S’il y a un mot clé, c’est bien celui de « qualité », voire qualité supérieure-premium, autant dans les biens de consommation que dans les services, comme le montrent ici les portraits des sociétés Fame (produits sucrés), Capago (centres de demande de visas) et Ara (conseil). Somfy a carrément été pionnier dans son domaine : les automatismes pour les ouvertures dans le bâtiment.
Somfy La proximité avec le client pour gagner dans l’automatisme
Si devenir une antonomase (mot utilisé pour indiquer qu’un nom propre est devenu un nom commun) pour une marque est synonyme de succès, le pari est réussi pour Somfy au Koweït. Le leader mondial des automatismes des ouvertures et des fenêtres y a conquis 70 à 80 % de part de marché.
Quand il est arrivé dans ce pays pour installer la filiale de Somfy, Jack Moussa avait à peine 25 ans. La PME savoyarde, devenue aujourd’hui un groupe international présent dans 60 pays (avec 7 700 collaborateurs dans le monde pour un CA de 981,7 millions d’euros en 2014), exportait déjà ses produits dans l’émirat, via un réseau de distributeurs depuis une bonne dizaine d’années. Mais pour asseoir sa position, il était indispensable de se rapprocher du client « pour faire de la maintenance sur place et du marketing », relate le franco-libanais, diplômé d’un MBA de l’Université de Maastricht, aujourd’hui à la tête de l’unité business de Somfy Gulf. « Nous avons installé la filiale au Koweït presqu’au même moment qu’à Dubai. C’était il y a quinze ans », se souvient-il.
La position de pionnier a permis à la société clusoise d’imposer ses standards et ses règles, malgré la concurrence, notamment italienne et chinoise. Pour garder sa position de leader, Somfy investit dans l’innovation (environ 10 % de CA). Son dernier pari : des solutions domotiques pour « smart homes ». « Cela marche bien en Europe et cette tendance arrive au Koweït. Le Koweïtien est exigeant et il veut le meilleur pour sa maison ». Somfy Koweït, composé de quatre personnes, assure le support technique. Elle peut s’appuyer sur l’équipe de Dubai, qui compte une vingtaine d’employés, tandis que Jack Moussa fait régulièrement le tour des filiales. « Je les visite au moins une à deux fois par mois », déclare-t-il. Au Koweït, la filiale est implantée sous forme classique d’une compagnie à responsabilité limitée (LLC) avec un partenaire majoritaire local. Disposer d’un sponsor ou partenaire du pays majoritaire est obligatoire au Koweït, ce qui décourage parfois certaines entreprises, qui préfèrent alors Dubai où les réglementations sont plus simples. « Les sociétés s’installent en zone franche où elles peuvent garder 100 % de leurs parts et elles opèrent ainsi de Dubai », explique le directeur de Somfy Gulf. Pourtant, au Koweït, pour gagner, il faut être proche du client. La filiale de Somfy au Koweït « enregistre une croissance annuelle moyenne de 20 % et assure un cinquième des ventes du groupe français dans le Golfe. C’est un bon marché et régulier », selon Jack Moussa, qui ne cache pas son optimisme. « On a la confiance de nos clients et de bonnes relations avec tout le monde : architectes, consultants, prescripteurs… Notre carnet d’adresses est bien épais et les projets ne manquent pas. Prochainement, on va équiper l’Université du Koweït, le College of business et le College of sciences ». La chute des prix du baril pourrait cependant l’affecter indirectement à long terme, si les projets résidentiels ou commerciaux prenaient du retard, voire s’arrêtaient. « Mais nous sommes tranquilles au moins pour les deux prochaines années », conclut-il, sereinement.
