Avec mon client coréen, on a discuté d’un autre projet. Il y a quelques années, j’avais produit des petites tables pour enfants en résine PET. Cette série avait bien marché en France et mon client en avait vu un exemple sur le site de l’entreprise.
Alors, il m’a appelé pour me dire qu’il voudrait bien produire cette table pour le marché coréen et que, si j’avais encore le moule, il pourrait l’utiliser. Je recevrais des royalties. Le moule existait encore et était en très bon état, il n’avait même pas produit la moitié du nombre de tables pour lequel il avait été prévu. Il y avait de la marge.
On s’est mis d’accord pour les conditions et j’ai dû lui envoyer le moule. Après en avoir discuté, nous avons décidé que je lui enverrai par avion. En fait, c’est surtout après en avoir discuté avec mon conseiller transport/logistique que j’ai été d’accord. Il m’a dit que, maintenant que j’envoyais des conteneurs maritimes toutes les deux semaines, je pouvais changer un peu de jeu et passer à l’aérien.
Pour le commissionnaire de transport, j’allais demander à celui avec lequel j’envoie des conteneurs. Il m’a bien conseillé et j’ai compris tout ce qu’il m’a dit.
Oui mais… qu’allais-je faire de la règle Incoterm ICC 2010 ?
1/ La règle Incoterm
On a réfléchi, avec mon conseiller. Pourquoi une expédition aérienne changerait-elle quelque chose à la règle Incoterm ICC 2010 qui avait été définie pour des expéditions maritimes ?
Je me suis souvenu de ce que mon conseiller appelait sa zone d’incompétence. Si, en maritime, je m’arrêtais de m’occuper de l’expédition au port, en aérien, je pouvais m’arrêter à l’aéroport. Il n’y avait pas de différence.
Alors, j’ai proposé à mon client un DAP, aéroport international d’Incheon, à Séoul, en Corée du Sud, dans les locaux de mon commissionnaire, mis à la disposition du commissionnaire de mon client, non dédouané à l’importation. Il a accepté, reconnaissant en moi un pro du transport international (y avait-il de l’ironie dans cette phrase, je ne le saurai jamais !).
Bon, pour l’Incoterm, c’est fait. Qu’est-ce qui reste ?
2/ L’assurance
Ce moule, même si je ne pensais pas forcément m’en resservir, vaut quand même quelque chose. La preuve, il va servir pour fabriquer des tables pour les enfants coréens.
En aérien, mon expédition est couverte à hauteur de 17 DTS/kg. Vous vous souvenez du DTS ? Pour un moule de 210 kg de poids brut, couvert à hauteur de 17 DTS le kilo, et un DTS à 1,2757 euro (29/02/2016), cela ferait 210 x 17 x 1,27 soit un remboursement de 5,397 euros le moule en cas de dommage. Bien moins que sa valeur réelle. Alors, j’ai décidé de l’assurer. Je demanderai donc à mon commissionnaire de transport une assurance « ad valorem » en attendant que mon courtier me propose des taux plus intéressants.
3/ Les documents
La principale différence en aérien, c’est le titre de transport. Il s’appelle une LTA, lettre de transport aérien (Air Way Bill en anglais). Ce n’est pas un document de rien du tout, c’est un contrat de transport, un accusé de réception, une facture, un certificat d’assurance (si besoin) et un guide de consigne pour la manutention.
On y trouve de nombreuses informations rédigées par le transporteur : l’expéditeur, le destinataire, les aéroports de départ et d’arrivée, la nature et la quantité des marchandises, le poids brut, le tarif appliqué, les frais annexes, et les instructions particulières. Il n’y a pas la valeur douanes, cela viendra plus tard.
Repère
La Lettre de transport aérien (cliquer ici)
En français, on parle de LTA. En anglais, on parle d’AWB, Air Way Bill, mais souvent aussi de HAWB et de MAWB.
• La HAWB, House Air Way Bill, c’est le titre de transport que le commissionnaire émettra pour chaque expédition de ses clients.
• La MAWB, Master Air Way Bill, est le titre de transport émis par le commissionnaire pour la totalité des colis qu’il remet à la compagnie aérienne. La MAWB servira aussi au commissionnaire à l’arrivée, correspondant du commissionnaire au départ, à récupérer l’ensemble des colis.
4/ La facturation
Mon moule est sur une palette qui mesure, en mètres, 0,8 x 1,2 x 1,5, et affiche un poids brut, palette comprise, de 210 kg. J’ai demandé une cotation à mon commissionnaire et il me l’a envoyée.
Une palette de 210 kg bruts, en aérien, de Saint-Brieuc à Séoul :
• Transport Saint-Brieuc – Roissy : 55 euros
• Dédouanement export : 65 euros
• Déchargement du camion : 0,20 euro/kg + frais fixes par expédition : 45 euros
• Frais au départ : 0,35 euro/kg (du poids brut réel)
• Passage en magasin Roissy : 0,45 euro/kg (min. 45 euros par envoi)
• Fret aérien CDG/SEL :
– < = 100 kg = 2,80 euros/kg
– 101-249 kg = 2,50 euros/kg
– > = 250 kg = 2,20 euros/kg
• Fuel surcharge : 0,50 euro/kg/6 dm3
• Frais de mise à disposition :
18,50 KRW/envoi.
A. Où il est question de poids et de volume
Là, mon conseiller m’a expliqué un truc marrant, mais très logique.
