Alors que le lait de soja est une boisson traditionnelle en Asie, personne n’avait jamais eu l’idée d’en faire du yaourt. Jusqu’à ce que Triballat, une entreprise bretonne, mette le process de fabrication au point, il y a 25 ans. Avec sa marque Sojasun, elle a depuis conquis le marché européen.
À l’origine, l’entreprise, basée à Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine), fabrique des fromages et des yaourts. Dans les années 1970, elle se diversifie dans l’agriculture bio. Arrivent 1984 et les quotas européens sur le lait. « Mes parents se sont interrogés sur le remplacement de la matière première et ils se sont dirigés vers le soja, se souvient Olivier Clanchin, P-dg de l’entreprise. Nous avons commencé l’agriculture bio en 1975. À cette époque, les consommateurs étaient des militants, toujours à l’affût de bonnes pratiques et de plus de transparence. » C’est au cours de ces échanges qu’a émergé l’idée de faire des yaourts à partir du soja, « un produit qui a une forte connotation santé ».
Le projet est porté en interne et les premiers produits sont lancés en 1986 sous les marques Bonneterre et Sojade. Triballat veut toucher un plus large public et crée en 1988 la marque Sojasun, qui compte aujourd’hui, outre une gamme de yaourts, des boissons et des produits traiteurs. L’arrivée de Sojasun sur le marché national titille la concurrence. En vain. « Les grandes entreprises de l’agroalimentaire n’ont pas les mêmes attentes. Elles ne sont pas forcément enclines à modifier leur système production. Elles veulent aller vite alors que nous sommes sur un marché de longue haleine », analyse Olivier Clanchin. Mais Triballat n’entend pas non plus se reposer sur ses lauriers et innove en permanence. « Dans notre secteur, l’innovation ne passe pas par des brevets, mais par un renouvellement permanent des recettes.
L’atout d’une traçabilité non-OGM des matières premières
Un atout à l’export pour une entreprise agroalimentaire : la traçabilité de la matière première. « En 1996, quand nous avons appris que Monsanto s’apprêtait à commercialiser en Europe des graines de soja génétiquement modifiées, nous avons mis en place un cahier des charges très précis avec les producteurs qui nous fournissent », explique Étienne Dubois responsable export de Triballat. Cette logique de filière, garantissant des produits sans OGM est un impératif pour les consommateurs. En France et à l’étranger, où Triballat réalise 20 % de son chiffre d’affaires (200 millions d’euros en 2010).
Nous avons protégé nos innovations en les faisant grandir », explique le dirigeant. Dans les années 1990, Sojasun exporte en Belgique et en Grande-Bretagne, « des marchés proches et possédant une bonne culture de l’alimentation végétale ». « En Italie, il y avait déjà des yaourts au soja, mais en Espagne, nous avons créé le marché », souligne Étienne Dubois. Il a donc fallu faire une étude de marché et communiquer sur les bienfaits du soja. Mais pas question de produire sur place. Tout est expédié depuis la France, où l’entreprise s’approvisionne en soja sans OGM. Aujourd’hui, une vingtaine de pays européens sont livrés, ainsi que le Canada, le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Et la Pologne depuis avril dernier.
« Le développement en Europe centrale est très prometteur, mais nous y allons pas à pas », explique Étienne Dubois. Juste retour des choses, l’entreprise a également fait des affaires en Asie, où le lait de soja a été inventé, mais où personne n’avait eu l’idée d’en faire des yaourts. Triballat a vendu deux sites de production, en 1991 en Chine et en 1997 en Vietnam.
S. C.