Des coûts logistiques toujours attractifs, selon SDV
La société SDV, filiale du groupe Bolloré, présente au Maroc depuis 1986, au départ avec des activités de groupage routier, poursuit son développement, avec dernièrement une plateforme logistique de 12 000 m2 pour un gros opérateur chinois des télécom à Tanger.
SDV détient aussi sur place trois autres sites : un entrepôt logistique dédié aux produits de prêt-à-porter (1 200 m2), un entrepôt sous douane de 3 500 m2, un MEAD (magasin et aire de dédouanement) à Casablanca, et enfin, à Tanger, un deuxième entrepôt sous douane. Les volumes traités par SDV représentent 250 000 m3/an pour le routier. Et les flux maritimes et aériens affichent une progression de plus de 20 % par an.
Cependant, Xavier Despin, directeur SDV Maroc, constate que, sur place, « les volumes sud-nord sont inférieurs aux volumes nord-sud, un constat dû à la concurrence de l’Asie notamment pour le textile. Cependant, de nouveaux secteurs se développent (automobile, électronique, aéronautique) et permettent de compenser une partie de la chute des volumes sur ce secteur d’activité». Ce dernier stigmatise le coût des entrepôts sur place : « Pour un entrepôt de dernière génération à Tanger, les coûts immobiliers restent élevés, assez proches de ceux de la France. » Ce qui n’est pas un mince handicap, puisque l’entreposage représente au moins 35 % des coûts logistiques. D’ailleurs SDV n’est pas présent sur la zone franche logistique de Tanger, pour ne pas prendre le risque d’avoir des entrepôts à moitié vides.
Pour autant, SDV juge les coûts logistiques marocains compétitifs : « Le coût du matériel de manutention est comparable à celui de l’Europe, mais ceux du transport sont par contre inférieurs (soit 0,65 à 0,70 euro/km contre 1euro et plus en Europe). Cela est essentiellement dû au prix du gasoil (0,65 euro/litre). Le salaire minimum est de l’ordre de 280 euros “chargés”; et même s’il a augmenté de 10 % en juillet 2011 et encore de 5 % en juillet 2012, les coûts de main-d’œuvre restent attractifs. »
Bien sûr, les revendications sociales sont plus fortes, y compris sur le chantier de Tanger où « des mouvements sociaux ont pu retarder des opérations maritimes de transbordement. Pour quelques clients, nous avons dû procéder à des transbordements par voie aérienne », témoigne Xavier Despin. Ce qui ne le dissuade pas de formuler ses priorités stratégiques pour 2012, notamment « mettre en place des solutions maritimes export pour accompagner les entreprises marocaines qui se développent en Afrique ».
G. N.
Trois questions à Jean-Paul Ornano, directeur de Gefco Maroc, prestataire logistique et de transport, filiale du groupe PSA Peugeot-Citroën
Le Moci. Quel est votre dispositif au Maroc ?
Jean-Paul Ornano. Nous sommes au Maroc depuis 1995. D’abord à Casablanca, où nous avons deux sites d’exploitation : le premier, un parc de stockage automobile traite environ 50 000 véhicules par an. Le second est dédié au transport international, maritime, aérien et routier.
Les chargements (automobile, aéronautique, textile) viennent de France et du reste de l’Europe. Depuis 1997, nous avons une seconde implantation à Tanger pour des activités Overseas (intercontinentales). L’implantation de la nouvelle usine de Renault et l’afflux de sous-traitants vont nous amener à créer un nouveau site (cross dock) pour les véhicules, d’une surface restreinte de 4 500 m2, mais apte à traiter de gros flux dans des délais très courts, moins de 48 heures.
Le Moci. Pourquoi Tanger plutôt que Casablanca ?
Jean-Paul Ornano. Pour des raisons d’efficacité et de rapidité. À Tanger, le dédouanement, entre l’arrivée au port et la sortie du port, n’excède pas 2 heures. À Casablanca, cela prend au moins 4 heures. Tanger a fait beaucoup de progrès.
En termes de délais, bout à bout, nous avons gagné entre 24 et 48 heures.
Le Moci. Justement, y a-t-il un risque d’engorgement du port ?
