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Entreprises : comment ils réussissent dans le pays

C’est en suivant les évolutions, voire en les anticipant, que certaines PME ou ETI françaises s’avancent avec confiance pour conquérir des positions en Pologne. Reste qu’il faut comprendre la mentalité du consommateur et de l’homme d’affaires polonais, qui ne ressemble pas au comportement du Français.


« Les entreprises françaises pensent souvent que si elles vendent en Allemagne et en Italie c’est bon. Or, il faut s’adapter aux prix pratiqués en Pologne, aux emballages, aux goûts particuliers ou encore à la mentalité des hommes d’affaires locaux », assène Monika Constant, directeur général de la Chambre de Commerce et d’Industrie française en Pologne (CCIFP). Non seulement les prix doivent être adaptés aux revenus des Polonais, mais « les distributeurs polonais disposant déjà d’une gamme d’articles ne seront pas prêts à s’intéresser à une nouvelle offre si la société française ne fait pas l’effort de proposer une gamme de prix », explique la dirigeante de la CCIFP.

« Le professionnel polonais est très anglo-saxon », affirme encore Nadia Bouacid, directrice de l’Appui aux entreprises à la CCIFP. « Il est très rationnel et peut se montrer abrupt au départ », renchérit Monika Constant, selon laquelle « en Pologne, on parle business avant de faire la fête ». Mais si le Polonais est « très direct et ne mélange pas au départ agrément et business », en revanche, « dès que la confiance est établie, il « se montre naturellement ouvert et accueillant ».

Toutefois, avant de prospecter, il faut analyser son marché. D’où la participation à des salons, comme Polagra (agroalimentaire), Poleco (énergie), Boudma (BTP) ou encore Wiatr i Woda (nautisme). Et présenter une brochure en polonais. « Il faut même préparer ce document dans la langue locale avant de prospecter pour montrer son intérêt réel pour ce marché », conseille Nadia Bouacid. 
Ensuite, quand deux commerciaux, français et polonais, se rencontrent, ils parlent naturellement anglais, la langue des affaires. Mais dès que la conversation devient plus technique, il convient de recourir à un traducteur bilingue. 

Enfin connaître les canaux de distribution et les habitudes des consommateurs est indispensable. Par exemple, les Polonais sont habitués à effectuer ses courses régulièrement. Du coup, ils achètent des yaourts pot par pot et non pas par pack de six. L’emballage doit donc être adapté. De même, le goût encore peut être différent. De façon générale, les produits sucrés, qu’ils soient solides ou liquides à l’instar d’un vin allemand, sont les plus appréciés. 
Une bonne nouvelle en conclusion, les professionnels polonais cherchant à nouer des partenariats sont plus nombreux. Et Nadia Bouacid de citer le cas d’un producteur pharmaceutique désirant exporter son offre dans l’Hexagone. Ce fabricant local serait prêt également à distribuer dans son pays des produits qui ne figurent pas à son catalogue mais auxquels il croit, en l’occurrence des gouttes pour les yeux et les oreilles.


BTG : la cible des pharmacies avec Urgo

Filiale à 100 % de BTG (VivaSanté), Bio-Profil est chargé de commercialiser en Pologne les marques du holding de la famille Le Lous : Mercurochrome (antiseptiques et pansements) et Juvamine (compléments alimentaires pour le bien-être et la beauté) pour les produits de mass market, c’est-à-dire destinés à la grande distribution ; et Urgo (pansement et produits de premiers soins), une marque présentée dans les pharmacies. 
« Traditionnellement, le Polonais est habitué à l’automédication et à payer directement en pharmacie. Et comme le nombre de pharmacies ne cesse de croître, c’est la marque Urgo qui constitue aujourd’hui notre premier débouché », expose Joanna Jeziorska, directeur général de la filiale de BTG. Si Urgo est aujourd’hui distribué, Juvamine devrait bientôt suivre. Quant à Mercurochrome, marque traditionnelle en France, elle est inconnue au pays de Chopin et « son nom étant pour mes compatriotes difficile à prononcer, nous attendrons encore un peu pour la lancer sur le marché », précise la dirigeante polonaise. 

