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France/Chine : à la recherche du bon tempo

37 heures et puis s’en va… François Hollande n’aura ainsi dormi qu’une nuit en Chine (la seule de sa vie !) fin avril lors de sa première visite officielle au Céleste Empire – une visite attendue par Pékin depuis son élection à l’Élysée mi-2012. Le bilan ? Des rencontres au sommet, des visites d’usines et une pluie d’accords visant à renforcer les échanges bilatéraux, encore largement à l’avantage de la Chine – la deuxième puissance mondiale représente encore 40 % du déficit commercial français (1) –. Des contrats ont alors été signés dans l’agriculture, les transports, l’énergie, l’environnement… Autant de secteurs dans lesquels la France doit passer à l’offensive sur place, comme l’avait précisé – deux jours avant cette visite d’État – Martine Aubry, représentante spéciale du Quai d’Orsay pour la Chine. La maire de Lille invite la France à imiter, en Chine, le modèle allemand (la 1re puissance européenne représente 5,33 % du marché chinois, contre 1,27 % seulement pour la France). « L’Allemagne accompagne politiquement ses entreprises, ce que nous qualifions parfois de lobbying. Ce travail, nous ne l’avons pas assez fait », affirmait-elle au quotidien Le Monde.

A-t-elle été entendue ? La communauté d’affaires en Chine se veut relativement confiante sur l’avenir des relations commerciales entre Paris et Pékin et entend saisir les opportunités (toujours nombreuses) du marché chinois, le pays étant depuis 2012, la première destination mondiale des investissements directs étrangers. « La visite de M. Hollande a certes été trop courte. Il aurait dû rester un jour de plus », juge un entrepreneur tricolore à Pékin, « mais elle a été utile pour nouer un nouveau dialogue avec les autorités chinoises ». Et aura permis au passage de lancer plusieurs programmes et partenariats structurants, dont l’un dans le domaine de la sécurité alimentaire. EDF en a également profité pour signer un accord-cadre dans l’énergie électrique avec China Datang, et Areva a renforcé ses liens avec l’électricien CGNPC sur le projet d’une usine de traitement-recyclage. Une commande de 60 appareils a par ailleurs été validée à Airbus. Mais encore ? François Hollande a-t-il fait entendre sa voix à Pékin, lui qui déclarait – un an auparavant, pendant la campagne présidentielle – que les Chinois « trichent sur tout, sur la monnaie, en matière de recherche. La difficulté, c’est que beaucoup de grandes entreprises vivent avec des contrats chinois. Ce sont elles qui empêchent que nous soyons plus fermes à l’égard des produits de ce pays » ? Pas vraiment.

Il y a pourtant beaucoup à dire. La situation sur place des entreprises étrangères est en effet délicate ; l’accès au marché chinois étant pour elles toujours aussi problématique. « (Le pays) est membre de l’Organisation mondiale du commerce depuis 2001, mais ses marchés publics nous restent fermés, les taxes et les barrières à l’entrée sont nombreuses. La propriété intellectuelle et la protection des brevets sont nettement insuffisantes », résumait Martine Aubry dans le même entretien.

Selon Davide Cuccino, le président de la Chambre européenne de commerce (CEC), ces restrictions d’accès au marché auraient fait perdre aux entreprises de l’Union européenne en Chine quelque « 17,5 milliards d’euros en 2012 » – une dernière étude de la CEC (2) laisse toutefois apparaître que 71 % des entreprises européennes en Chine se disent confiantes sur le potentiel de croissance de leurs affaires localement. « Environ la moitié des entreprises européennes avouent rater des opportunités à cause des limites d’accès au marché chinois et des régulations en vigueur. Pour elles, cela représente l’équivalent de 10 % de leur chiffre d’affaires », poursuit Davide Cuccino. Beaucoup de ces entrepreneurs attendent du nouveau tandem Xi Jinping-Li Keqiang, respectivement président et premier ministre chinois, officiellement installés par l’Assemblée nationale populaire le 15 mars dernier, d’importantes réformes qui permettraient d’ouvrir ce marché, d’accélérer l’internationalisation du yuan et de protéger la propriété industrielle… Des réformes, accompagnées d’autres sur le plan social, jugées également nécessaires par 8 Chinois sur 10, selon un sondage, en janvier 2013, du quotidien pékinois Global Times. Et Hu Deping, le fils du réformateur Hu Yaobang, (ex-secrétaire général du parti communiste chinois – PCC), d’estimer dans un récent article publié dans un hebdomadaire économique que « le PCC et la nation (chinoise) font face à deux défis majeurs : le besoin de poursuivre les réformes économiques ainsi que la nécessité de créer un État de droit ». Alors que les autorités ont confirmé la priorité donnée au développement du marché intérieur, seront-elles prochainement lancées ces réformes économiques ? Il le faut mais il n’est pas sûr qu’elles profitent à plein aux entreprises étrangères, européennes en particulier. Le conflit – désormais frontal – entre Pékin et Bruxelles sur les télécoms ou le photovoltaïque (3) pourrait en effet provoquer « des sanctions contre les entreprises européennes en Chine » comme le redoute le même entrepreneur installé à Pékin. Plusieurs « contentieux » sont d’ores et déjà ouverts – dont l’un dans la province du Henan entre l’UE et un fabricant de panneaux solaires local. 

En retour, Pékin a fait savoir début juin qu’il réfléchit à l’instauration de nouvelles taxes douanières sur les vins (et les voitures de luxe) européens. Une situation potentiellement explosive… Le vin en Chine est une sucess-story française : la Chine est devenue son cinquième client, et le premier concernant les vins de bordeaux. Quant aux berlines, c’est une réussite Allemande… François Hollande va-t-il trouver le bon tempo dans son dialogue commercial avec la Chine ? Une partie de la réponse se joue à Bruxelles. En attendant, sur le terrain micro-économique, la Chine et son énorme marché intérieur continue indéniablement à attirer les entreprises françaises En témoigne, par exemple, les perspectives du Fonds d’investissement franco-chinois que gère la société Cathay capital (voir dans nos pages). Et leur préoccupation principale reste plutôt de trouver le bon relais ou le bon partenaire sur place, comme le montrent les témoignages recueillis pour ce dossier. Difficile, mais pas insurmontable. 

Pierre Tiessen à Pékin, avec Christine Gilguy à Paris

(1) Le déficit commercial de la France avec la Chine ne cesse de se creuser depuis 2003 – il est aujourd’hui évalué à 26 milliards d’euros (2012).
(2) Business Confidence Survey 2013, publiée fin mai.
(3) Les panneaux solaires « Made in China » pourraient être taxés en moyenne à 47 % dans l’UE dès août 2013 si la Commission européenne ne parvient pas à un accord avec Pékin. Proposition que la France soutient.

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