Capago Offrir un service premium aux demandeurs de visas
Implanté au Koweït depuis août 2012, Capago crée des centres de demandes de visa et les gère. « Les gens voyagent de plus en plus et cela crée beaucoup de nouvelles opportunités », constate Laurent Mallet, co-fondateur et PDG de l’entreprise créée en 2009 (CA : 6 millions d’euros prévus en 2015 en hausse de 25 % par rapport au 2014). Or, ces dernières années, l’attractivité de la France a fait exploser le nombre de demandes de visas. Après Dubai et Londres, Paris était la troisième destination préférée des Koweïtiens en 2013, et depuis l’instauration d’un visa Schengen et des facilités pour son obtention, la France est aussi pour eux une porte d’entrée en Europe.
Pour éviter les longues files d’attente dans un espace insuffisant, le recours à des bâtiments parfois anciens et inadaptés pour accueillir dignement les demandeurs ou encore des délais de traitement de dossiers trop longs, les nations européennes comme la France, qui veut également réduire ses dépenses budgétaires, sont amenés à externaliser ce type de services publics et à les déléguer au privé.
« Nous sommes passés de 35 000 demandes en 2012 à près de 60 000 cette année. C’était notre projection en tout cas avant les attentats tragiques du 13 novembre à Paris, car depuis les demandes ont baissé légèrement. Nous devrions arriver quand même à environ 55 000 visas en 2015 », explique Étienne Andrieux, directeur de Capago Koweït.
Arrivé dans l’émirat depuis un an et demi, ce juriste de trente ans, diplômé d’HEC, a commencé l’aventure Capago en Afrique du Sud où la PME gère quatre centres pour le compte de la France et de l’Italie. Il reconnaît qu’à chaque fois le service doit être adapté aux spécificités du pays et à ses clients. C’est toute la complexité de l’activité : c’est le demandeur de visa qui est le client, mais le chiffre d’affaires dépend de l’attractivité du pays qui émet l’appel d’offres pour déléguer ses services.
Au Koweït, Capago a décidé d’investir dans un espace d’accueil moderne, proposant des services premium. « Nous sommes sensibles à la qualité des sites dans lesquels nous opérons, déclare Laurent Mallet. L’un des paramètres est, par exemple, le temps d’attente. Or, si on atteint 10 000 demandes par mois en été au Koweït, l’attente ne dépasse pas une heure en moyenne. En outre, pendant le ramadan, nos bureaux ouvrent le soir ».
C’est ainsi que Capago peut se différencier sur ce marché dominé par deux sociétés en position de quasi-monopole : l’indien VFS, filiale du groupe de voyages suisse Kuoni, leader du secteur, et TLS Contact. Avec le même souci, l’entreprise française s’est attaquée à la gestion des données personnelles des paiements et, bien sûr, volet particulièrement sensible, leur sécurisation. Les données biométriques sont collectées avec un équipement du groupe Thalès. « Nous sommes parmi les rares sociétés certifiés ISO 27001 », insiste le PDG de Capago. Un sésame pour montrer que les informations sensibles et des données financières sont en parfaite sécurité.
Ara Research & Consulting Répondre à l’appétit des Koweïtiens pour des études de qualité
Chaque premier dimanche du mois, le quotidien koweïtien Arab Times publie l’index de confiance des consommateurs, réalisé par Ara Research & Consultancy, le cabinet d’études de marché et de sondage d’opinion du franco-libanais Tarek Ammar. Sentinelle de l’économie koweïtienne, le rapport n’est qu’une des nombreuses publications d’Ara, qui a été cofondé en 2002 par Tarek Ammar et deux entreprises koweïtiennes (des partenaires, dits « silencieux »). Après avoir réalisé un chiffre d’affaires de 1,8 million de dollars en 2014, le cabinet va enregistrer une croissance d’environ 11 % cette année.
Après avoir travaillé pour le français Ipsos au Koweït, le franco-libanais, spécialisé dans la recherche et l’analyse de marchés, a su exploiter la demande du marché : « j’ai vu qu’il y avait une place pour moi dans ce secteur », confie-t-il, assis dans son bureau de Koweït City. Selon lui, « pour réussir, il faut connaître le pays, les goûts des gens… c’est très subtil. De plus, le succès ici est lié étroitement à la réputation et à la qualité des prestations », ajoute-t-il. Sans oublier l’alliance avec le bon partenaire, sans quoi le business peut tourner au cauchemar.
