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Guide business Qatar 2014

Dopé par ses immenses ressources gazières et pétrolières, le Qatar va bénéficier d’un nouveau coup de fouet avant la tenue de la Coupe du Monde de football en 2022. Un défi majeur l’attend : attirer plus de compétences et développer la formation.

 

A trois kilomètres au nord du centre historique de Doha, le nouveau quartier d’affaires de West Bay et sa forêt de tours tranche avec les bateaux traditionnels amarrés sur la baie de la capitale. En 2009, la plupart de ces bâtiments étaient inexistants ou en cours de construction. Une transformation du paysage qui illustre les bouleversements économiques et sociaux que le pays a connu en un temps record.

Il y a 15 ans à peine, le Qatar était encore un pays pauvre, fortement endetté en raison d’investissements colossaux injectés dans la filière gaz naturel liquéfié (GNL) à Ras Laffan au nord du pays. Des investissements dont il ne tire les bénéfices que depuis 2005.

Grâce à l’exploitation du champ gazier North Field (qu’il partage avec l’Iran), la croissance du pays a augmenté de 15 % par an jusqu’en 2011. Avec une capacité de 77 millions de tonnes par an (32 % de la production mondiale), le Qatar est aujourd’hui le premier exportateur et producteur de GNL du monde. Il détient les troisièmes réserves mondiales de gaz derrière l’Iran et la Russie (17,6 %).

Le produit intérieur brut (PIB) a doublé en quatre ans, passant à plus de 200 milliards de dollars en 2013. Le Qatar est devenu le pays le plus riche au monde, avec un PIB par habitant de 110 000 dollars en 2010, et selon une étude du Boston Consulting Group, plus de 14 % des foyers seraient millionnaires en dollars !

Ainsi, des gens qui vivaient sans climatisation par 50 degrés il y a 10 ans, ont accédé à une richesse individuelle qui défie l’entendement. Dans le secteur public, un diplômé débutant perçoit 7 000 euros par mois, auxquels s’ajoutent de nombreuses subventions étatiques tout au long de sa vie. Des salaires qui ont augmenté de 60 % au moment des révoltes arabes.

Selon les chiffres de Qatar National Bank, le pays a engrangé un excédent commercial de 33,2 milliards et les réserves de la banque centrale ont atteint fin juillet le record de 43 milliards, contre 35 milliards à fin juillet 2013. L’économie du Qatar repose encore essentiellement sur l’exploitation des hydrocarbures (58 % du PIB, 92 % des exportations et 60 % des recettes budgétaires). Mais quelque 60 % du PIB sont épargnés, via notamment le fond souverain QIA. Ces ressources, les dirigeants ont décidé de les mettre au service de la diversification de l’économie et du développement de grands projets d’infrastructures. C’est en 2010, avec l’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde de football 2022 que de nouveaux investissements ont été annoncés. Infrastructures ferroviaires (métro de Doha, tramway, train cargo), nouveau port commercial, nouvel aéroport, nouvelle ville de Lusail au nord de Doha, nouveau système d’assainissement, nouveau réseau autoroutier, tout doit être prêt d’ici huit ans, pour accueillir le flot de visiteurs en 2022. Le montant des projets annoncés entre 2013 et 2030 devrait avoisiner les 200 milliards de dollars. Et ils arrivent tous en même temps !

Le pays que Cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani a laissé à son fils Cheikh Tamim – en faveur duquel il a abdiqué l’an dernier – a donc de quoi se réjouir et pour longtemps. Et pourtant, malgré la dynamique impressionnante, ce territoire plus petit que la Corse, dirigé depuis la fin du XIXe siècle par la famille Al Thani, est au cœur de plusieurs polémiques internationales qui noircissent le tableau depuis un an. Des accusations sérieuses de corruption ont mis récemment en doute la probité dans l’attribution de la Coupe du monde, tandis que plusieurs représentants de la FIFA ont exprimé des doutes sur la pertinence d’un tel événement dans l’émirat. À Doha, l’ensemble de la communauté d’affaires fait comme si de rien n’était. L’annulation est impensable tant les enjeux financiers sont énormes. Seul scénario envisagé : le report de l’événement en hiver. Une autre polémique largement médiatisée : le mauvais traitement des travailleurs venus réaliser ces projets ambitieux et le système rétrograde de sponsoring qui laisse tout expatrié potentiellement à la merci de son sponsor qatarien. En mai dernier, le gouvernement a promis une réforme du système sans apporter plus de détails.

