Au fil des ans, le commerce de biens de la France avec Taïwan demeure assez stable, malgré la concurrence des géants asiatiques, Chine et Japon, et des États-Unis. Elle remporte, toutefois, de beaux succès, surtout dans l’agroalimentaire, mais aussi dans le luxe, la parfumerie-cosmétique, ou, en matière de service, la distribution.
Taïwan a toujours eu un fort tropisme américain, les échanges commerciaux étant aussi traditionnellement très nourris avec le Japon. Mais depuis une vingtaine d’années, à la faveur du rapprochement opéré par le gouvernement actuel, c’est avec la Chine (y compris Hongkong) que les flux de marchandises connaissent un formidable essor.
D’après la base de données GTA/GTIS, l’ex-Empire du Milieu était ainsi le premier fournisseur, avec une part de 17,6 % sur un total d’importations de l’île de 205,4 milliards d’euros, devançant ainsi le Japon (15,3 %) et les États-Unis (10 %). Résultat de l’éloignement autant que de l’histoire, on ne connaît pas encore bien Taïwan en France, où les clichés s’effacent lentement. On dénombre, toutefois, à Taïwan environ 160 entreprises françaises, dont une trentaine – dans la banque d’affaires, les assurances ou l’industrie – sont cotées au CAC 40.
Selon la Chambre de commerce et d’industrie France-Taïwan, ces entreprises ont créé sur place quelque 25 000 emplois, dont environ 15 000 dans la grande distribution, Carrefour avec 11 500 employés, Auchan et L’Oréal étant de gros employeurs, de même que Bureau Veritas ou encore BNP-Paribas. Les exportations françaises, sans être considérables, ne sont pas négligeables, avec un montant supérieur à 1,6 milliard d’euros l’an dernier.
Taïwan doit certainement être considéré comme un marché en soi avec ses 23 millions d’habitants (exactement autant que l’Australie, 5 millions de plus que les Pays-Bas), un niveau de vie élevé et des consommateurs sophistiqués, martèlent les acteurs de la relation bilatérale, tant du côté français que taïwanais. Les entreprises françaises sont depuis longtemps très présentes dans les matériels de transport. Matra a ainsi construit la première ligne de métro de Taipei, mise en service en 1996. Pierre Moussy, chef du Service économique à Taïwan, fait remarquer que, grâce à la livraison ou la location de plusieurs d’appareils, Airbus ou ATR, aux compagnies aériennes, les matériels de transport étaient en 2014 le premier poste d’exportation français avec 333 millions d’euros, soit 20,8 % du total. (Tous les chiffres des exportations proviennent des Douanes françaises.)
En fait, le volume du trafic aérien est en forte hausse entre l’île et le continent chinois depuis l’autorisation, en 2008, des lignes directes entre Taïwan et la Chine, et l’arrivée de plusieurs compagnies low cost, dont Tigerair Taïwan, filiale de China Airlines. Les parfums et produits de beauté restent évidemment, avec le luxe, le secteur dans lequel la France est la plus visible.
Très grande consommatrice de cosmétiques, la Taïwanaise achète d’abord les marques japonaises perçues comme mieux adaptées aux peaux asiatiques, mais aussi énormément de produits français qui jouissent ici d’une réputation hors pair. L’Oréal occupe une position tout à fait enviable sur ce marché de trois milliards d’euros – au quatrième rang en Asie derrière le Japon, la Chine et la Corée du Sud – où le géant français commercialise 28 marques internationales.
C’est toutefois dans l’agroalimentaire (231 millions d’euros) que les exportations progressent le plus en 2014 (+ 9,8 % sur 2013). La hausse s’explique en partie par la forte assise locale de Carrefour (qui vient d’ouvrir son 78e magasin) et Auchan (18 magasins sous l’enseigne RT-Mart), mais aussi par une forte demande en produits européens jugés plus sûrs après la série de scandales alimentaires ayant entaché les productions locales, depuis l’huile jusqu’au thé.