Un avion Boeing 747 qui ne transporte que de la marchandise, on appelle ça un 747 F, le F ça veut dire « freighter » (qui vient de freight, cargo en français). Dans cet avion, il n’y a que de la marchandise, pas de passagers. Parfois, il peut y avoir des personnes, mais ce sont des personnes qui accompagnent certaines marchandises, comme des animaux, par exemple. Eh oui, quand l’équipe de France de concours hippiques se déplace, forcément, les chevaux se déplacent aussi. Mais ces chevaux ne se déplacent pas seuls, leurs lads les accompagnent. Ils ont des sièges dans la bosse de l’avion et descendent régulièrement par un escalier pour aller voir les chevaux, vérifier leur état et les rassurer.
Tout ça pour dire qu’un 747 F pèse à peu près 300 tonnes au décollage : 100 tonnes d’appareil nu, 100 tonnes de kérosène, et 100 tonnes de marchandises.
Quand on regarde un 747 F, on voit qu’une grande partie du fret peut se charger par l’avant, grâce au nez de l’appareil qui se soulève.
C’est pour cela, qu’il peut charger de plus grands volumes qu’un appareil normal. En fait, il peut charger environ 600 m3.
Si je récapitule, il peut charger 100 tonnes ou 600 m3. Ce rapport est, à peu de chose près, vrai pour presque tous les avions.
Là, mon conseiller m’a parlé des plumes et du plomb. Si je remplis l’avion de plumes, il sera plein et je serai loin des 100 tonnes. Mais je devrais payer quand même si je veux qu’il décolle. Si je mets 100 tonnes de plomb, il restera beaucoup de place vide. Mais je devrais payer quand même si je veux qu’il décolle.
C’est quand on atteint la première de ces deux limites, 100 tonnes ou 600 m3, qu’on paie le transport. Mais ma palette, ce n’est pas du plomb ni de la plume. Alors qu’est-ce que j’en fais de ces 100 t et 600 m3 ? Mon conseiller m’a expliqué que je prends le volume de mon expédition et que je le divise par 6 (600 m3 et 100 t), ça me donne un poids fictif, théorique, qui se rapporte au volume, on dit un poids volumique. Je compare ce poids volumique au poids brut réel : le plus important des deux donnera le poids taxable.
Et c’est sur ce poids que sera appliqué le tarif au kg du transporteur. Je serai taxé, facturé sur ce poids-là.
Quand je repense aux plumes et au plomb, je me dis que c’est normal ; de toute façon, l’avion va consommer pour voler. Sans doute moins avec des plumes qu’avec du plomb, mais il va consommer quand même, alors il faut payer.
Quand j’ai mon poids taxable, je le multiplie par le prix au kg que le commissionnaire m’a envoyé et j’aurai le prix du transport aérien de mon expédition.
Dans mon cas, cela fait :
– volume de la palette en mètre cube = 0,8 x 1,2 x 1,5 = 1,44 m3 ;
– poids volumique = 1,44 / 6 = 0,24 ;
– comme on est en mètres, cela équivaut à des tonnes, donc cela fait 0,24 tonne ou 240 kg.
Poids volumique = 240 kg. Poids brut réel = 210 kg.
Si je compare le poids volumique et le poids brut réel, 240 et 210, je vois bien que le poids volumique est plus important, donc il va devenir le poids taxable.
Je vais pouvoir appliquer le tarif à mon poids taxable.
240 kg, c’est dans la tranche de 101 à 249 kg, soit 2,50 euros/kg.
240 x 2,5 = 600 euros à payer pour transporter mon moule jusqu’en Corée.
Ce système de calcul, le rapport poids/volume, est toujours à l’avantage de l’avion. Même si je déclare un poids brut inférieur à ce qu’il est réellement, de toute façon le commissionnaire pèse et réajuste. Autant faire bien du premier coup.
J’étais assez content et mon conseiller m’a dit qu’il y avait encore un petit truc, mais que j’allais aimer : le payant pour.
B. Où il est question de « payant pour »
On a vu que le tarif était :
• Fret aérien CDG/SEL
– < = 100 kg = 2,80 euros/kg
– 101-249 kg = 2,50 euros/kg
– > = 250 kg = 2,20 euros/kg
Quand on multiplie 240 kg par 2,50 euros/kg, on obtient 600 euros. Si, au lieu de multiplier 240 kg par 2,50 euros, on multiplie 250 kg par 2,20 euros/kg, on obtient 550 euros. Comme 550 est inférieur à 600, le transporteur va me facturer 550, soit 250 kg à 2,20 euros/kg. J’allais « payer pour » 250 kg. C’est pour ça que cette règle s’appelle le « payant pour ».
Pourquoi le transporteur a-t-il d’abord calculé que je devrais payer pour 240 kg parce que c’était à son avantage, pour ensuite me faire payer pour 250 kg parce que c’est à mon avantage, alors que j’avais 210 kg ? Cela m’aurait fait 210 kg x 2,50 euros/kg = 525 euros et on n’en parlait plus. C’est vrai, mais, m’a-t-il dit, c’est comme ça !
En revanche, ce système de calcul est toujours à l’avantage de la marchandise. Ça veut dire que c’est toujours à l’avantage de celui qui paye pour transporter la marchandise.
Repère
Poids brut réel, poids volumique et poids taxable
Un autre moyen est de considérer que le rapport étant de 1 tonne pour 6 m3, on a 1 m3 = 1 t/6 = 166,67 kg. Dans l’exemple, si on multiplie le volume de la palette, soit 1,44 m3 par 166,67 kg, on trouve bien 240 kg.
Les deux calculs donnent le même résultat, à vous de choisir.