L’innovation est importante, car BTG en Pologne commercialise des produits premium, à des prix plus élevés que ses concurrents comme Avene ou La Roche-Posay. Son offre s’y adresse ainsi à une classe moyenne en croissance continue. Par rapport aux 420 euros du SMIC, un membre de la classe moyenne gagne près de cinq fois plus (2 000 euros) et vit surtout dans les grandes villes. Dans le cas d’une famille, les deux parents travaillent. Ce sont les femmes qui achètent, même pour les hommes. L’âge varie de 35 à 60 ans. 
Comme innovation, Urgo propose, par exemple, un filmogel, c’est-à-dire un pansement liquide qui, appliqué sur la peau, sèche les crevasses aux mains ou les boutons de fièvre très courants en hiver. En Pologne, la température peut descendre à – 20 degrés et la nuit tombe à 16 heures en novembre et décembre. Ce film protecteur est donc très utile pour les climats rudes. 

Pour autant, Bio-Profil doit aussi adapter sa stratégie au contexte local. Or, si la Pologne, contrairement à d’autres États européens, n’a pas connu de récession, l’emploi a quand même beaucoup souffert de la crise économique mondiale et les habitants, tant à Varsovie que sur le reste du territoire, sont devenus plus économes. Du coup, la concurrence étant rude, les promotions se sont multipliées. « Nous sommes évidemment, nous aussi, obligés de proposer des promotions, mais ce n’est pas le cœur de notre stratégie, insiste Joanna Jeziorska. Notre objectif, c’est d’introduire des innovations et de jouer la carte de la qualité. C’est pourquoi, explique-t-elle encore, Bio-Profil forme les pharmaciens et les médecins. L’entreprise informe aussi les consommateurs finaux via les réseaux sociaux, qui sont en pleine expansion en Pologne ».

Historiquement, Bio-Profil était une société de distribution polonaise, fondée par quelques actionnaires privés, dont Joanna Jeziorska qui en était la responsable principale, et un fonds de pension. Elle livrait des produits de dermo-cosmétique et de médecine esthétique à des chaînes de distribution et des grossistes dans de grandes villes « En 2012, BTG, qui travaillait encore avec des distributeurs, a voulu se renforcer sur le marché. Bio-Profil, de son côté, avait besoin d’un complément de marques et d’un groupe international pour se développer. Et comme le groupe français a accepté à l’époque de reprendre les 60 personnes de Bio-Profil, il a été assez facile de se comprendre », affirme la co-fondatrice francophone de la société de Varsovie. 

Bio-Profil conservant les marques (Uriage, SVR, Auriga) que la société distribuait déjà avant sa reprise par BTG, des synergies ont été réalisées. Joanna Jeziorska se montre particulièrement heureuse du soutien affiché par sa maison mère depuis 2012. En l’occurrence, pour aider sa filiale, VivaSanté vient de dépêcher sur place un directeur du Marketing pour toute la gamme. En décembre 2013, Bio-Profil a également racheté la marque locale de compléments alimentaires Polfa Lodz, proposant un bon rapport qualité-prix dans les pharmacies. « Cette marque est ancienne et bien connue des habitants du pays, ce qui va nous aider à vendre Urgo en pharmacie », se félicite le directeur général de Bio-Profil Polska. 

Or, en Pologne, les chaînes de pharmacies progressent au détriment des pharmacies indépendantes, représentant aujourd’hui la moitié du marché. Joanna Jeziorska est optimiste. « L’accès est plus facile, observe-t-elle, quand on est épaulé par un groupe international qui possède un savoir-faire, connaît la distribution et l’international et dispose d’un portefeuille diversifié de produits ». Bio-Profil est donc bien placé pour négocier son entrée dans le réseau des chaînes de pharmacies.


