La région flamande développe des projets de recherche et développement dans la chimie, les biotechnologies, les biocarburants, la biopharmacie… Revue de détail.
Chimie : la révolution du projet global Fisch
Alors que le port d’Anvers est un des premiers centres pétrochimiques d’Europe, l’initiative Fisch (Flanders Innovation Hub for Sustainable Chemistry) vise à accélérer la transition vers la chimie durable et attirer ainsi la R&D et la production étrangères.
La plateforme Fisch est née officiellement le 1er mars 2012 à Bruxelles. Parmi ses initiateurs figurent la Fédération belge de l’industrie chimique et des sciences de la vie (Essenscia) et l’Institut flamand pour la recherche technologique (Vito), qui s’est doté d’une cellule dédiée à la chimie durable.
« La chimie durable, ce n’est pas seulement des produits verts ou recyclables, insiste Carl van der Auwera, conseiller en Innovation à Essenscia. C’est un concept global, qui se décline en termes d’utilisation des ressources naturelles, d’efficacité, de rentabilité, d’enseignement et de formation. » « Les entreprises flamandes n’ont, certes, pas attendu Fisch pour se lancer dans la chimie durable, mais ce projet collaboratif, ouvert à tous les acteurs de la chimie en Flandre, va accélérer la transformation de l’industrie chimique en créant un réseau global et en favorisant la constitution de consortiums autour de projets précis », renchérit Frank Beckx, directeur de la communication d’Essenscia.
Parmi les projets qui devraient être lancés rapidement figurent, d’une part, la fondation d’une organisation indépendante sans but lucratif, visant à trouver et valoriser des synergies dans la récupération de la chaleur, la logistique ou les échanges de personnel, d’autre part, la construction d’un démonstrateur industriel de micro-algues, qui peuvent être utilisées dans les sciences de la vie ou l’alimentation humaine et animale.
Le port d’Anvers est le premier centre pétrochimique d’Europe. « Les Européens ou les Américains sont déjà très présents, les Chinois ou les Japonais beaucoup moins », constate Igor Magdalenic, économiste en chef d’Essenscia. Selon lui, « la Flandre ne pourra pas réussir la révolution du développement durable en attirant seulement des centres de R & D. Elle doit aussi innover dans la production ». Mais pour lutter contre la concurrence des pays tiers, assure-t-il, la seule solution, c’est « de constituer des plateformes à haute valeur ajoutée, avec des spécialisations ».
F. P.
Vito coopère avec les agences et les entreprises
L’Institut flamand pour la recherche technologique (Vito) a commencé à opérer dans la dépollution des sols et de l’eau avant de s’orienter vers la construction ou la chimie verte. Il a ainsi coopéré avec l’agence des déchets Ovam ou encore l’agence de l’eau Vlakwa et la Province de Flandre occidentale.
Vito s’efforce aussi de travailler avec l’industrie. Certaines réalisations sont exemplaires, comme les bus hybrides du fabricant Van Hool, munis de superconducteurs permettant de libérer rapidement et de stocker une grande quantité d’énergie, ou encore le camion-poubelle de la société Veolia Environnement, équipé d’un groupe propulseur hybride de série capable de récupérer et de stocker l’énergie libérée par les camions. Enfin, Vito a engagé un partenariat avec l’Institut des ressources et de l’énergie (Teri) à Delhi. Le projet Élimination de la pauvreté par l’intégration de nouvelles technologies durables (Instep) vise à développer l’utilisation de technologies innovantes dans les campagnes indiennes. « En Flandre, 95 % de l’eau est globalement propre. En Inde, dans la même proportion, l’eau est globalement sale », explique au Moci Dirk Fransaer, directeur général de l’institut flamand Vito, qui a aussi conclu un partenariat avec le cabinet Antipollution, à Pékin, pour réaliser des études de qualité de l’air et de l’eau en Chine.
F. P.
Biotechnologies : Gand devient un centre de recherche et de production
Les initiatives fourmillent à Gand, le chef-lieu de la Flandre orientale : constitution d’un cluster, création d’une usine pilote de bioproduits dans le port…
« Nous étions en avance, nous sommes toujours en avance », a coutume de répéter Wim Soetaert. Ce professeur de l’université de Gand, charismatique et passionné, est considéré comme un maître dans les biotechnologies. En avance ? Peut-être un peu trop… Retour en arrière.
En 2005, il fonde Ghent Bio-Energy Valley (GEBV), une association soutenue par l’université, le port, la municipalité de Gand et la province de Flandre orientale, à laquelle adhèrent dans la foulée des entreprises opérant dans la génération, la distribution, le stockage, l’utilisation de produits de bioénergie. Y figurent notamment Oleon Biodiesel, filiale du français Sofiproteol, et toute une série d’entreprises installées dans la même zone du port de Gand (Electrabel, Bioro…). Un phénomène de « clusterisation » dont va profiter Wim Soetaert pour inciter Electrabel, l’électricien national, à investir sur place 200 millions d’euros dans une centrale électrique à base de biomasse.
Le fondateur de GBEV a aussi créé une unité pilote, couplée à un centre de formation de pointe à Terneuzen (Pays-Bas), pour convertir les déchets agricoles (paille de blé, rafles de maïs, copeaux de bois, huiles de jatropha et d’algues) en biocarburants ou bioplastiques. C’est le projet Bio Base Europe (BBE), porté en 2007 par GBEV et le bioparc de Terneuzen, dans le cadre d’un projet européen Interreg. L’Union européenne, les Pays-Bas et la Région flamande ont versé 21 millions d’euros pour la mise en place des installations. Wim Soetaert choisit de soutenir les projets de seconde génération réalisés par l’industrie. Un pari osé surtout en période de crise. Les clients sont difficiles à convaincre.
