Le Kazakhstan est une jeune république qui s’ouvre à l’international et souhaite accélérer son insertion dans le commerce mondial. D’où un environnement des affaires plutôt libéral, mais changeant et non dénué de spécificités locales. Voici l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour entamer une démarche d’implantation ou d’exportation dans ce pays. Les informations, actualisées avec le concours du cabinet Salans, sont en partie tirées d’un guide très complet réalisé par le Service économique et édité par Ubifrance (voir plus loin « Bloc-notes »).
1/ Le cadre général : libéral, mais soucieux des intérêts nationaux
• Au plan international, le Kazakhstan est signataire des principales conventions internationales relatives aux investissements étrangers. Il est membre du Centre international de règlement des différends liés à l’investissement (Cirdi) et de l’Agence de garantie des investissements multilatéraux (Miga), tous deux rattachés à la Banque mondiale. Sa candidature à l’OMC (depuis 1996) doit être concrétisée.
• Avec la France, le Kazakhstan a signé une convention bilatérale d’encouragement et de protection réciproques des investissements, entrée en vigueur le 18 septembre 2000. Elle prévoit des clauses traditionnelles : non-discrimination ; protection contre l’expropriation, la nationalisation ; garantie de libre transfert des dividendes et produits de cession ; clause d’arbitrage international. Les deux pays ont également conclu une convention de non double imposition.
• Au plan national, la législation kazakhstanaise est relativement libérale et ouverte. Elle exige toutefois des investisseurs étrangers la signature préalable d’un « contrat d’investissement » avec les pouvoirs publics (voir plus bas). Par ailleurs, des mesures favorisant les intérêts nationaux ont été introduites ces dernières années. Ainsi, la loi sur l’investissement du 8 janvier 2003 a tout à la fois supprimé la distinction entre les investisseurs locaux et étrangers et introduit des mesures favorisant le traitement national. De même, l’ancienne loi sur l’utilisation des sous-sols a été modifiée fin 2007 pour autoriser le gouvernement à revoir les contrats qui ne lui seraient plus favorables, une stipulation qui demeure dans la nouvelle loi sur l’utilisation des sous-sols adoptée en 2010. En outre, les obligations des investisseurs en termes, par exemple, de protection de l’environnement, contenu local, formation du personnel sont beaucoup plus scrupuleusement appliquées (voir aussi article sur le « local content » plus haut).
« Le contexte juridique des investissements, moins favorable aux étrangers qu’il n’a pu l’être par le passé, requiert donc une plus grande structuration des projets et un respect sans faille des textes en vigueur, observe Anaïs Chambon, auteur du guide S’implanter au Kazakhstan sous l’égide d’Ubifrance et de la Mission économique. La législation, bien qu’ayant évolué, reste relativement générale et pourrait poser des problèmes d’application pratique ou d’interprétation qu’il convient de prendre en compte. »
2/ Créer une société : des contraintes administratives locales
Les formalités
La création d’une société, d’un bureau de représentation ou d’une succursale au Kazakhstan nécessite l’enregistrement auprès des services du ministère de la Justice (www.minjust.kz). Une série de documents et d’attestations doivent accompagner le formulaire de demande (en kazakh ou en russe) et les frais d’enregistrement doivent être acquittés (environ 70 dollars). Le ministère de la Justice délivre un certificat d’enregistrement, puis l’autorité fiscale locale délivre un certificat de contribuable. Une fois cette étape franchie, l’entreprise peut démarrer et ouvrir un compte auprès d’une banque locale.
Attention aux délais ! D’après Anaïs Chambon, « en théorie, cela ne doit pas prendre plus de dix jours, mais en pratique il faut souvent compter quatre à cinq semaines ». Il est par ailleurs vivement recommandé, compte tenu de la barrière de la langue et de la complexité de la législation, « d’avoir recours à un cabinet juridique sur place, international ou local ». Un service qu’il faudra prendre en compte dans les coûts : dans un cabinet international, il faut compter 200 à 250 dollars de l’heure pour un juriste et environ 7 000 dollars en tout. Les cabinets locaux sont moins chers, mais il faut les connaître.
Les conditions d’activité
L’investisseur étranger doit savoir que le Kazakhstan présente plusieurs spécificités importantes.
