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Guide business Sénégal 2016 : les secteurs porteurs

Alors que la conjoncture a été clémente, la modernisation de l’agriculture et de la chaîne de transformation constituent une priorité du pays. Le Sénégal regarde aussi vers l’avenir : grande distribution, e-commerce, nouvelles technologies du numérique, formation connaissent un regain de dynamisme.

 

Agriculture : la croissance du secteur tire les projets d’investissement

 

« Le développement de l’agriculture est au cœur du Plan Sénégal émergent (PSE) », constate le Conseil des investisseurs européens du Sénégal (CIES). Outre l’autosuffisance en riz, oignon et la relance de la filière arachide, le Programme de relance et d’accélération de la cadence de l’agriculture au Sénégal (Pracas) mise sur le développement du maraîchage et de l’horticulture, notamment pour l’exportation.

L’an dernier, la croissance du secteur primaire a bondi de plus de 18 % ! Bonne pluviométrie, volonté politique indéniable et financements : les ingrédients étaient là pour une bonne récolte.

À l’occasion du Siagro en mars 2016, le salon phare de l’agriculture et de l’agro-industrie de l’Afrique de l’Ouest, l’ambassadeur de France Jean Félix Paganon a constaté que la France était le premier partenaire bilatéral du Sénégal en matière de projets agricoles tout en rappelant le rôle de l’Agence française de développement (AFD) qui appuie les organisations professionnelles sénégalaises afin qu’elles boostent leurs productions.

« Quelque 41 entreprises françaises dont plusieurs spécialistes du matériel agricole ont participé à ce salon, soit plus de la moitié des entreprises présentes », détaille Thibaut Crepon, chargé d’affaires de l’Adepta (Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires) pour l’Afrique de l’Ouest. « Le pays bénéficie d’atouts indéniables pour développer l’agriculture – chaleur, eau et sols riches », poursuit-il. À l’exportation, les produits de contre-saison (melon, pastèque, tomate, poivron, carotte haricot et aubergine) trouvent des débouchés sur les marchés européens. Les entreprises françaises sont aussi présentes dans la fourniture de matériels agricoles.

Des projets d’infrastructures sont attendus pour améliorer la chaîne logistique. En mai dernier à l’occasion d’une mission du Port de Dakar et d’une vingtaine d’exportateurs sénégalais au marché de Rungis près de Paris, Cheikh Kante directeur général du Port autonome de Dakar a évoqué la construction d’un terminal fruitier. « Cette infrastructure réfrigérée est indispensable pour l’exportation de produits frais », commente Thibaud Crepon qui se félicite aussi du projet de construction d’un grand marché d’intérêt national près de Diamniadio et d’autres marchés à l’intérieur du pays.

Pour le riz, l’objectif d’autosuffisance est extrêmement ambitieux. En 2015, la récolte de riz paddy (non transformé) a fait un bond de 64 % en 2015, à 917 000 tonnes (t), grâce à une bonne météo et aux incitations du gouvernement. Cela n’est pas suffisant. Le pays importe toujours du riz brisé asiatique (un sous-produit) subventionné. « La production de riz sort la tête de l’eau désormais on trouve de plus en plus de riz long sénégalais avec nombreuses marques », observe Thibaut Crepon.

Dans la vallée du fleuve Sénégal, près de Ross-Bethio, la Compagnie agricole de Saint-Louis, qui a démarré ses activités de riziculture en 2013, vient de recevoir l’appui de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour un prêt de 15,7 millions d’euros. Le projet permettra l’exploitation de 4 000 hectares afin de produire 60 000 tonnes par an de riz paddy grâce à une riziculture irriguée, de signer des contrats de production avec des agriculteurs pour un minimum de 9 000 tonnes par an de riz paddy, mais aussi de stocker, de transformer et commercialiser 42 000 tonnes de riz blanc par an. La société française a passé un accord avec les villageois : 40 % des terres irriguées reviennent aux riziculteurs villageois et les 60 % à la société. Le foncier reste toutefois une question difficile à gérer pour les investisseurs étrangers. « Les acquisitions se révèlent de plus en plus difficiles. Certains ont du mal à conserver les terres attribuées ou à s’agrandir. Les communautés villageoises de plus en plus gourmandes dans leurs exigences (compensations, routes, écoles, mosquée…) font douter les investisseurs », remarque Thibaut Crepon.

