Le MOCI. Quel environnement d’affaires attend les entreprises françaises à Taïwan ?
Pascal Viaud. Dans le secteur high-tech, les entreprises taïwanaises sont passées maîtres dans l’art d’améliorer constamment un produit ou un procédé, ce qu’on appelle l’innovation incrémentale. Des PME françaises ayant développé une technologie de rupture peuvent trouver ici des partenaires industriels de premier plan, y compris parmi les leaders mondiaux. Elles y rencontrent des interlocuteurs parlant anglais avec qui le premier contact est souvent très bon, mais c’est ensuite que tout se joue : s’il exprime un intérêt pour un produit ou une collaboration industrielle, le partenaire taïwanais s’attend à ce que tout se mette en place très vite. Il faut donc se tenir prêt et être capable de gérer le relationnel dans la constance. Dans le secteur high-tech, Taïwan est maintenant connu des PME françaises. Il s’agit pour elles de savoir comment utiliser Taïwan dans une stratégie d’internationalisation, de trouver l’adéquation technologique et partenariale, et de définir une stratégie industrielle ou commerciale. Nous comptons améliorer l’offre d’accompagnement de ces PME avec un projet de French Tech Hub permettant de mettre les PME françaises en contact avec leurs homologues et l’ensemble de l’écosystème local ou encore créer pour les startups des deux pays des programmes d’immersion croisée des secteurs à plus faible teneur technologique, on est sur un tissu de PME très familiales qui n’ont pas forcément la capacité à comprendre l’approche étrangère. Mais on assiste à un renouvellement des générations, avec des dirigeants plus ouverts sur le monde et qui, confrontés à la saturation du marché chinois, cherchent d’autres débouchés. Dans la mécanique, la fonderie ou encore l’usinage de pièces, des Français aident des entreprises traditionnelles taïwanaises à atteindre un niveau d’excellence leur permettant d’exporter en France. Dans le secteur textile, on observe avec le textile technique la même volonté de transformation, le même appétit.
Le MOCI. Taïwan est-il véritablement une plateforme d’accès vers le marché chinois ?
P.V. Il faut avant tout considérer Taïwan comme une plateforme ouverte, globale et régionale. Ce qui prévaut dans le domaine technologique, c’est la capacité des entreprises taïwanaises à dominer la chaîne de fournisseurs mondiale. Il y a ensuite un aspect régional : au-delà de la Grande Chine, Taïwan est bien connecté au Japon et à l’Asean. Venez vous ancrer à Taïwan, venez vendre à Taïwan, mais ne forcez pas le côté chinois. Réussir en Chine en passant par Taïwan ne marche que si le partenaire taïwanais décide de vous y emmener. C’est lui qui saura le mieux quand la technologie, le partenariat et l’état du marché chinois sont mûrs. Il faudra alors être prêt à le suivre. Dans les autres secteurs, il peut toutefois y avoir des stratégies plus ciblées. Dans des domaines comme l’e-santé ou la silver économie, Taïwan permet ainsi de tester de manière très sûre certains services dans un contexte linguistique et culturel proche de celui de la Chine.
Le MOCI. Quelles perspectives d’avenir ?
P.V. Le secteur des semi-conducteurs reste très dynamique et continue de tirer une grande partie de l’économie, le dernier cycle d’innovation en date ouvrant des opportunités pour les entreprises françaises. Dans le secteur électronique, Taïwan a par contre du mal à tourner la page du PC. Alors que les nouveaux produits répondent à d’autres modèles, les industriels taïwanais sont tentés d’appliquer la recette qui a fait leur succès, sans penser aux logiciels, aux applications et aux services qui procureront demain l’essentiel de la valeur. Cela constitue a contrario une opportunité pour des entreprises françaises capables d’apporter l’innovation.
Propos recueillis à Taipei par Pierre-Yves Baubry