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Cap sur l’innovation

Maroc, cap sur l’innovation

Le Maroc a pris la vague du printemps arabe avec souplesse. Le signe d’un pays qui ne craint pas d’innover pour conduire son développement, tant au plan politique que sociétal et économique.
En l’occurrence, l’innovation est un pilier de son ambitieuse stratégie d’industrialisation. Nous en donnons les clés et les opportunités dans ce guide business, avec analyses, témoignages et conseils d’experts. 


A l’approche des élections législatives du 25 novembre, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) entend se faire entendre. Deux ans après avoir été porté à la tête de l’organisation patronale, Mohamed Horani affiche sa détermination tout en profitant du vent de démocratisation qui souffle sur le royaume. « Nous 
allons susciter un débat national et entendre tous les partis et alliances politiques qui le souhaitent », assure le président de la CGEM. 

« Nous nous adressons autant à l’actuel qu’au futur gouvernement. Et nous souhaitons des modifications à la loi de finances 2012 », souligne-t-il. Car si le patronat soutient la modernisation du royaume initiée par le monarque chérifien depuis dix ans, il entend aussi peser de tout son poids dans l’économie, notamment en faveur des PME, qui représentent 95 % des entreprises. En cause, notamment, la Stratégie nationale d’innovation, programme lancé officiellement en juin 2009 par le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies.

« C’est un chantier énorme. Créer un fond d’innovation de 500 millions de dirhams (45,4 millions d’euros) ne suffit pas. Nous demandons un crédit d’impôt recherche, comme en France, représentant au moins 30 % des investissements réalisés en matière de recherche », explique le patron des patrons marocains. Une proposition déjà avancée il y a plus d’un an, mais qui n’a été retenue ni dans la loi de finances 2011 ni dans celle de 2012. Or, les chantiers de la recherche et développement et de l’innovation sont indispensables à mettre en place. « Nous n’avons pas intérêt à jouer la carte du low-cost, car il y aura toujours des pays offrant des coûts de production inférieurs aux nôtres. Il faut créer de la valeur ajoutée », précise Mohamed Horani.
 
La stratégie Maroc Innovation prévoit la constitution de plusieurs clusters, dans l’électronique notamment. Les milieux d’affaires français se positionnent d’ores et déjà pour en saisir les opportunités. La chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) aimerait ainsi favoriser des coopérations entre les clusters marocains et les pôles de compétitivité en France.
 
Pour entamer cette démarche, la CFCIM et le Centre régional d’investissement (CRI) de Meknès envisagent un rapprochement entre l’Agropôle de la cité marocaine et le pôle Industrie et Agro-ressources en Champagne-Ardenne. 

L’Agropôle de Meknès est ce qu’on appelle au Maroc une plateforme industrielle intégrée ou P2I. Le Pacte national pour l’émergence industrielle, qui détaille la stratégie industrielle du royaume, vise à l’éclosion de grands secteurs, dont plusieurs sont orientés vers les investissements directs étrangers : automobile, aéronautique, électronique, offshoring. Ces filières, qualifiées de « métiers mondiaux du Maroc », bénéficient de la constitution de plateformes industrielles intégrées, 21 au total, comme Casanearshore dans l’offshoring, Nouasser Aerospace City dans l’aéronautique ou le technopôle d’Oujda qui rayonnera dans l’énergie solaire. C’est le principe de la location des bâtiments et des parcelles, mis en place par la CFCIM pour ses parcs industriels près de Casablanca (Bouskoura et Ouled Salah), qui a été retenu pour les P2I. Sollicitée par les grandes municipalités, la CFCIM va lancer un troisième parc multisectoriel près de Settat. 

Recherche et innovation, industrialisation et investissements directs étrangers : le Maroc se modernise à grande vitesse. De grands ouvrages d’infrastructures irriguent le pays, comme l’autoroute Tanger-Casablanca ou le grand port de Tanger Med (lire article dans nos pages). Entre la période 1991-2000 et la décennie 2001-2010, la croissance moyenne économique du royaume est passée de 3,8 % à 4,8 %. « Le parcours économique brillant du Maroc, avec des comptes publics excellents, lui a permis de bien réagir à la crise économique mondiale », constate Dominique Bocquet, le chef du Service économique régional (SER) à Rabat.
 
Et l’environnement des affaires y reste attractif, renforcé par une situation politique stable. D’après l’Observatoire Anima-Mipo, au premier semestre 2011, « la chute du nombre de projets annoncés est importante en Tunisie, Égypte, Libye, Syrie, Liban et Jordanie ». En revanche, le nombre de projets d’IDE au Maroc a augmenté de 
23 % par rapport aux six premiers mois de 2010.
 
Le Maroc n’a pas été concerné par le printemps arabe de la même manière que ses voisins, la Tunisie ou l’Égypte. « Il n’y a eu ni violence, ni répression», rapporte Dominique Bocquet. «Les aspirations de la population, exprimées pendant le printemps, ont été d’emblée prises en considération par les autorités, ce qui a abouti à une nouvelle Constitution », ajoute-t-il.
 