• En premier lieu, l’exercice de certaines activités nécessite l’obtention d’une licence (loi du 11 janvier 2007) auprès d’un ministère ou d’une autre agence publique, en fonction de l’activité concernée. Vingt-cinq secteurs d’activité sont concernés, parmi lesquels : l’industrie, les transports, l’éducation, l’information et la communication, les services, la santé (y compris animale), la culture, les bâtiments (y compris l’architecture), les jeux, les spiritueux et les tabacs ou encore la finance.
Plusieurs catégories de licences existent : générales (generalnie) et illimitées dans le temps ; ponctuelles (razovie) et limitées dans le temps, avec volume et montant (en argent ou en nature) autorisés (concerne notamment l’industrie des jeux et les opérations économiques) ; opérationnelles (operativnie) pour certaines opérations bancaires et catégories d’assurances.
Pour obtenir une licence, toute une série de documents administratifs et juridiques sont à fournir. Si le dossier de demande est accepté, la licence est délivrée dans un délai de 15 jours ouvrables à compter du dépôt du dossier. Le délai est de 30 jours pour obtenir les licences dans les secteurs de la finance et de l’utilisation de l’énergie nucléaire.
• En deuxième lieu, en matière immobilière, le droit est restrictif pour les étrangers (Code civil, Code foncier, loi sur l’enregistrement immobilier) qui n’ont pas accès à la propriété. Cela les oblige à s’appuyer sur un partenaire local ou à essayer d’obtenir un permis de résidence, tâche réputée difficile. Toutefois, hors ces restrictions, les investisseurs étrangers peuvent bénéficier d’un certain nombre d’avantages, de nature fiscale et douanière.
3/ Bénéficier des régimes d’incitation
Le contrat d’investissement
Pour bénéficier des avantages, l’investisseur étranger doit, comme nous l’avons signalé plus haut, signer au préalable un contrat d’investissement avec le Comité aux investissements du ministère de l’Industrie et des Nouvelles technologies.
Les préférences qui lui seront accordées ensuite le seront pour une durée déterminée, et varieront en fonction de l’importance du projet et de son impact attendu en termes de développement. D’une façon générale, le projet d’investissement devra répondre à des exigences de création, d’amélioration ou de renouvellement de moyens de production. Il devra intéresser l’une des activités prioritaires dont la liste est dressée chaque année par le gouvernement.
Pour déposer un dossier de demande auprès du Comité des investissements, un certain nombre de documents administratifs, juridiques et financiers sont à fournir. Le délai de délivrance du contrat est de 30 jours.
Important ! Seules les entités de droit kazakhstanais peuvent bénéficier d’aides à l’investissement, ce qui implique nécessairement, signale le guide Ubifrance, que l’investisseur ait procédé à une création ou a un rachat d’actifs, ou encore qu’il ait pris une participation au capital d’un actif existant.
Avantages et obligations de l’investisseur
L’investisseur étranger qui aura franchi les étapes précédentes pourra, muni de son contrat d’investissement, bénéficier de différents types d’avantages :
• douaniers : exemption des droits de douane sur l’importation de produits (équipement, matières premières, pièces détachées) nécessaires au projet (5 ans maximum) ;
• étatiques en nature (maximum 30 % de la valeur de l’investissement), notamment terrains, bâtiments, équipements et machinerie, ou moyens de transport ;
• avantages sur la taxe foncière et la taxe immobilière (pour les entités réalisant les projets d’investissement stratégiques approuvés par le gouvernement);
• avantages industriels (pour les entités réalisant les projets d’investissement stratégiques dans les villes à faible niveau de développement socio-économique et dont la liste doit être approuvée par le gouvernement), notamment compensation ou remboursement partiel des frais de réalisation gaz/énergie, d’achat des terrains et des bâtiments.
Attention ! En cas d’annulation ou d’achèvement anticipé du contrat, « l’investisseur doit rembourser l’intégralité des avantages dont il a bénéficié », avertit le guide Ubifrance.
Les zones franches
Le programme « Stratégie pour le développement industriel et l’innovation 2010-2014 » du Kazakhstan, outre qu’il a identifié des secteurs prioritaires, a introduit la création de zones franches sous la tutelle du ministère de l’Industrie et du Commerce :
Plusieurs zones franches ont déjà été créées, parmi lesquelles : Astana-ville nouvelle (2001), dédiée au BTP (http://zhana.astana.kz/) ; Aktau-Seaport, dédié à la production d’équipements pour l’industrie pétrolière, en vigueur jusqu’au 1er janvier 2015 ; Alatau (2003), dédiée aux TIC, en vigueur jusqu’au 1er octobre 2013 (www.aitc.kz) ; Ontustyk (2005), dédiée au textile, en vigueur jusqu’au 1er juin 2030 (www.textilezone.kz) ; Bourabay (2008), dédiée au tourisme, en vigueur jusqu’au 1er décembre 2017.