Jean-Paul Ornano. C’est vrai, nous avons une crainte, avec le flux très important que Renault va amener pour alimenter son usine. Cela représente pour la première année 200 000 véhicules. Il y aura un flux important de marchandises qui arriveront par camion, via l’Espagne. En attendant, à Tanger, 80 % du marché est du transit de conteneurs. Et certaines compagnies maritimes n’ont pas encore choisi Tanger Med comme port de
transbordement ou de destination pour les marchandises destinées au marché marocain.
Propos recueillis par G. N.
Logistique : Tanger Med monte en puissance
Le nouveau port géant de la Méditerranée est parti pour approcher les 30millions de tonnes en 2011. Une croissance forte portée par les trafics avec l’Asie, l’Afrique et la conteneurisation, qui lui fait courir le risque d’un engorgement.
Au premier semestre 2011, le port de Tanger Med annonçait un trafic global de 16,3 millions de tonnes, réalisant un bond de 82 % par rapport au 1er semestre 2010.
Il devrait approcher, voire dépasser les 30 millions de tonnes à la fin de l’année, après en avoir traité 23 millions en 2010. C’est la plus forte croissance enregistrée parmi celles des autres ports de la Méditerranée. Les terminaux à conteneurs du port totalisaient au premier semestre de cette année 1,25 million d’unités équivalent vingt pieds (EVP), soit 43 % de plus qu’au 1er semestre 2010. Rappelons qu’à ce jour, ces terminaux ont été concédés à Maersk (terminal 1) et au consortium MSC-CMA CGM (terminal 2) pour 30 ans. D’ores et déjà, les deux terminaux à conteneurs ont atteint un taux d’utilisation de leur capacité proche de 70 %.
Logiquement, avec l’intensification prévisible du trafic, ces terminaux du premier port Tanger Med 1 risquent
d’arriver à saturation dès la fin 2012, leur capacité n’excédant guère 3 millions de boîtes. Sur le chantier de Tanger Med II, commencé en 2010, la livraison de deux autres terminaux géants devrait se faire début 2015.
Ces derniers doivent pouvoir accueillir 5,2 millions de boîtes supplémentaires. L’ouvrage propose 2,8 km de quais dédiés, avec une capacité d’accueil de 7 méga-portes-conteneurs. Les futurs quais ont déjà été concédés à deux opérateurs portuaires : Port Authority of Singapore et Marsa Maroc. Pendant une vingtaine de mois, Tanger risque donc l’engorgement. D’ailleurs, « l’administration portuaire pourra-t-elle suivre cette croissance ? C’est un vrai sujet d’inquiétude », s’interroge un transitaire français présent sur place.
Cette question de la saturation des terminaux à conteneurs pourrait se poser à nombre de grandes firmes présentes ou sur le point de s’y implanter. Parmi les dernières arrivées, citons la Fnac, qui s’est établie à Casa- blanca cette année, les Galeries Lafayette fin octobre 2011, Groupe Carrefour avec Label Vie (depuis 2009) et Renault. L’usine du constructeur français, tout juste sortie de terre, doit commencer à fonctionner en janvier 2012, avec un objectif de production, à terme, de 400 000 unités par an, dont 200 000 dès la première année de fonctionnement. En attendant, fin 2010, Tanger captait déjà 60 % du trafic du détroit de Gibraltar.
Toutefois, selon un prestataire logistique, qui a souhaité rester anonyme, « on n’observe pas encore de notables reports de trafic venant des grands ports de la Méditerranée occidentale de Gênes, Valence, Barcelone et Naples ». À ce jour, le port capte, via la route du canal de Suez, les chargements des navires assurant les liaisons
entre l’Extrême-Orient et l’Europe, mais aussi les trafics au départ et à destination des ports ouest-africains. Ces derniers ont enregistré une hausse de 50 % au premier semestre. Tanger est en train de devenir la plateforme de massification (concentration des marchandises sur un même lieu) et d’éclatement du fret (redistribution dans de multiples directions) avec le continent africain. Les lignes desservant l’Amérique du Sud « escalent » également dans le grand port marocain. En revanche, les trafics en provenance des grands ports du Benelux ne s’y arrêtent pas. Le Maroc a décidé de mettre les bouchées doubles pour accélérer le dédouanement et pour développer son hinterland, avec un programme de construction de routes. Cependant, Tanger mettra sans doute bien des années avant de pouvoir prétendre être la « Rotterdam du Sud ».
Gilles Naudy