Pays riche, organisateur du Mondial de football en 2022, le Qatar offre toute une palette d’opportunités, tant dans le sport que dans le luxe, les infrastructures, l’hôtellerie et le tourisme, l’eau et l’environnement. Les PME françaises doivent saisir leur chance.
Eau et environnement : le défi du stress hydrique et l’enjeu des énergies renouvelables
Le Qatar prend peu à peu conscience de l’importance de préserver son environnement. Déjà inquiet quant à son approvisionnement en eau et en denrées alimentaires, l’émirat est aussi plus soucieux de l’impact des activités industrielles.
Le stress hydrique est le plus grand défi. Le Qatar ne dispose aujourd’hui que 2 à 3 jours de réserves d’eau potable en cas d’interruption de la production. Il est, en outre, incapable à l’heure actuelle de subvenir aux besoins en eau des 500 000 visiteurs attendus de la Coupe du Monde de football sur une aussi courte période. C’est pourquoi l’entreprise publique Kahramaa, qui détient le monopole de la distribution de l’eau et l’électricité́, a lancé un projet de 5 mégas réservoirs de stockage (pour un coût de 2,5 milliards de dollars) pour porter cette durée à 7 jours. On réfléchit également à la recharge artificielle des nappes phréatiques.
Pour réduire sa dépendance économique aux hydrocarbures, le Qatar veut aussi développer les énergies renouvelables, en couplant, par exemple, la production d’eau des unités de dessalement (très énergivores), avec des centrales solaires (1 800 MW).
Quelque 99 % de l’eau potable du Qatar viennent actuellement du dessalement (plus de 1,1 m3/j d’eau) via 7 unités combinées à des centrales électriques.
Les entreprises françaises sont présentes dans le secteur à̀ travers Degrémont, qui exploite 3 stations de traitement, et Veolia, qui exploite la 2e des trois usines de traitement des eaux de la capitale. Quelques projets pharaoniques sont dans les cartons, notamment la construction et l’exploitation d’une nouvelle station de traitement des eaux au Nord de Doha et surtout la construction d’un énorme projet de collecte et traitement des eaux usées, Idris (500 000 m3/j, à̀ terme 1,2 million m3/j), avec un réseau de distribution de l’eau traitée pour l’agriculture et l’industrie (coût : 2,7 milliards).
Enfin, avec l’augmentation de la population et des projets, le volume de déchets progresse annuellement de 10 à̀ 15 %, ce qui devrait également se traduire par des projets de recyclage.
Hôtellerie : des besoins immenses dans les hôtels 2 et 3 étoiles
Le Qatar cherchant à diversifier son économie, il s’est fixé comme objectif annuel d’accueillir 7 millions de touristes à terme, alors qu’il n’en reçoit à l’heure actuelle qu’un million. Doha prévoit déjà un afflux massif de visiteurs pendant la Coupe du Monde en 2022, ce qui va l’obliger à créer en un temps record de nombreuses infrastructures.
En l’occurrence, le déficit en hôtels est gigantesque. Les besoins sont ainsi estimés à 60 000 chambres, alors que leur nombre atteint juste 19 000 à ce jour. Obsédés par le luxe, les Qatariens se sont concentrés sur les établissements 5 étoiles, négligeant les besoins du marché en 3 voire 2 étoiles. À avril 2014, 15 000 chambres étaient classées 3 étoiles ou plus (52 % cinq étoiles, 33 % quatre étoiles et 15 % trois étoiles). Une proportion habituellement inversée ailleurs. Les 5 étoiles devraient même progresser très vite à 53 %, avec un total de 39 hôtels sur 114. Autant d’opportunités pour les grandes marques de la restauration française…
Malgré l’arrivée régulière de nouvelles structures, le taux d’occupation est resté constant et honorable, à près de 72 % en moyenne sur un an. Les investissements publics et privés nécessaires dans les infrastructures hôtelières et touristiques (comme la réhabilitation des plages) sont estimés à près de 45 milliards de dollars.
Mais le plus gros défi pour les nouveaux arrivants sera de gérer l’après Coupe du monde et de trouver de nouveaux moteurs. Le Qatar mise sur le tourisme culturel, qui a commencé avec la construction de musées et du dynamique quartier culturel de Katara, le tourisme sportif et le tourisme d’affaires, avec l’organisation de conférences internationales et d’événements sportifs.
Des efforts qui pourront s’appuyer sur la stratégie de hub aérien du Qatar, avec son nouvel aéroport flambant neuf dont la capacité doit doubler à terme à 50 millions de passagers, et la croissance en flèche du fleuron national Qatar Airways. Des objectifs ambitieux, qui restent à concrétiser.