Coyote : un message de sécurité délivré aux Polonais

Depuis mars 2013, le français Coyote, spécialiste de l’assistance à la conduite communautaire, a introduit sa technologie en Pologne. Dans ce pays, comme en France il y a vingt ans, c’est la communication par CB (canaux de radio communication ouverts à tous) qui est couramment utilisée dans les véhicules de tourisme, par les conducteurs de camions, de bus et les professionnels qui sillonnent les routes. « Vous regarderez à la sortie de ce bâtiment la voiture de la police. Vous y verrez une ou plusieurs antennes à l’arrière. Même la police communique par CB », souligne, un peu amusé, Marek Krygier, le directeur général de Coyote System Polska, PME de 15 salariés installée à la sortie ouest de Varsovie. 

Dans tous les pays, Coyote offre, intégré au tableau de bord des véhicules ou sur un smartphone, un système d’avertissement de localisation des zones dangereuses par échange d’informations entre utilisateurs grâce à un réseau GSM. En Pologne, Coyote Polska a dû créer la communauté des utilisateurs et donc recruter, former des chauffeurs de taxis, des commerciaux dans les grandes villes puis dans le reste du pays. 
Ce n’est qu’en juin finalement que Coyotte a pu lancer son système d’alerte en temps réel permettant aux utilisateurs non seulement d’être renseignés sur la présence de radars mais aussi de recevoir des informations très diverses sur les travaux routiers, le trafic ou les dépassements de vitesse. Les cibles de Coyote Polska sont d’abord les 300 installateurs polonais de radios dans les voitures. « Chez nous, environ un million de véhicules d’occasion sont importés chaque année. Ils ne possèdent ni radio, ni système de navigation. Et à ce chiffre, il faut ajouter les 3 000 nouvelles automobiles en circulation », expose Marek Krygier. Autre cible potentielle, le millier de magasins et de revendeurs de smartphones et d’accessoires de téléphonie mobile. À ce jour, la filiale du groupe français revendique 100 points de vente, auxquels s’ajoutent les 15 centres automobiles en Pologne du leader français Norauto, avec lequel elle a conclu un accord commercial.

« Le principal avantage de notre système est la sécurité. Et tel était le message de notre première campagne de promotion en avril à la télévision, relate Marek Krygier. Nous avons expliqué au téléspectateur que sans Coyote il était un peu aveugle et qu’avec notre système il pouvait tout voir et tout faire avec une sécurité maximale ». Dans un des pays en Europe les plus touchés par les accidents routiers, la campagne a été répartie sur deux semaines.

Quelque 2 500 spots ont été diffusés sur un total de 55 chaînes TV, chaque message durant 30 secondes. 
Autre avantage mis en avant par la filiale de Coyote, le fait que le groupe compte déjà 2,5 millions d’utilisateurs dans huit pays européens. Un argument de vente qui n’est pas sans intérêt, dans un pays longtemps fermé et dont les infrastructures routières se développent aujourd’hui grâce aux fonds européens. « Les liens commerciaux sont intenses avec l’Allemagne et les Polonais commencent à voyager, notamment pour skier en Autriche et en Italie. En 2013, un conducteur polonais parcourait en moyenne 25 000 kilomètres. Il est prévu que ce chiffre croisse encore cette année pour atteindre la barre des 30 000 kilomètres », délivre le directeur général de Coyote Polska. 

Dernier atout, le Polonais, comme l’Allemand, aime sa voiture, les accessoires et les gadgets. Pour autant, Marek Krygier est conscient que pour réussir il faudra du temps, car « un changement de mentalité ne se décrète pas ». C’est un « long processus » et c’est pourquoi il s’est fixé trois ans pour imposer définitivement Coyote en Pologne.

François Pargny

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