Le Maroc a signé de nombreuses conventions internationales facilitant l’investissement étranger. Le droit des entreprises, au demeurant libéral, s’inspire de la législation française. C’est la même liberté qui est pratiquée en matière de commerce extérieur, explique un expert du cabinet Adamas.
I/ Cadre général
Le Maroc a engagé dès mars 2011 un processus de réforme constitutionnelle qui s’est soldé par l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet de cette même année. Certains principes de droit fondamentaux assurés par l’État ont été rappelés dans le nouveau texte tel que l’absence de rétroactivité des lois, le respect du droit de propriété, la liberté d’entreprendre, la libre concurrence, l’absence de discrimination entre Marocains et étrangers et la primauté des conventions internationales sur le droit interne.
• Pour la protection des investisseurs étrangers, le Maroc a notamment ratifié la Convention de Washington portant création du Centre International de Règlement des Différends relatifs aux Investissements du 18 mars 1965, la Convention de New York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères du 9 juin 1958. Le Maroc est membre de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Il a signé un accord de libre-échange avec les États-Unis et un accord d’association avec l’Union européenne (UE).
• En matière de propriété industrielle, le Maroc est parti à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. Il a également signé avec plusieurs pays des conventions de non double imposition, notamment avec la France.
• Par ailleurs, la France et le Maroc ont signé unAccord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements en 1996. Enfin, les investissements au Maroc sont éligibles aux assurances crédit de la Coface et aux contributions de l’État par le biais du Fasep (Fonds d’étude et d’aide au secteur privé) ou des fonds RPE (Réserve pays émergents).
II/ Créer une société
Bureau de représentation
Même si les textes prévoient la possibilité d’immatriculer une « agence » d’entreprise, les greffes des Tribunaux de commerce inscrivent les bureaux de représentation en tant que succursale sur leurs registres. Les formalités à accomplir seront par conséquent les mêmes que celles prévues pour la création d’une succursale.
Succursale
La création d’une succursale est obligatoire dès lors que l’entité étrangère réalise une activité commerciale régulière au Maroc. La première étape est de demander à l’Office Marocain de la Propriété Intellectuelle (OMPIC) un certificat attestant que la dénomination choisie pour l’inscription de la succursale n’est pas déjà enregistrée comme dénomination d’une autre entité au Maroc. Il s’agit du certificat négatif.
Une fois en mains celui-ci, il faut présenter au centre régional d’investissements (CRI) territorialement compétent un dossier incluant :
• la demande d’inscription faite sur un imprimé à retirer auprès du CRI ;
• le certificat négatif ;
• les statuts et l’extrait K-bis de l’entité étrangère ;
• la décision d’assemblée générale approuvant la création de la succursale ;
• la copie du passeport ou de la carte d’identité du gérant de la succursale ;
• les pièces attestant de la domiciliation de la succursale (bail, acte de propriété ou attestation de domiciliation) ; et
• une déclaration de conformité établie par le dirigeant de la société que la demande d’inscription de la succursale est faite en conformité avec le droit marocain.
Après immatriculation au registre du commerce, la constitution de la succursale fait l’objet d’une publication dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel dans un délai qui ne dépasse pas trente jours. Les coûts de constitution autres que les frais de conseil et d’assistance dans cette démarche n’excèdent guère 500 dirhams/Dh (44,58 euros). Il est préférable de recourir à un conseil local, avocat ou fiduciaire, pour constituer le dossier et assurer le suivi du processus d’immatriculation pour assurer un délai de l’ordre de deux à trois semaines pour une telle inscription.
Filiale
L’investisseur français se retrouvera aisément dans les formes de société prévues par le droit marocain.
En effet, celui-ci pourra choisir entre la société anonyme, la société anonyme simplifiée, la société à responsabilité limitée (avec la possibilité de constituer une société à responsabilité limitée à associé unique) et la société en commandite par actions.
La constitution d’une société suppose le dépôt au CRI territorialement compétent :
• d’un formulaire de demande d’immatriculation signé et légalisé ;
• des statuts de la société signés et légalisés ;
• du certificat négatif ;
• des bulletins de souscription signés et légalisés (sauf pour les SARL) ;
de la copie de la carte d’identité nationale ou passeport des associés personnes physiques ou de l’extrait K-bis de l’associé personne morale ;
• de la copie de la carte d’identité nationale ou passeport des dirigeants personnes physiques ou de l’extrait K-bis du dirigeant personne morale ;
• de l’attestation de blocage des fonds affectés au capital de la société ;
• les pièces attestant de la domiciliation de la succursale (bail, acte de propriété ou attestation de domiciliation).