Infrastructures : la Coupe est pleine de projets
Pour la Coupe du Monde de football 2022, Doha, outre les stades de football et les villes sportives, a prévu d’engager plus de 200 milliards de dollars dans des projets pharaoniques d’infrastructures et de constructions étalés sur dix ans.
Quatre ans après l’obtention de cet événement mondial, force est de constater que les premiers appels d’offres, liés directement ou indirectement au Mondial, viennent seulement d’aboutir.
Les affaires les plus juteuses ont ainsi concerné les infrastructures de transport : 900 km d’autoroutes (4,4 milliards) et surtout un réseau de métro ultramoderne de 354 km et 37 stations à Doha (près de 40 milliards). Le Qatar se rêve en hub régional, ne craignant pas ainsi de reproduire des ouvrages comparables aux infrastructures déjà éprouvées et intégrées de Dubai : plus de 15,5 milliards ont ainsi été injectés dans le tout nouvel aéroport Hamad International, dont la capacité actuelle de 25 millions de passagers devrait doubler d’ici 2018. Un développement qui va surtout profiter à Qatar Airways, dont la flotte devrait passer à 170 avions dans quelques années.
Un nouveau port de conteneurs est également en construction (7,4 milliards de dollars), avec une capacité initiale de 2 millions d’EVP (équivalent vingt pieds) en 2016, qui passera à 6 millions en 2020. À cela s’ajoutent les grands chantiers immobiliers destinés à accueillir à terme une population de cols blancs. À 15 km au nord de Doha, juste au-dessus de Pearl, se situe l’ambitieux chantier de Lusail : une ville nouvelle ultra moderne en bord de mer, dotée d’un système de tramway (ou métro léger) relié au centre de ville, pourra accueillir 200 000 résidents. C’est Lusail qui accueillera le stade de la cérémonie et du match d’ouverture de la Coupe du Monde de football. Le site accueille un circuit de Formule 1.
« Lors de ma première visite en 2007, lorsqu’on parlait de Lusail personne n’y croyait. On ne voyait que le désert et quelques excavations et on se demandait si un tramway était vraiment nécessaire », se souvient Sylvain Hijazi, le président régional d’Alstom, chargé avec QDVC de construire le tramway pour 2 milliards d’euros. « Mais ce qui est remarquable, c’est qu’au lieu de construire des tours et de réaliser les travaux d’infrastructures après, ils ont pris les choses dans l’autre sens afin de valoriser et développer la ville. Maintenant c’est devenu une réalité ».
Le tramway devrait être terminé en 2017 et relié au métro de Doha par une station commune aux deux systèmes. « C’est un projet phare pour nous parce qu’après avoir réalisé le tramway de Dubai, ce sera notre 2e projet de tramway système dans la région. Ce projet est aussi important pour Alstom que pour les habitants de la ville, car il s’agit cette fois de quatre lignes », ajoute Gian Luca Erbacci Senior vice-président Moyen-Orient/Afrique d’Alstom Transport.
Le coût total des infrastructures de base est estimé à 45 milliards de dollars, avec la construction de 22 hôtels, de marinas, deux golfs, un parc d’attractions, des îles artificielles et des villas. Autre grand chantier en cours : le nouveau quartier de Musheireb, centre historique de Doha, complètement revisité (5,5 milliards).
Si le gros des appels d’offres a été attribué, les constructeurs retiennent encore leur souffle pour le méga projet de réservoirs d’eau potable (3 milliards), le projet d’assainissement de l’eau IDRIS, et surtout l’époustouflant Sharq Crossing (5 milliards), qui doit relier Lusail à l’aéroport au sud de Doha par la mer via trois ponts et deux tunnels immergés.
Luxe : les Qatariens, premiers acheteurs du Moyen-Orient
Le Qatar possède la plus forte concentration au monde de millionnaires en dollars (14 % des foyers). Et pour ces familles aisées, se promener dans les galeries commerciales climatisées constitue un des passe-temps favoris.
Le Qatar a connu son premier shopping mall il y a 10 ans. Ce qui explique que certains paradis du luxe, comme la galerie marchande Blue salon ou The Gate Mall dans le quartier d’affaires de West Bay, soient devenus des cibles privilégiées de grandes marques mondiales.