« Quand on a commencé, se souvient-il, on était seulement trois et aujourd’hui nous sommes une trentaine de collaborateurs. Les Koweïtiens sont très demandeurs d’études, mais on ne s’est pas limité à leur pays. Aujourd’hui, nous travaillons avec tous les pays arabes et notre part sur l’ensemble du marché dans le monde arabe s’élève ainsi à 2 % », se félicite le dirigeant d’Ara. La PME dispose ainsi de bureaux au Qatar, au Liban et aux Émirats (Dubai et Abou Dhabi) et travaille autant avec des clients publics et privés de différents secteurs (banque, immobilier, média, vente de détail, etc.). Pour autant, Ara a souffert de la crise économique de 2008/2009. C’est pourquoi Tarek Ammar se montre particulièrement prudent. Comme le marché n’est pas mature, le succès peut vite arriver, mais il n’est pas toujours pérenne. Donc, « il faut garder des réserves de cash optimales », conseille-t-il.
À l’heure actuelle, le secteur des études affiche une croissance de 9 % par an dans la région. Les hautes technologies font aussi l’objet d’une utilisation plus fréquente. « Les Koweïtiens ont un grand appétit pour les nouvelles-technologies », observe Tarek Ammar « et nos clients sont souvent des géants du secteur. Nous travaillons aujourd’hui sur le big data et sur le data mining (technologies pour l’analyse des informations d’une base de données marketing) ». Une évolution naturelle pour une entreprise qui puise sa science dans les données.
Fame Une activité tous azimuts pour faire naître la gourmandise
C’est un univers doux et coloré qui s’offre à celui qui ouvre la porte des bureaux de Fame Co, situés à Salwa au Koweït. Les étagères pleines de fleurs de bleuet, des rubans et des bougies magiques, des étoiles étincelantes, des roses et des cœurs sucrés pour orner les cup cakes, les miels épicés, les gousses de vanille, les noix et fruits enrobés, tout un univers qui rappelle l’enfance. À la tête de ce paradis gourmand, la Française Sophie Parou, une femme d’affaires bien connectée au monde réel. La fondatrice de Fame a posé ses valises au Koweït il y a quinze ans environ, après une activité commerciale en France et en Angleterre. À l’époque, elle représentait une vingtaine de marques françaises, mais « pour bien faire les choses, j’ai constaté qu’il fallait être sur place », affirme-t-elle. Depuis, elle s’est spécialisée dans l’équipement et les ingrédients des métiers sucrés (pâtisserie/boulangerie/chocolaterie).
Fournisseur pour l’hôtellerie et la restauration, récemment, elle a lancé aussi sa marque Fame pour l’épicerie fine. Sophie Parou agit sur tous les fronts, y compris l’e-commerce, les réseaux sociaux, la vente au détail avec deux boutiques, l’organisation d’événements et de cours de pâtisserie, exploitant habilement, au passage, la renommée des produits français. Une stratégie qui marche. La société emploie 15 collaborateurs et enregistre une croissance annuelle de 25 % (le CA n’est pas communiqué). « Nous avons environ 500 clients dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) », indique-t-elle.
Un succès engrangé, alors que « les barrières ne manquent pas. À commencer par les normes très strictes dans l’agroalimentaire, les contrôles de Baladia (la municipalité de Koweït) », mais aussi la concurrence qui est de plus en plus féroce et des agents du port particulièrement zélés, ce qui rend parfois les démarches et l’importation des produits difficile. « Il faut au moins un an pour connaître le marché, le temps est un paramètre très important ici, mais il y a beaucoup de possibilités dans ce pays. Les Koweïtiens aiment manger », assure Sophie Parou. Alors tout ce qui est en rapport avec la nourriture a de grandes chances de succès. Selon la créatrice de Fame, « pour réussir au Koweït il faut être un peu requin ». Un conseil à ne pas oublier.
De notre envoyée spéciale Eva Izabella Levesque