 

Grande distribution : un boom tiré par la classe moyenne

 

Ouvert en juillet 2010, le Sea Plaza faisait figure de précurseur en Afrique francophone. Ce centre commercial situé sur la corniche de Dakar aligne les boutiques de luxe et héberge un supermarché Casino. Complètement intégré dans les habitudes des Dakarois, il est devenu un rendez-vous de la classe moyenne. Le paysage de la grande distribution continue de s’étoffer. Auchan, sous l’enseigne Atac a investi le marché en 2015 avec 4 magasins, dont une grande surface à Dakar. L’enseigne prévoit d’ériger trois grands magasins de 3 000 mètres carrés et six autres de plus petites dimensions.

Dans la famille Casino, bien implantée à Dakar avec 7 grandes surfaces, Leader Price, l’enseigne hard discount du groupe devrait débarquer prochainement. Enfin, le groupe CFAO avec ses nouveaux alliés (Wendel/CDC International Capital et le fonds souverain du Qatar) a l’intention de venir s’implanter au Sénégal.

L’émergence d’une classe moyenne, une croissance finalement plus dynamique que sur le vieux continent, aiguisent les appétits des grands distributeurs français et étrangers. Le secteur devient plus concurrentiel. « La volonté des distributeurs, notamment français, de trouver de nouveaux débouchés et de profiter ainsi de marchés à forte croissance, où une classe moyenne (“working class”) qui est plus à même de faire ses courses dans le commerce moderne, recherche des prix bas, du choix, un environnement attractif et confortable et de nouveaux produits » expliquent le dynamisme de ce secteur, analyse Julien Garcier, directeur général du cabinet d’étude Sagaci Research spécialisé dans la distribution sur le continent africain. Pour limiter les risques, les groupes de distribution envisagent leur déploiement à travers des partenariats avec des acteurs locaux qui maîtrisent les chaînes d’approvisionnement locales et possèdent une bonne connaissance des habitudes de consommation. Cette alliance facilite aussi clairement l’entrée sur le marché. Cela n’est pas toujours possible. Ainsi après deux tentatives infructueuses, Auchan a dû se lancer seul. En revanche, à l’instar du choix opéré par Carrefour en Côte d’Ivoire, la mise en place de partenariats avec les entreprises de production locales (riz, légumes, volaille, lait…) paraît incontournable.

Malgré l’émergence d’une production locale, de nombreux produits sont importés – entre 50 et 80 % pour Casino. « Le métier de la grande distribution en Afrique est radicalement différent de celui que nous connaissons en France. Ce qui est vital en Afrique c’est d’avoir une logistique performante et une permanence d’assortiment. Les prix viennent ensuite », faisait observer Gilles Blin, directeur alimentaire de Mercure International, affilié Casino dans une interview à Linéaires. « Le commerce “moderne” (les supermarchés pour faire simple) représente souvent 1 à 2 % du commerce total dans les pays d’Afrique de l’Ouest », rappelle Julien Garnier. Les marchés, les échoppes, les vendeurs ambulants restent les principaux lieux d’achat.

 

E-Commerce : la bataille s’annonce rude

 

Encore embryonnaire, le marché du e-commerce sénégalais bourgeonne. En quelques années, le nombre d’acteurs s’est multiplié, les opérations de rachats aussi et certains quittent la scène. CDiscount.sn (groupe Casino) lancé en octobre 2014, doit mettre fin cet été a ses activités au Sénégal, mais aussi au Cameroun. Les deux sites locaux avaient été créés avec le soutien du groupe Bolloré Africa Logistics. Des pertes catastrophiques au Brésil et des résultats décevants au Sénégal et au Cameroun ont poussé Casino à fermer les sites de e-commerce dans ces deux pays. CDiscount laisse ainsi le champ libre à Jumia, l’Amazon africain.