À cet égard, l’Hexagone a remporté l’an dernier une victoire, avec le feu vert donné aux importations de viandes de porc et volaille françaises. Quant aux exportations de vins et spiritueux français, elles restent très dynamiques et comptent pour moitié dans les exportations agroalimentaires françaises vers Taïwan. Enfin, et on le sait peu, une centaine d’entreprises françaises expédient vers Taïwan pour plus de 200 millions d’euros d’appareils et de composants électroniques, informatiques et optiques, quatrième poste d’exportation. Taïwan, faut-il le rappeler, compte parmi les leaders mondiaux dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), où l’île est non seulement un maillon essentiel de la chaîne de production mondiale, mais aussi un marché important. Un seul chiffre : on y dénombre 30 millions d’abonnés à des services de téléphonie mobile pour 23 millions d’habitants.
En matière d’investissements directs étrangers (IDE), la France ne figure pas, en données cumulées, dans le Top 10, le premier pays européen étant le Royaume-Uni, placé derrière les États-Unis, puis les Pays-Bas, le Japon et la Chine (sans compter les sociétés offshore installées dans les Antilles). Ces deux dernières années, les plus gros investissements français ont été ceux réalisés par Air Liquide dans la construction d’une usine à Kaohsiung, dans le sud de l’île, et par Carrefour pour l’ouverture de nouveaux magasins. Bien avant ces deux groupes tricolores, s’étaient déjà installés avec succès Décathlon, lequel a longtemps produit à Taichung vêtements et équipements de sport pour ses magasins dans le reste du monde, avant d’ouvrir son premier point de vente à Taïwan en 2012.
Autre exemple, Suez Environnement, dont la filiale Sita gère depuis 2000 un incinérateur à Kaohsiung. Plus récemment, début 2014, Veolia a été choisi par Formosa Petrochemical Corporation pour optimiser la gestion des effluents industriels de son immense complexe pétrochimique de Mailiao, dans le sud de l’île – un contrat de plus de 15 millions d’euros. Quantité de grands noms du secteur informatique comme Intel, HP, Dell, Sony et Microsoft, ont ouvert un centre de R&D à Taïwan, se félicite l’agence Invest in Taïwan. Alcatel-Lucent a suivi le mouvement en implantant un centre d’innovation à Neihu en décembre 2013. « On est là, en général, plus proche du développement de produits que de la recherche », relativise, toutefois, Pierre Moussy. « Le modèle suivi dans les années 80-90 par les grandes entreprises, explique par ailleurs Pierre Moussy, consistait à s’implanter à Taïwan avec le projet de se préparer au marché chinois, mais cela a changé. Elles sont aujourd’hui présentes pour le marché taïwanais en lui-même et utilisent des synergies qu’offrent Taïwan et la Chine en matière de ressources humaines, de marketing, de logistique, dans les deux sens. Les grandes entreprises utilisent de plus en plus avec intelligence cette double localisation. »
Quant aux investissements taïwanais en France, ils restent marginaux. On dénombre une cinquantaine d’entreprises taïwanaises comptant un millier de personnes en France. « C’est trop peu, comparé au potentiel d’investissement des entreprises taïwanaises et à l’attrait du marché français », estime Pierre Moussy. Les plus emblématiques sont le groupe Evergreen, qui gère un hôtel à Levallois, et la maison Lanvin, rachetée en 2001 par la baronne de la presse taïwanaise Wang Shaw-lan. S’y ajoutent quelques sociétés d’électronique qui ont en France des bureaux de commercialisation et de service après-vente. « Aujourd’hui, remarque Pierre Moussy, on attend plutôt les Taïwanais dans les pôles de compétitivité du secteur numérique, où des passerelles sont en train de se construire, ainsi que dans la mécanique et l’immobilier. »
Laurence Marcout à Taipei
Un partenaire pour la science
La France est le deuxième partenaire scientifique de Taïwan après les États-Unis, et de nombreux programmes de recherche conjoints ont été mis en place dans les universités. Deux laboratoires communs sont financés par la France et Taïwan, l’un en robotique et l’autre en sismologie.