C’est enfin la politique étrangère du Qatar qui aura soulevé l’exaspération cette fois de ses voisins. Le soutien stratégique aux Frères musulmans, visant à se démarquer de la tutelle spirituelle de l’Arabie saoudite tout en plaçant des pions sur ce qui devait constituer la nouvelle force du monde arabe post-révolutions, a conduit le pays à l’isolement diplomatique le plus grave de son histoire.

Depuis, le nouvel émir a tenté de calmer le jeu en expulsant les dirigeants de l’organisation mal aimée. La menace immédiate des djihadistes islamistes en Irak a mis entre parenthèses les différences le temps de combattre l’ennemi commun. Mais le pays n’en échappe pas moins à la défiance, beaucoup lui reprochant d’avoir financé dans le passé des groupes armés syriens qui ont depuis formé celui que tous combattent aujourd’hui. Sur le plan diplomatique, le nouvel émir semble jouer désormais profil bas, au profit d’un recentrage sur les questions domestiques. Une nouvelle chaîne de télévision serait en cours de création pour concurrencer depuis Londres, la désormais controversée Al Djazeera. Le style se veut aussi plus en phase avec le conservatisme de la société : suppression de l’alcool dans le nouveau quartier de Pearl – qui a d’ailleurs fait fuir les restaurateurs et résidents étrangers, donnant aujourd’hui un air de ville fantôme.

Conservatisme et moralisation de la vie publique : le nouveau premier ministre Abdullah bin Nasser bin Khalifa Al Thani est regardé comme l’antithèse du richissime Hamad bin Jassem (HBJ), et s’est entouré d’une équipe de jeunes moins flamboyants. Idem pour le ministre des Finances, banquier plus traditionnel qui a remplacé le fortuné Yousef Ramel. Le Qatar doit relever plusieurs défis, notamment celui de la démographie. En 10 ans la population a été multipliée par trois pour dépasser cette année les 2 millions d’habitants, essentiellement étrangers. Les Qatariens constituent à peine 250 000 habitants. Quid de l’après Coupe du Monde 2022 ?

Il faut s’attendre à une baisse drastique de la population. Pour remplir les tours et faire vivre ces nouvelles infrastructures de transport, de sport, de santé, d’éducation, de finance, le Qatar doit passer d’une société de cols bleus à une société de cols blancs capables de les gérer. Or l’émirat, qui s’est doté d’un système de sponsors, peine à attirer les compétences. L’aisance matérielle a, en outre, des effets pervers sur la population qatarienne avec une génération peu motivée par le travail et l’éducation. L’ambition de l’émirat est de passer d’une économie de rente à une économie de la connaissance (éducation, recherche, médias, culture) et du sport. Le chemin sera long.

Nathalie Gillet, envoyée spéciale au Qatar

 

Les grands projets de stades et les hydrocarbures

Le Qatar peut compter sur ses immenses ressources gazières et pétrolières pour financer la Coupe du monde de football en 2022. D’après le Service économique (SE) à Doha, neuf stades devaient être construits (Al-Wakrah Stadium, Lusail Iconic Stadium, Education City Stadium, Qatar University Stadium, Al-Khor Stadium, Al-Shamal Stadium, New Sports City Stadium (NDIA), Doha Port Stadium, Umm Salal Stadium) et trois agrandis et modernisés (Al-Rayyan Stadium, Khalifa International Stadium, Al-Gharafa Stadium). En ce qui concerne la réalisation de nouveaux ouvrages, seuls les cinq premiers sont confirmés, alors que les deux derniers projets seraient « probablement abandonnés ». S’agissant des stades existants, les deux premières opérations ont été confirmées. « Le Qatar a annoncé que le nombre de stades serait réduit (a priori de 12 à 8). La demande officielle auprès de la FIFA sera déposée en décembre 2014 et la réponse sera donnée en mars 2015 », précise le SE.

Pour voir la carte sur les grands projets de stades et les hydrocarbures cliquez ici

 

 

Les chiffres clés
Superficie : 11 437 km2
Population (2013) (1) : 2 millions
Taux de croissance du PIB réel (1) : 2013 : 6,1 % (e) ; 2014 : 5,8 % (e)
Revenu national/hab. en parité de pouvoir d’achat (USD, 2012) (2) :
N.C (2011, 133 340)
Échanges de marchandises (2012, Mds USD, évolution sur 2011) (3) :
export : 132,968 (+ 16 %) ; import : 34,2 (+ 14 %)
(Exportations françaises 2013 : 0,736 Md EUR, – 4,9 % )
Environnement des affaires : Classement « Doing Business 2014 » (2) : 48/189.
Indice de perception de la corruption (4) : 28/177

Sources : (1) FMI. (2) Banque mondiale. (3) OMC et GTIS-Global Trade Atlas pour les exportations françaises. (4) Transparency international.

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