Initialement prévu pour fin 2014, il a fallu attendre mi 2015 pour que Jumia s’affiche sur les écrans des Sénégalais et rejoigne les Carmudi, Diayma.com et Vendito.sn ou encore Niokobokk, aywadjieune et Expat-Dakar.com – un site d’annonces, comparable à leboncoin.fr. Au passage, Jumia a déjà avalé Vendito.sn et Expat-Dakar a été racheté par le groupe Suisse Ringier (propriétaire du quotidien Le Temps). Enfin, electroménager-dakar.com adossé aux boutiques du groupe sénégalais CCBM, fait aussi parti du paysage de l’e-commerce sénégalais. « Pour les grands distributeurs, même si cela n’est pas rentable, il faut se positionner. C’est dans le sens de l’histoire », décrypte Julien.

Le business, plus complexe, n’a que peu à voir le commerce traditionnel. La rentabilité n’est pas souvent au rendez-vous. Le très ambitieux Jumia croque des parts de marché, propulse son chiffre d’affaires au sommet, mais n’est toujours pas rentable. « Le marché est difficile, reconnait Julien Garcier, directeur général du cabinet d’étude Sagaci Research. Qui peut accepter de perdre pendant les 10 prochaines années ? » Ce mode de consommation, jeune et urbain, reste l’avenir, notamment dans un pays comme le Sénégal où près de la moitié de la population vit dans les villes. « Ici, le e-commerce apparaît presque en même temps que le commerce organisé », observait de son côté Laurent Liautaud, créateur de Niokobok.

Dernier grand groupe à se tester sur ce marché, CFAO a lancé en avril Africashop, une plateforme de mise en relation des internautes avec les sites d’une dizaine de marques internationales. Pour maîtriser la chaîne logistique, CFAO s’est allié à Bolloré. Opérationnel en Côte d’Ivoire et au Sénégal, le site devrait s’exporter dans six à huit pays d’Afrique francophone dès 2017. Si les prix sont affichés en euros, dès que vous les mettez dans votre panier, les FCFA s’affichent.

 

Numérique : foisonnement des projets d’investissement

 

Tous les regards sont braqués sur le futur Parc technologique numérique de Diamniadio, un des grands chantiers du Plan Sénégal émergent (PSE). L’appel d’offres pour la construction de trois tours de bureaux a été lancé. Plus d’une vingtaine d’entreprises envisagent de s’y installer.

Tigo, filiale du groupe Millicom, le deuxième opérateur mobile du Sénégal va démarrer dans quelques semaines, à Diamniadio, la construction de son nouveau datacenter (centre de données). Un investissement de 4,57 millions d’euros. Il fournira les services numériques de dernières générations : services en ligne, services financiers, vidéo à la demande, accès Internet à très haut débit, accès internet dédié pour les entreprises. « Nous souhaitons accompagner les entreprises africaines en général, et celles du Sénégal en particulier dans leur développement grâce aux technologies innovantes et aux services numériques », insiste Cynthia Gordon, directrice générale de Millicom zone Afrique. Le Français Atos, spécialisé dans la fourniture de services informatiques, prévoit également de construire une autre plateforme technologique dans la future cité numérique et de recruter 2 000 ingénieurs d’ici 2020. Présent depuis 2014 au Sénégal, le groupe a officiellement inauguré à Dakar en juin son Centre de services numériques pour l’Afrique de l’Ouest.

L’arrivée de la 4G, dont la licence a été remportée par Sonatel, filiale d’Orange, est aussi attendue avec impatience. La commercialisation du service, dans moins de deux mois, boostera encore plus le développement des startups sénégalaises.

Ces dernières bénéficient d’un écosystème favorable : un fonds d’amorçage Teranga Capital dédié aux PME, lancé en 2016, un hébergement dans des incubateurs : Espace coworking, Jokkolabs ; CTIC, Cofina Startup House… Lancé en 2011, l’incubateur CTIC, qui encadre le développement de micro-entreprises sénégalaises actives dans les nouvelles technologies, estime avoir aidé 75 poulains à générer 5 millions d’euros de revenus. Début 2016, le holding français Scintillo, axé sur la culture, a ouvert un incubateur à Dakar.