Annoncée dans son discours historique du 9 mars 2011 par le roi Mohammed VI, elle a été adoptée le 1er juillet. À l’issue de l’élection de la nouvelle chambre des représentants (députés), pour la première fois de son histoire, 
le royaume chérifien sera doté d’un Premier ministre, choisi dans les rangs du parti bénéficiant du plus grand nombre de suffrages et doté du pouvoir de dissoudre le Parlement.
 
Au plan bilatéral, enfin, le climat est toujours aussi favorable, les relations politiques et économiques entre Rabat et Paris étant idylliques. 

Le 6 octobre dernier, Mohammed VI et le président Sarkozy ont posé la première pierre du chantier de train à grande vitesse (TGV) devant relier Tanger à Casablanca fin 2015. Le déplacement du chef de l’État français a été considéré comme un appui aux réformes engagées par le roi. Mais c’est aussi une illustration parlante d’un partenariat gagnant-gagnant: au Maroc, la construction du premier TGV africain, symbole de modernité; à la France, la possibilité d’utiliser le Maroc comme porte d’entrée au sud de la Méditerranée. 

François Pargny 


Chiffres-clés 2010


PIB/habitant : 2 127euros 
Taux d’inflation : 0,9 % 
Taux de chômage :
 9,1 % 
Investissements directs étrangers entrants :
 2,9 milliards d’euros
Transferts financiers des Marocains résidant à l’étranger : 4,9milliards d’euros (dont 41 % pour la France) 
Recettes du tourisme: 5,1milliards d’euros (part France: 40 %)
Part française dans l’aide publique au développement : 45,5 %
Importations de biens et services du Maroc : 30,3 milliards d’euros 
Importations de biens en provenance de France :4,1 milliards (2010) ; 2,2 milliards (premier semestre 2011), soit une part de marché de la France de 14,1 %
Exportations de biens et services du Maroc :
22,7milliards d’euros 
Exportations de biens du Maroc vers la France : 
3 milliards (2010) ; 1,65 milliard (premier semestre 2011)
Nombre de filiales françaises : 
750 (530 en 2006) 

Sources : Service économique de l’ambassade de France, GTIS.

 

Innovation : le boom des clusters crée des opportunités

L’État et les opérateurs économiques veulent faire du Maroc une plateforme de développement pour les entreprises de haute technologie. Les Français ont une carte à jouer en rejoignant l’un des clusters créés récemment.

Et si le royaume chérifien devenait la nouvelle destination incontournable pour le développement de technologies de pointe ? Attablés à une terrasse de café sous le ciel bleu de Casablanca, Yvon-Didier Miehakanda et Nassima Samir y croient dur comme fer. Ces deux jeunes associés, après un parcours dans des multinationales européennes, ont créé en janvier 2011 au Maroc leur propre société, Sabbar Expertise. Ce cabinet de conseil en 
management des systèmes d’information est spécialisé dans la mise en œuvre de solutions informatiques 
éco-responsables, destinées à atténuer l’impact des activités humaines sur l’environnement. 

« Nous sommes le premier cabinet « green IT » du pays », s’enthousiasme Yvon-Didier Miehakanda. Mais parce que cette spécialité est encore très récente et que le Maroc constitue un nouveau marché, les associés de Sabbar Expertise ont rapidement fait le choix de rejoindre Maroc Numeric Cluster (MNC). Il s’agit de l’un des 4 pôles de compétitivité soutenus par le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies.
 
Ce pôle à gouvernance mixte publique-privée regroupe déjà plusieurs acteurs du secteur des TIC : l’État, bien sûr, mais aussi les grandes entreprises du secteur (Bull, Logica, Meditel et Inwi, deux opérateurs de téléphonie mobile 
marocains, etc.), des PME, des acteurs du secteur de l’enseignement et de la recherche ainsi que des organismes de financement. 

Son objectif ? Faire émerger des projets innovants et à forte valeur ajoutée dans quatre domaines : les services mobiles, la sécurité (monétique, droits numériques), le multimédia et les progiciels. Moyennant une cotisation calculée en fonction de son chiffre d’affaires, Sabbar Expertise peut désormais compter sur le soutien des membres du cluster, qu’il s’agisse de logistique, de mise en relation, d’expertise ou de financement. « Ce n’est pas rien, quand on démarre une activité, de pouvoir accéder facilement aux principaux acteurs du marché. Mais c’est bien là le but d’un cluster que de faciliter l’émergence de projets innovants en fluidifiant les contacts », explique Patrick Berthié, trésorier de MNC et directeur de la stratégie d’Inwi. 

« Le cluster est ouvert au plus grand nombre, à condition toutefois que chaque candidat soit en mesure d’expliquer clairement ce qu’il peut apporter », insiste Mehdi Kettani, président de MNC et P-dg de Bull Maroc. Le fait que certains membres, comme Bull et Logica, soient en concurrence directe ne semble pas poser de problème. « Au contraire, les synergies qui en résultent doivent à terme permettre au Maroc de se doter d’un éco-système NTIC et créer de la valeur », poursuit Mehdi Kettani.
 
