenariat France. Avec une nouvelle philosophie : celle d’échanges « gagnants-gagnants » entre PME portées et grands groupes porteurs, et une idée forte : faire fonctionner les synergies entre PME fournisseurs et grands groupes.
« Les grandes entreprises doivent contribuer à la croissance de leurs fournisseurs ou partenaires en les emmenant à l’export ou en leur ouvrant des marchés. Elles ont un intérêt objectif à créer autour d’elles des éco-systèmes de croissance », expliquait au Moci l’an dernier le président de PPI, Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric (Le Moci n° 1864 du 15 avril 2010).
C’est de fait cette dimension « d’éco-système » à l’international entre PME fournisseurs et grands groupes qui fonctionne le mieux en matière de portage. Cela correspond à la catégorie de « portage stratégique » définie par PPI (voir encadré « Portage mode d’emploi »). Parmi les dossiers reçus, signale Eric Jourdain, 14 % concernent un « portage conseil » destiné à élaborer une stratégie, à éviter les erreurs d’appréciation et à raccourcir le temps de déploiement ; 20 % le « portage abri », qui a pour objet de trouver un hébergement pour les V.I.E (volontaires internationaux en entreprise) et un support logistique pour une première implantation à l’étranger ; et 66 %, le portage stratégique impliquant l’existence d’une relation préalable de fournisseur à client.
« Pour le portage conseil, ce sont les entreprises qui nous sollicitent, explique Eric Jourdain. En ce qui concerne le portage abri et les V.I.E, cela passe par Ubifrance. Quant aux opérations de portage stratégique, elles résultent autant de demandes spontanées des PME que d’opérations collectives de grands groupes. » Le processus peut démarrer très vite et booster rapidement le chiffre d’affaires de la PME. C’est le cas de BHD Group, une entreprise de 300 salariés spécialiste des textiles techniques qui a réalisé en 2010 un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, dont 15 % à l’export. « J’ai pris contact en janvier 2011 avec PPI après avoir lu un article à ce sujet dans le journal de la CCI de Nantes, explique son directeur commercial export, Benoît Le Gall. Je souhaitais développer l’export d’une des filiales du groupe spécialisée dans le barrage antipollution, RCY. J’ai été mis en contact rapidement avec Total et, dès le mois d’avril, je suis parti en mission avec lui au Congo et au Gabon. Total m’a fait rencontrer tous les intervenants dans le domaine du pétrole et, au final, j’ai remporté sur appels d’offres deux contrats, au Congo et un au Gabon. »
« Le portage est un accélérateur de business et de réflexion », ajoute Benoît Le Gall, qui estime à environ 400 000 euros l’augmentation du chiffre d’affaires réalisée grâce à l’aide de Total. De nouvelles missions sont prévues avec le groupe en Ouganda (février 2012) ainsi que, par la suite, au Kazakhstan, et de nouvelles demandes de portage ont été adressées à PPI pour d’autres activités de BHD.
Pour les PME, les avantages à être portées par de grands groupes sont multiples : ceux-ci connaissent les contacts des clients cibles (leurs bons interlocuteurs) et les marchés grâce à leurs filiales. De plus, être présenté auprès du bon interlocuteur par le grand groupe donne à la PME une crédibilité par rapport à son client potentiel.
Du côté des grands groupes, le portage est aussi un moyen de découvrir de nouvelles sociétés ainsi que de nouveaux marchés. « C’est pourquoi nous regardons toutes les demandes de PPI avec bienveillance », explique Jean-Louis Gonthier, délégué national à l’appui des PME-PMI chez Saint-Gobain. Le groupe, qui est membre de PPI, a commencé ses actions de portage en 2010, et neuf PME ont déjà été soutenues. À titre d’exemple, en matière de portage conseil, Saint-Gobain a aidé Sylvadec, une entreprise qui produit du bois traité, à s’implanter dans un pays où la saison est inversée par rapport à la France : la PME a été mise en contact avec le réseau brésilien de Saint-Gobain. Dans le domaine du portage abri, Sparflex, qui fabrique des décorations de bouteilles de champagne, a pu diversifier ses marchés en visant la décoration de bouteilles de whisky : un V.I.E a été « porté » à Glasglow par une filiale de Saint-Gobain. Mais c’est dans le domaine du portage stratégique que les intérêts entre PME et grands groupes convergent véritablement. Ainsi, pour Saint-Gobain, il est intéressant de référencer une PME de transport qui souhaite développer des flux avec la Pologne. Le groupe, qui a des flux de transport au départ de ce pays, va donc consulter la société BBL Transports lors de ses prochains appels d’offres.
De même, Saint-Gobain a répondu positivement à la demande de PPI pour travailler en Afrique du Nord et deux dossiers sont à l’étude : avec Serva, qui fournit du matériel pour le transport de pulvérulents, et Serarima, qui propose des équipements d’agencement et de décoration. Toutefois, hormis certains groupes comme Total ou Altran, qui ont développé une véritable politique de portage (voir encadré « Total : le bon élève du portage »), la moyenne se situe à trois ou quatre dossiers par an et par groupe pour chacun des 24 membres de PPI. C’est peu au regard du potentiel que recèle le tissu de PME existantes et de la stature internationale des grands groupes français. D’où l’impulsion que tente de donner le secrétaire d’État au Commerce extérieur, Pierre Lellouche, qui a lancé au printemps dernier le « Pacte export », une charte destinée à pousser les grands groupes à s’engager vis-à-vis de leurs fournisseurs. À ce jour cependant, seuls treize d’entre eux, déjà membres de Pacte PME, l’ont signée, le 5 mai dernier : Airbus, Alstom, Altran, Areva, EDF, Eurocopter, GDF Suez, MBDA France, Safran, Schneider Electric, Siemens France, Thales et Total.