Outre les divers droits de timbre perçus pour authentifier les documents tels que le bail ou la copie des passeports, la création de société est soumise à la perception d’un droit d’enregistrement de 1 % du montant du capital de la société. Les principaux CRI (Casablanca, Agadir, Rabat, etc.) ont mis en place des sites internet. Il est en outre possible de s’adresser à l’Agence Marocaine de Développement des Investissements (AMDI),http://www.invest.gov.ma/, pour obtenir des informations.
Le dépôt du dossier d’immatriculation au CRI vaut demande d’inscription à la patente, déclaration d’immatriculation au Registre du commerce, déclaration d’identité fiscale et demande d’affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale. Les personnels du CRI se chargent de procéder aux formalités auprès de ces administrations.
Une fois l’ensemble de ces inscriptions opérées, le CRI adresse un bulletin des identifiants indiquant les différentes références de la société au Registre du commerce, à la patente et à la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale).
Restent les formalités de publication dans un journal d’annonces légales et au bulletin officiel (toutes les sociétés commerciales). Il faut compter trois semaines à compter du dépôt de la demande d’immatriculation de la société pour recevoir le bulletin des identifiants.
Par la suite, toute augmentation de capital, modification des statuts, sûretés sur le fonds de commerce ou les actifs de la société devra faire l’objet d’une inscription au registre du commerce.
Les activités sous licence
En principe, tout opérateur peut exercer ses activités sans restrictions au Maroc. Certaines d’entre elles, pour des raisons d’ordre public économique, sont cependant réglementées.
Outre les banques et les assurances, il s’agit en particulier des activités suivantes :
• le tourisme où (i) l’activité d’agence de voyage est soumise à une licence d’exploitation délivrée par le ministère du Tourisme et (ii) l’exploitation d’hôtels, d’auberges de jeunesse, de maisons d’hôtes, de pensions, de campings, de résidences hôtelières nécessite un classement de l’établissement touristique décidé par le Wali (préfet) de région sur avis du comité technique des coordinations des projets touristiques ;
• le secteur médical et pharmaceutique où l’activité de laboratoire d’analyse médicale comme celle de distribution ou de fabrication de spécialités pharmaceutiques sont soumises à licence de l’administration ;
• le secteur de l’emploi où l’activité d’agence de recrutement est soumise à agrément du ministère de l’Emploi ;
• l’énergie où la production indépendante est possible mais soumise à déclaration ou autorisation du ministère de l’Énergie et des mines suivant les puissances installées ; et
• les mines où la recherche, l’exploration et l’exploitation sont soumises à une licence délivrée par le ministère de l’Énergie et des mines.
Certaines activités sont réservées aux ressortissants marocains, en particulier l’architecture, le commissariat aux comptes, la médecine. Il reste néanmoins possible dans certains cas d’exercer de telles activités en s’associant avec des professionnels marocains.
La distribution
La distribution ne fait pas au Maroc l’objet d’une législation particulière si ce n’est qu’elle peut tomber sous le coup de la Loi n° 06-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui prohibe sur le principe, notamment, les ententes ayant pour objet ou pour effet de cloisonner le marché, de limiter les débouchés ou d’empêcher l’arrivée d’un nouvel entrant sur le marché. À défaut d’avis du Conseil marocain de la concurrence, il conviendra de s’inspirer des règles communautaires en matière de franchises, concessions commerciales, distribution sélective ou exclusive pour assurer au mieux la compatibilité de ces conventions avec le droit marocain de la concurrence calqué sur le même modèle.
Promotion des investissements
Le Maroc a adopté depuis le début des années 1990 une politique volontariste de promotion des investissements étrangers avec en particulier :
• la charte des investissements qui prévoit le droit pour des investisseurs de bénéficier d’exonération de droits de douane et de TVA à l’import, d’exonération de TVA interne, de la garantie de retransfert des fonds en devise perçus au titre de dividendes ou de liquidation de l’investissement et d’une contribution de l’État dans certaines dépenses de formation ou d’acquisition du foncier dans la limite de 5 % du montant de l’investissement dès lors que l’investissement excède 200 000 000 Dh (17,83 millions d’euros) ou qu’il génère la création de plus 250 emplois ;
• des exonérations fiscales liées au chiffre d’affaires à l’export ;
• des régimes dérogatoires en matière fiscale, douanière et de change en cas d’installation dans une des nombreuses zones franches d’exportation (Tanger Free Zone, Melloussa, Oujda…) ;
• un régime de change stable depuis vingt ans assurant en particulier le droit de transfert des dividendes et du produit de cession des participations dans le capital de société marocaine à condition, cependant, que l’investisseur étranger fasse la déclaration d’investissement en devises auprès de l’Office des changes ;
• aucune contrainte en matière d’actionnariat marocain.