Selon un rapport du Kuwait Finance House Research, les dépenses de produits de luxe au Moyen-Orient se sont élevées à 8,17 milliards de dollars, les Qatariens se révélant les plus gros acheteurs. Les grandes marques de la mode, notamment dans le quartier chic de Pearl (Hermes, Armani, Yves Saint-Laurent), sont très appréciées. C’est le cas dans la parfumerie, deuxième poste d’exportation de la France au Qatar (4,4 % avec 32,7 millions de dollars en 2013), derrière l’aéronautique (39 %). « Le Qatar est une terre d’opportunités notamment pour le luxe Made in France », explique Olivier de la Tournelle, Sales area manager de Sothys, spécialisé dans les produits de beauté haut de gamme professionnels. Dans sa ligne de mire : l’arrivée de dizaines de nouveaux hôtels de luxe d’ici à 2022, avec spas et boutiques raffinées.
« Toutes les marques sont présentes ici, mais les Qatariens ont un constant besoin de nouveautés », poursuit-il. « Les femmes et les hommes portent le vêtement traditionnel. Ce qui va les distinguer, ce sont donc les accessoires, comme le sac à main, les chaussures, les lunettes de soleil, le maquillage des yeux, le stylo que l’on glisse dans sa poche. »
Certaines marques ont adapté leurs produits au marché. Dans une société qui aime le « bling bling », l’ouverture et la fermeture des briquets de luxe, par exemple, doit être sonore. C’est ce qu’a compris S.T Dupont qui a travaillé sur cet aspect.
Le marché masculin a grimpé en flèche depuis cinq ans, comme l’explique Patrice Nicolet, coiffeur français au Qatar depuis plus de 30 ans. En sus de ses deux salons de coiffures, il vient d’ouvrir un salon de luxe pour hommes à The Gate Mall : « Les Qatariens sont demandeurs de soins de la peau, de massages, d’épilations, même, mais dans des cabines privatives à l’abri des regards, car ce sont des gens timides sur ce plan et tout le monde se connaît, ici ». Les Qatariens suivent l’évolution de la mode comme les cours de la bourse, selon lui : « Les footballeurs comme David Beckam, par exemple, sont des modèles d’inspiration inépuisables pour les jeunes. »
Le pays, enfin, a développé son propre groupe Qatar Luxury Group (QLG), avec sa propre marque Qela en 2013 (maroquinerie, bijoux, prêt-à-porter, chaussures, lunettes de soleil). En 2011, QLG a racheté le français Le Tanneur et ouvert fin 2012 plusieurs restaurants chics à Doha.
Sport : une course vers la reconnaissance mondiale
S’il est un secteur dans lequel le Qatar s’est créé une identité propre, c’est bien le sport. La Coupe du Monde de Football 2022 n’est que la partie émergée de l’iceberg, puisque, depuis plusieurs années déjà, le pays a développé une stratégie globale, économique et sportive, ouvrant des fenêtres d’opportunités aux entreprises étrangères, notamment dans les services.
C’est cette stratégie qui a amené le Qatar à investir dans le club de football Paris Saint-Germain. De même, elle l’a conduit en 2005 à la création d’un quartier du sport ultra moderne appelé Aspire Zone, qui comprend des stades et surtout l’académie sportive Aspire, école d’éducation physique destinée à former des sportifs de haut niveau, notamment dans le football. S’y trouve également un centre de médecine sportive de haut niveau, Aspitar, où viennent déjà se faire soigner les sportifs du monde entier. La clinique compte des médecins français renommés. La ville enfin héberge également un Centre international anti-dopage (World Anti-Doping Agency WADA).
L’organisation d’événements sportifs est un autre volet de cette stratégie : outre la Coupe du Monde de football 2022, de nombreux autres rendez-vous sont à l’affiche. « L’ambition du Qatar est de créer chaque semaine un événement sportif international », explique un diplomate. De fait, 43 événements de classe internationale par an se tiennent déjà dans le pays. Parmi les plus prestigieux : la Coupe d’Asie des Nations 2011, les Jeux Arabes 2011, et bientôt, en 2015, le Championnat du Monde de Handball, sans oublier le cyclisme, la boxe, la gymnastique en 2018. Le pays concourt actuellement pour l’obtention des Mondiaux d’Athlétisme en 2019 et des Jeux Olympiques d’été en 2024.
Autre élément stratégique, la chaîne de télévision sportive Al Djazeera sport, créée en France et devenue en janvier dernier « BeIn Sports ». Elle a réussi à capter les droits de diffusion de la dernière Coupe du Monde de football – que se partageaient en France TF1 et Canal plus – se faisant connaître dans le monde entier.
Enfin, une conférence mondiale du sport, Doha Goals, se tient chaque année depuis trois ans à Doha et rassemble gouvernements, experts, anciens athlètes de haut niveau
et des groupes privés. Organisée par Richard Attias, la 3e édition se déroulera cette année du 3 au 5 novembre.
Nathalie Gillet