Le projet est ambitieux : dans ce pacte, les grands groupes s’engagent à inclure le portage de PME-ETI françaises, notamment de leurs fournisseurs, dans leur stratégie de développement à l’international. Ils prennent également l’engagement de « consulter systématiquement leurs fournisseurs français (PME-ETI), dans la mesure où ceux-ci sont pertinents, pour leurs approvisionnements et les prestations de service nécessaires à leurs ventes à l’export ». Les groupes signataires du Pacte export doivent mettre en place trois indicateurs de suivi : le montant des achats aux PME-ETI françaises dans les achats France hors groupe, le montant des achats aux PME-ETI françaises dans les achats monde hors groupe, et la présence en nombre et volume des PME-ETI françaises dans le top 100 de leurs fournisseurs.
Il est également prévu une clause assez contraignante : les groupes signataires doivent présenter un « plan de portage » précisant les PME et ETI françaises pressenties pour les accompagner à l’export lors de chaque demande de soutien financier d’un montant supérieur à 300 millions d’euros. « Il s’agit d’un véritable changement de culture, souligne un conseiller du cabinet de Pierre Lellouche spécialisé dans cette question. Nous souhaitons que les grands groupes se préoccupent davantage de la compétitivité et du développement à l’international de leurs fournisseurs français, notamment en pensant à les consulter systématiquement quand ils remportent un contrat export, ajoute-t-il. Notre approche avec le Pacte export est de type “top-down” : ce sont les grands groupes qui s’engagent en faveur de leurs fournisseurs. Notre action avec PPI est complémentaire dans la mesure où cette association est présente sur le terrain en direction des PME », explique-t-il.
Pierre Lellouche espère dépasser rapidement le cap des 13 grands groupes signataires. Une dizaine de sociétés supplémentaires ainsi que quatre banques doivent signer début 2012 ce pacte, précise-t-on au cabinet du secrétaire d’État. Ils doivent être rejoints dans une seconde étape par une dizaine d’ETI (entreprises de taille intermédiaire). Beaucoup de ces ETI sont en effet d’anciennes PME capables de cerner au mieux les besoins des petites entreprises. C’est le cas d’Axon’Cable, entreprise qui avait été portée au Mexique par EADS, Safran et Schneider Electric, qui à son tour a aidé la PME ACB (presses de formage des métaux pour l’industrie aéronautique) à s’implanter dans ce pays.
Le portage peut aussi être pratiqué entre PME, comme le souligne Thierry Fabre, le patron de Senideco, une entreprise de peintures décoratives basée à Marseille (3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010, dont 60 % à l’export). À la demande de la filiale russe de Leroy Merlin, qui cherchait des fournisseurs français de produits de peinture, Senideco accompagne cinq PME dans leur développement commercial en Russie. Un exemple pour les grandes…
Isabelle Verdier
Les 24 groupes membres de PPI
Pacte PME International (PPI) rassemble, outre des institutions associées, 24 groupes désireux d’aider les PME à l’international. Ils opèrent dans les secteurs suivants : énergie (Areva, EDF, GDF-Suez, Total), automobile (Renault), aéronautique et défense (EADS, Dassault Systèmes, MBDA, Safran, Thales), distribution (Auchan, Carrefour), industrie (Alstom, Saint-Gobain, Schneider Electric, SEB), banques (BNP Paribas, Crédit agricole, HSBC France), services (Spie, Ordre des experts comptables), transport (Air France), conseil (Altran), assurances (Axa). PPI est pilotée par le Comité Richelieu, une association qui regroupe des PME innovantes et qui a lancé avec succès le programme Pacte PME pour renforcer les courants d’affaires entre PME et grandes entreprises. À partir du 1er janvier 2012, PPI deviendra une branche du Pacte PME. Cette fusion au sein du Pacte PME devrait permettre d’ajouter une quinzaine de groupes aux 24 actuellement engagés l’internationaI.
Contact PPI :
Tél. 01 45 23 54 91
[email protected]
www.pactepme.org/international
Portage : mode d’emploi
Selon les besoins de l’entreprise, PPI va l’orienter vers trois types de portage différents :
• le « portage conseil ». La PME a besoin de conseils pour s’implanter à l’étranger ou développer des réseaux commerciaux. Le portage conseil est destiné à l’aider à élaborer une stratégie, à éviter les erreurs d’appréciation et à raccourcir le temps de déploiement. La PME doit contacter sa CCI ou le comité local des CCEF pour faire valider son projet export. Lequel pourra ensuite être transmis à PPI ;
• le « portage abri ».Il s’agit de trouver un hébergement et un support logistique pour une première implantation à l’étranger. Cet hébergement peut concerner des salariés de la PME ou des V.I.E (volontaires internationaux en entreprise). La demande se fait directement en ligne : www.pactepme.org/international/accompagnement. Un formulaire en six points est à remplir en ligne. Pour les V.I.E, toute demande doit être préalablement validée par Ubifrance ;
• le « portage stratégique ». La PME souhaite conquérir de nouveaux marchés à l’étranger avec un des groupes membres de PPI dont elle est déjà cliente ou partenaire. La demande se fait directement en ligne :www.pactepme.org/international/accompagnement.
Un formulaire en six points est à remplir en ligne.
I. V.