Appels d’offres internationaux
L’activité économique au Maroc est en grande partie portée par la commande publique. Les organismes publics que sont l’État, les établissements publics ou les collectivités locales (communes, provinces et régions) ont différents types de contrats avec des investisseurs privés. Le premier type de contrat reste, de loin, le marché public, défini comme le contrat à titre onéreux par lequel le maître d’ouvrage public confie à une personne privée l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la réalisation de services. La passation de ces marchés se fait par voie d’appel d’offres régie par un nouveau Code des marchés publics qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014. Les marchés publics sont ouverts aux soumissionnaires étrangers, le texte prévoyant à cet égard des adaptations quant aux pièces à demander à ceux-ci dans le dossier d’appel d’offres. Une innovation toutefois par rapport à l’ancien Code, les règlements de consultation peuvent prévoir une préférence pour les entreprises marocaines. Dans ce cas, à des fins de comparaison des offres, le montant des offres présentées par les entreprises étrangères pourra être majoré d’un pourcentage ne dépassant pas 15 %.
Le second type est la délégation de service public pour lequel le partenaire privé se voit confier pour une longue durée la responsabilité d’un service avec le droit de percevoir une rémunération des usagers sur la base d’un tarif défini dans le contrat. Les modes de sélection ne sont pas aussi encadrés qu’en matière de marché public mais le processus de sélection fait l’objet d’un règlement de consultation avec des critères d’appréciation défini dans celui-ci.
Par ailleurs, selon les secteurs, il existe des régimes particuliers de concession comme en matière portuaire, énergétique, autoroutier qui laisse une grande liberté aux organismes publics dans la définition des termes des contrats de concession et le processus d’appel d’offres. Les appels d’offres en la matière ne sont assurément pas fermés aux investisseurs étrangers. Cependant, dans les projets d’infrastructure importants, les autorités marocaines ont tendance à imposer des obligations de compensation industrielle.
III/ Exporter
L’article 1er de la Loi n° 13-89 relative au commerce extérieur pose le principe que les marchandises sont libres à l’importation, sauf certains produits dont l’importation est soumise à licence. Il existe aussi des marchandises qui font l’objet de restrictions (quotas) comme par exemple les animaux vivants, viandes et produits de la charcuterie originaires de l’Union Européenne. La liste des marchandises faisant l’objet d’une licence ou d’une restriction est définie par arrêté du ministre du commerce extérieur (la dernière modification de cette liste date de novembre 2011). L’ensemble du régime et des tarifs douaniers est facilement accessible via le site internet des Douanes marocaines. Deux documents sont d’une particulière importance dans cette perspective : le Tarif des Droits de Douane et la Réglementation des Douanes et Impôts Indirects.
Par ailleurs, il est à souligner que :
• l’importation de biens doit s’appuyer sur un contrat commercial écrit précisant notamment les parties contractantes, la désignation commerciale des marchandises, les conditions de livraison qui peuvent faire référence à des Incoterms, le pays de provenance, le prix unitaire des marchandises mais également leur valeur EXW, FCA, FAS ou FOB ;
• l’importation doit faire l’objet de la souscription par l’importateur de titres d’importation (engagement d’importation, licence d’importation ou d’une déclaration préalable d’importation) ;
• le règlement des importations ne peut s’effectuer que postérieurement à la livraison au Maroc des dites importations et uniquement à l’échéance prévue dans le contrat commercial, tout règlement avant l’échéance contractuelle devant être justifié par une remise ou un escompte au moins équivalent à 3 % ;
• l’exportateur peut recevoir un acompte avant la livraison des biens au Maroc, mais cet acompte ne saurait excéder 40 % de la valeur FOB (Free on board) de l’ensemble des marchandises pouvant être importées.
Il est précisé que la réglementation des changes ne prévoit pas la possibilité pour des personnes morales de droit marocain d’ouvrir des comptes en devises à l’étranger. Les seules possibilités prévues sont les comptes en devises ouverts dans les livres de banques marocaines au nom d’entreprises non-résidentes, au nom d’entreprises marocaines exportatrices de biens ou de services ou au nom d’entreprises d’assurance ou de réassurance marocaines.
Par conséquent, tout importateur qui souhaiterait payer son exportateur sur un compte en devises à l’étranger devra obtenir une autorisation spéciale de l’Office des Changes sachant que la révocation de cette autorisation par l’administration est toujours possible.
Philippe de Richoufftz,
avocat associé du cabinet Adamas, en charge de l’Afrique