Un pays d’Amérique latine en croissance et ouvert aux entreprises étrangères. Telles sont les principales caractéristiques du Pérou, désormais bien placé dans les classements internationaux. À condition de savoir s’adapter à un environnement des affaires qui reste difficile, malgré les progrès enregistrés.
La tenue à Lima, jusqu’au 12 décembre 2014, de la conférence internationale pour tenter de mettre en place des politiques communes de lutte contre le changement climatique (COP 20) donne une visibilité exceptionnelle à un pays d’Amérique latine plutôt discret jusqu’ici sur la scène internationale. En octobre 2015, la capitale péruvienne devrait accueillir également les assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.
Cette projection internationale intervient alors que le Pérou est en train de consolider sa position parmi les économies les plus dynamiques d’Amérique latine. Le FMI table sur une progression du produit intérieur brut (PIB) de 3,6 % cette année et de 5,1 % en 2015. Les organismes internationaux s’accordent pour estimer que le Pérou sera le pays le plus dynamique d’Amérique latine l’an prochain, après Panama.
Autre atout, et non des moindres, la stabilité financière. L’inflation est faible (3 %) et les finances publiques sont bien gérées. « Le système bancaire est solide », affirme William Pécriaux, chef du Service économique pour le Pérou et la Bolivie. Le niveau des réserves internationales (près de 65 milliards de dollars) couvre plus d’une année d’importations. Le risque de non-paiement de la dette extérieure est nul et le Pérou est classé en catégorie A4 par la Coface, c’est-à-dire parmi les « bons risques ».
De l’avis des experts, la dynamique de croissance devrait se poursuivre pendant les prochaines années. Pour autant, certains nuages viennent obscurcir le tableau. Le premier d’entre eux est la dépendance à l’égard des exportations de produits primaires. Le Pérou regorge de richesses naturelles (pêche, mines, hydro-électricité, hydrocarbures, etc.), mais la diversification a peu avancé. En 2013, les mines et les hydrocarbures ont concentré 70 % des exportations. « Les Péruviens sont très entrepreneurs, mais l’industrie est peu développée », note Erick Gillier, président de la section Pérou des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) et Associé du cabinet Mazars. Autre handicap : la déficience des infrastructures, qui crée de véritables goulots d’étranglement dans une situation de retour de la croissance économique. « Il y a un gros retard en matière de transports urbains que le gouvernement tente maintenant de rattraper », mentionne un consultant local. Il n’y a, par exemple, que trois voies d’accès à Lima.
Un autre handicap souligné par les responsables d’entreprises françaises installées au Pérou concerne le système éducatif et universitaire. « Le Pérou a du mal à former le personnel dont l’économie a besoin », fait remarquer l’un d’entre eux qui souligne le turnover élevé. « La formation et la rétention des talents sont un enjeu essentiel », souligne Erick Gillier. La formation est une des préoccupations majeures du patronat péruvien. Ces insuffisances constituent autant de possibilités d’affaires, notamment dans le domaine des infrastructures, d’autant que le Pérou a fait le choix de l’ouverture sur l’économie mondiale. Le droit de douane moyen sur les importations est de 1,8 %. Le pays a multiplié les accords de libre-échange : celui avec l’Union européenne est entré en vigueur le 1er mars 2013. La constitution en 2011, conjointement avec le Chili, la Colombie et le Mexique, de l’Alliance du Pacifique vient confirmer cette volonté d’ouverture. Cette attitude, qui tranche avec le protectionnisme du Brésil ou de l’Argentine, séduit les entreprises, particulièrement les PME. La modernisation des ports péruviens et l’entrée de grands opérateurs internationaux de la manutention, comme DP World à Callao, le port de Lima, pour les conteneurs ont facilité les flux. « Il faut au maximum quatre jours pour dédouaner la marchandise », observe Emmanuel Bonnet, président de la Chambre de commerce et d’industrie franco-péruvienne (CCIPF).
Le terrain a été aplani également pour les investisseurs étrangers. « Le Pérou mène une politique efficace d’attractivité du territoire, notamment par la mise en place d’un cadre juridique très favorable aux investissements directs étrangers », affirme William Pécriaux. La quasi-totalité des secteurs sont ouverts. Il n’y a pas de discrimination à l’égard des capitaux étrangers et les autorités péruviennes mettent un point d’honneur à garantir la stabilité juridique. 37 accords bilatéraux de protection réciproque de l’investissement ont été signés, dont celui avec la France conclu en 1993. Et les résultats sont au rendez-vous : les investissements directs étrangers ont atteint 10 milliards de dollars par an en moyenne pendant la période 2011-2013 selon la Commission économique pour l’Amérique latine des Nations Unies (CEPAL).
Longtemps considéré comme un des « mauvais élèves » de l’Amérique latine, le Pérou est désormais en bonne place dans les classements internationaux, même si, dans le dernier classement « Doing Business » de la Banque mondiale, publié fin octobre, le Pérou a rétrogradé d’une place (35e rang) par rapport à l’année dernière, au profit de la Colombie (34e). Ces progrès ne doivent pas masquer l’ampleur du chemin à parcourir en matière d’environnement des affaires. Pour ce qui est des marchés publics, les procédures sont compliquées et il est conseillé de s’appuyer sur un cabinet d’avocats. Le secteur privé péruvien est nettement plus agile, mais les entreprises se heurtent à deux obstacles « classiques » en Amérique latine : la lourdeur de l’administration péruvienne et la difficulté à obtenir des financements auprès des banques locales. L’importance de l’économie informelle ainsi que la volonté de lutter contre la fraude, le narcotrafic et la corruption expliquent que les fonctionnaires puissent être, en cas de contrôle, tatillons voire même, parfois, carrément « agressifs », selon un responsable d’une entreprise française installée sur place.
En dépit de ces obstacles, les responsables d’entreprises françaises, interrogés par Le Moci, font largement confiance au Pérou. « C’est un pays qui offre de réelles opportunités, requérant un niveau de préparation et de suivi important », fait remarquer Erick Gillier. Le potentiel de business à réaliser et le caractère ouvert du marché agissent comme un aimant pour des entreprises tricolores à la recherche de relais de croissance à l’international. La clé du succès réside dans la capacité à surmonter les obstacles. « Il faut faire preuve de patience et de persévérance », affirment en cœur les responsables interrogés.
Daniel Solano
Pour consulter la carte sur les richesses agricoles et minières du Pérou cliquer ici
Les chiffres clés
Superficie : 1 285 km²
Population : 31 millions d’habitants (2013)
Principales villes : Lima : 8,5 millions ; Arequipa : 0,8 million ; Trujillo : 0,7 million ; Chiclayo : 0,5 million ; Piura : 0,4 million ; Iquitos : 0,4 million.
Inflation : + 2,8% (2013)
Produit intérieur brut (PIB) : 202 milliards de dollars en 2013
PIB par habitant : 6 541 dollars en 2013
Croissance du PIB : + 5,8% en 2013, + 3,6% en 2014, + 5,1% en 2015
Solde de la balance des paiements courants : – 4,5% (2013)
Dette totale du gouvernement : 20 % du PIB (2013)
Dette publique externe : 8,9 % du PIB (2013)
Solde budgétaire : 0,7% du PIB (2013)
Source : FMI