À l’image de MNC, l’État a, dans le cadre d’un appel à projets lancé le 18 février 2011, sélectionné trois autres clusters : Morocco Microelectronics Cluster, qui œuvre dans la microélectronique, Electronique, mécatronique Devenir membre ou profiter des partenariats inter-clusters et mécanique du Maroc (CE3M) et Océanpôle de Tan Tan (sud), dédié à la valorisation des ressources marines. D’ici à 2013, conformément à la stratégie Maroc Innovation (voir ci-dessous), l’objectif est d’accompagner 15 clusters industriels et technologiques et de favoriser l’émergence de 100 projets collaboratifs innovants. Un Fonds d’appui aux clusters a été mis en place à cet effet, doté d’une enveloppe de 62 millions de dirhams (5 515 000 euros) pour la période 2011-2013. 

La subvention de l’État pour la mise en place et le fonctionnement des structures d’animation des clusters 
sélectionnés est accordée dans le cadre de contrats-programmes conclus entre l’État et ces clusters.
 
Ces contrats-programmes, signés le 6 septembre 2011, définissent les plans d’action annuels, les objectifs et les indicateurs sur la base desquels l’État apportera sa contribution. Les clusters sont engagés sur des indicateurs précis tels que le nombre de projets de R&D collaboratifs, de brevets, de start-up créées, d’emplois en R&D créés 
et de formations montées.
 
Les entreprises françaises peuvent-elles s’inscrire dans cette dynamique ? Oui, à condition de créer une filiale au Maroc. « Créer une SARL peut prendre moins d’un mois, grâce à l’existence d’un guichet unique, le Centre régional d’investissement, qui centralise toutes les démarches à accomplir », détaille Hassan Attou, directeur de 
l’appui commercial à la chambre française de commerce et d’industrie (CFCIM). À charge pour l’entreprise nouvellement créée de trouver ses locaux. Le cluster, contrairement aux pépinières d’entreprises, n’a en effet pas vocation à héberger ses membres. Il existe de nombreux parcs d’activité dans lesquels des bureaux équipés se 
louent en moyenne 6 euros par mois et par mètre carré. 

Autre possibilité pour les entreprises françaises qui ont un projet de R&D : les partenariats inter-cluster. Le premier a été signé le 12 juillet dernier à Rabat entre Maroc Numeric Cluster et Systematic Paris-région en présence du ministre français de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique, Eric Besson, et du ministre marocain de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, Ahmed Réda Chami. Une signature en grande pompe à la mesure de l’enjeu : « Il s’agit du cluster le plus important d’Europe. Systematic va nous aider à exister. Un programme de travail a déjà été arrêté, dont un volet porte sur l’organisation d’un événement euro-méditerranéen sur l’innovation dans les technologies de l’information », s’enthousiasme Mehdi Kettani.
 
Ce partenariat pourra également se traduire par des échanges d’étudiants et de chercheurs entre les universités et écoles, et les entreprises membres des deux clusters. « Cela peut aboutir à la réalisationd’opérations de partenariat entre les entreprises implantées sur les sites respectifs et prêtes à acquérir une visibilité en France et au Maroc », explique un porte-parole de Systematic. Un autre accord de coopération a également été établi entre le cluster Océanopôle de Tan Tan et les pôles Mer France. Ces clusters dédiés à la valorisation des ressources marines vont travailler main dans la main au développement de projets innovants. Au menu de cette coopération figure notamment l’exploitation d’énergies marines dans le domaine des éoliennes offshore, des hydroliennes, des alguo-carburants. 

Autant de projets qui, loin des tumultes du printemps arabe, devraient renforcer l’attractivité du Maroc pour les investisseurs. C’est en tout cas la conviction d’Ahmed Réda Chami : « Vous savez, les investisseurs français connaissent bien le Maroc et sont au courant de l’évolution de la situation dans notre pays. Nous n’avons pas à ce jour remarqué de changement significatif dans la stratégie d’investissement des PME françaises qui soit lié au printemps arabe. Bien au contraire, plusieurs PME, qui étaient présentes en Tunisie ou en Égypte, ont fait le choix de venir s’installer au Maroc où elles bénéficient d’une plus grande stabilité et d’une meilleure visibilité quant aux évolutions futures », insiste le ministre.
 
Isabelle Arbona, à Casablanca


Une stratégie au service de l’innovation

Lancée officiellement en juin 2009 par le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, la stratégie Maroc Innovation doit faire entrer le royaume dans le club des pays producteurs de technologies. Dotée d’une enveloppe de 500 millions de dirhams (45,4 millions d’euros), cette stratégie fait de la promotion des clusters un levier important pour produire de la propriété intellectuelle et favoriser l’émergence de start-up. D’ici à 2004, 1 000 brevets marocains devront être déposés et 200 start-up créées.
 
I. A.

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