Le professeur souhaiterait recevoir l’appui financier de la Région flamande, mais celle-ci considère qu’il s’agit d’une initiative privée. L’unité pilote est, de fait, gérée par la société Bio Base Europe, dont Wim Soetaert est le P-dg.
La région préfère renforcer son investissement dans les grands centres de recherche, comme VIB (biotechnologies), qui font la notoriété internationale de la Flandre (voir encadré page précédente). Gand accueille enfin un réseau d’entreprises, Flanders Bio.
F. P.
Flanders Bio et VIB soutiennent les entreprises
Le 24 mai prochain, l’association Flanders Bio organisera la 8e édition de Knowledge for growth, la plus grande convention sur les sciences de la vie dans une région d’Europe. Quelque 1 000 participants y représenteront 300 entreprises et organisations. Situé à Gand, Flanders Bio compte 240 membres. « Cette association a été créée à notre initiative et à celle de quelques entreprises en 2004 », rapporte Jo Bury, le directeur général de l’Institut flamand de biotechnologie (VIB), un centre basé à Gand, qui opère avec 1 300 chercheurs localisés dans les universités de Gand, de Louvain -KUL, de Bruxelles et d’Anvers. VIB dispose de 72 groupes de recherche. « La sélection est stricte, ne cache pas Jo Bury, chaque groupe faisant l’objet d’un audit tous les cinq ans. » Bien que spécialisé dans la recherche fondamentale, VIB est actif aussi en matière de transfert de technologie. Deux fonds ont été constitués pour l’amorçage et le développement de technologies dans les entreprises. Plusieurs spin-off (entreprises nouvelles) ont pu ainsi émerger, à l’instar d’Ablynx (anticorps d’animaux) et Devgen (cultures vivrières), aujourd’hui cotés à Euronext, et CropDesign (amélioration du rendement des céréales) qui a été racheté par le géant BASF. VIB a aussi attiré des entreprises en Flandre, comme le suisse Biocartis (diagnostics).
F. P.
Biocarburants : Bioro et Syral profitent de l’éco-système
Avec la décision de l’Union européenne de développer les énergies renouvelables, des sociétés comme Bioro et Syral, filiales de Cargill et Tereos, ont pu se lancer dans la fabrication de biocarburants. Leurs usines en Flandre profitent de l’éco-système.
En 2008, l’américain Cargill, géant de l’agroalimentaire, et le français Tereos, deuxième sucrier européen, se sont engagés dans les biocarburants en Belgique, le premier dans le biodiesel avec sa filiale Bioro à Gand, le second avec sa filiale Syral à Alost (entre Gand et Bruxelles). Un engagement qui est lié à la décision en 2005 de l’Union européenne d’imposer un taux d’incorporation de 10 % de biocarburants dans les transports dans chaque État membre en 2020.
« Comme ce taux en Belgique est encore assez bas (4 % ; en France, 7 %), Bioro a anticipé une hausse à venir de ce niveau, en portant sa capacité de production en 2011 à 300 000 tonnes. Nous avons ainsi injecté 5 millions d’euros, un montant qui s’ajoute à l’investissement de départ de 30 millions », précise César Porroche, directeur général de Bioro. Syral, qui a investi 25 millions au départ, produit, pour sa part, 1 500 hectolitres de bioéthanol par jour.
Si les deux spécialistes des biocarburants vendent essentiellement en Belgique, ils exportent aussi en Europe. « Pour nous, l’export est une obligation, en raison du taux d’incorporation des biocarburants encore assez faible en Belgique », expose Ortwin Callewaert, directeur général de Syral Belgium (400 employés). C’est pourquoi, dans l’immédiat, la filiale de Tereos cherche plutôt à valoriser d’autres dérivés de l’amidon, comme les sirops de sucre (fructose…) et les protéines (gluten…). En se lançant dans la chimie verte, Syral souhaite ainsi offrir des alternatives aux produits industriels traditionnels, comme les colles, parfois nocifs pour la santé.
F. P.
Biopharmacie : Genzyme investit fortement à Geel
Filiale depuis avril 2011 du groupe français Sanofi, le spécialiste des maladies rares et de la sclérose en plaques Genzyme possède à Geel, entre Anvers et Hasselt, une usine biopharmaceutique.
« Ici, à Geel, nous produisons du Myozyme, un médicament constitué à partir d’une enzyme recombinante, appelée alpha-1, 4-glucosidase acide (GAA), qui permet de traiter la maladie de Pompe, qui est une maladie génétique musculaire liée au mauvais fonctionnement de cette enzyme GAA », explique Luc Kupers, directeur science et communication de Genzyme à Geel (530 employés, dont 55 en charge du développement).
« Nous produisons l’enzyme GAA à partir de cellules de mammifères », complète Luc Kupers. « Le processus, relate-t-il encore, qui va de la culture cellulaire au produit final en passant par la purification, est particulièrement complexe et de longue durée. » Au total, quelque 350 millions d’euros ont déjà été investis et, en 2015, un nouvel effort financier, d’environ 250 millions, devrait être approuvé.
En portant alors de trois à cinq le nombre de ses bioréacteurs, l’unité flamande doublerait quasiment sa production, et embaucherait 150 nouveaux salariés. « Pour la formation de son personnel, Genzyme va recevoir du gouvernement régional deux subventions d’un montant de 2 millions d’euros chacune », se félicite Luc Kupers.
F. P.