Au Sénégal, l’Internet contribue ainsi à hauteur de 3,3 % de la richesse nationale selon McKinsey. Toutefois, la Banque mondiale regrette un manque de concurrence dans le secteur des TIC et recommande un toilettage du cadre réglementaire pour permettre l’arrivée de nouveaux opérateurs.

 

Formation : des opportunités à saisir dans le privé

 

Depuis plusieurs années, l’enseignement supérieur privé se développe. Délaissant les universités, qui font face à un afflux de candidats toujours croissant et des moyens insuffisants, les familles disposant de ressources optent pour les écoles et instituts supérieurs privés qui accueillent un quart des étudiants sénégalais. Outre les principales écoles de commerce – l’Institut africain de management, l’institut supérieur de management de Dakar ou des filiales d’écoles françaises (Sup de Co Dakar ou Bordeaux école de management-BEM), on peut compter plus d’une centaine d’établissements. En 2008, BEM s’installe à Dakar et propose deux programmes de formations le Bachelor (École de commerce Post-Bac) et le Master in Mana-gement (Bac+5). L’école qui accueille 300 étudiants post-bac et 600 cadres en formation continue, rejoindra en 2018 la future Cité du savoir de Diamniadio.

Le Maroc investit aussi le secteur. Fin 2015, l’Université privée de Marrakech (UPM), sort de ses frontières en rachetant un institut privé supérieur d’études en médecine à Dakar qui compte près de 1 000 étudiants.

À moyen terme, la future Cité du savoir devrait accueillir 35 000 étudiants en format présentiel et 40 000 en formation à distance. Développée sur la base d’un partenariat public-privé pour un montant estimé à 152 millions d’euros, la future cité accueillera un espace enseignement numérique, un espace recherche, culture et loisir. Les universités de renom et les grandes écoles sont attendues…

Avec une importante population jeune, le secteur est porteur… peut-être trop. Les autorités souhaitent désormais réorienter le système d’enseignement supérieur sénégalais vers les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEMS) et les formations professionnelles courtes et diversifier l’offre dans l’ensemble des régions. Les universités sont aussi priées de s’adapter en professionnalisant un certain nombre de filières.

À travers sa réforme de l’éducation intégrée au Plan Sénégal émergent (PSE), le Sénégal entend devenir un pôle de formation majeur pour toute l’Afrique de l’Ouest et former des jeunes dans des filières d’avenir. Deux nouvelles universités sont créées : Mahtar Mbow, qui développera deux grands pôles science et technologie, science et santé et l’université du Sine Saloum qui se concentrera sur les formations en agronomie.

Les instituts supérieurs d’enseignement professionnel (ISEP) offrant des formations courtes axées sur des métiers et des compétences avec stages en entreprise obligatoires vont se multiplier, à l’image du premier créé à Thiès il y a 3 ans sur un financement de la Banque mondiale. Il propose des formations en multimédia, tourisme, système et réseaux, agroalimentaire et métiers du rail. Cinq autres sont programmés, dont celui de Diamniadio pour les métiers de l’automobile et les métiers des TIC, financée par l’agence coréenne de coopération internationale à hauteur de près de 7 millions d’euros. L’Agence française de développement finance pour 20 millions d’euros les ISEP de Richard Toll (nord) et de Bignona (sud) dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour le premier et de l’agroforesterie pour le second.

Certaines entreprises prennent les devants. Pour recruter plus facilement ses ingénieurs dans les années à venir, le groupe Atos a scellé un partenariat avec l’École supérieure polytechnique de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (UCAD).

Sylvie Rantrua

 

Des besoins aussi dans la formation continue 

Le potentiel du marché ne s’arrête pas à l’enseignement post-bac. Le créneau de la formation continue aiguise l’appétit des écoles de management. HEC Paris développe en Afrique des programmes de formation pour les cadres du privé et du public. L’association AfricaFrance a lancé en novembre 2015 un programme dédié aux leaders africains. Le consortium constitué par Sciences Po, l’ISM de Dakar, une école de management de l’UCT (Université du Cap) et le CEFEB (Centre d’études de l’Agence française de développement/AFD) propose une formation innovante, avec des sessions d’une semaine en Afrique du Sud, à Dakar et Paris, des cours en e-learning et business game, sur trois thématiques : business, leadership et enjeux sociétaux.

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