Les avantages fiscaux sont conséquents : exonération de l’impôt sur les bénéfices, de la taxe foncière, de la taxe immobilière, de la TVA (à l’exception d’Aktau Seaport), des droits de douane (dans certaines conditions).
À noter que plusieurs projets de nouvelles zones franches seraient envisagés par le gouvernement. Le Kazakhstan a également développé des parcs technologiques, un peu sur le modèle français des pôles de compétitivité, avec des aides en termes de soutien logistique, services, infrastructures, équipements, etc.
4/ Différentes possibilités pour s’installer
Au Kazakhstan, selon le guide Ubifrance, les deux voies les plus courantes d’implantation sont, d’une part, le bureau de représentation ou succursale, d’autre part, la filiale. En théorie, comme mentionné plus haut, aucune discrimination n’est faite entre les sociétés résidentes et étrangères.
Bureau de représentation ou succursale
Bureau de représentation et succursale ne sont pas considérés comme des entités juridiques autonomes et présentent des similitudes sur de nombreux points, notamment leur statut juridique, leur procédure d’enregistrement et leur coût.
Toutefois, il est important de souligner qu’un bureau ne peut avoir aucune fonction commerciale, son rôle étant purement et simplement représentatif, contrairement à la succursale.
Les transferts de fonds internes peuvent être effectués librement et ne font l’objet d’une notification aux autorités fiscales ou à la banque centrale que lorsqu’elles engagent un tiers.
Se doter d’une filiale
La filiale est une entité juridique à part entière qui prend généralement la forme, au Kazakhstan, soit d’une société par actions (AO), soit d’un « partenariat à responsabilité limitée (TOO) ». La TOO est la forme la plus répandue dans ce pays, selon le guide Ubifrance, notamment parce que ce statut est plus souple et moins exigent en termes de capital social, de reporting et de management interne. Ainsi, le capital minimum exigé pour une AO est de 80,9 millions de KZT (environ 426 000 euros) alors qu’il est de 161 800 KZT (850 euros) pour la TOO. D’une façon générale, la législation en vigueur pour ces deux types est assez proche des normes occidentales.
Parmi les autres modes d’implantation au Kazakhstan, on peut citer les co-entreprises (joint ventures) avec des partenaires locaux (sachant qu’il n’est pas nécessaire que les partenaires locaux soient majoritaires). De même, l’acquisition d’une société kazakhstanaise est possible, l’investisseur étranger pouvant être actionnaire à 100 % « sans difficultés ». Enfin, le développement de la franchise est à signaler (voir encadré « Franchise : le vent en poupe »).
5/ Le dédouanement : tenir compte des délais
L’édition 2013 du guide de la Banque mondiale Doing Business évalue à 69 jours le délai moyen de transit des marchandises au Kazakhstan. Le pays est classé au 182e rang seulement pour l’efficacité de son transport transfrontalier, ce dont il faudra tenir compte au moment de la rédaction des contrats et de l’organisation des livraisons.
Le régime douanier du Kazakhstan (code douanier du 30 juin 2010) s’inspire des normes de l’OMC, ce qui est plutôt un bon point pour les opérateurs étrangers. Le Kazakhstan a par ailleurs cherché à harmoniser ses tarifs avec les pays voisins, dans le cadre de la Communauté des États indépendants (CEI) et de la Communauté économique eurasiatique (CEEA). Cette dernière a notamment permis de générer une Union douanière avec la Russie et la Biélorussie, en vigueur depuis juillet 2010, qui a eu pour effet de relever le niveau général des tarifs douaniers du pays.
Au plan national, auparavant, les tarifs étaient fixés par le gouvernement via le Comité du contrôle douanier du ministère des Finances (www.customs.kz) : ils oscillaient entre 5 % et 30 % selon les produits. Il existait 17 régimes douaniers particuliers, mais celui de la libre circulation restait le plus répandu. Comme indiqué précédemment (avantages et obligations de l’investisseur), certains biens destinés à des investissements dans les secteurs prioritaires ou en provenance de pays moins développés peuvent bénéficier d’exemptions. Au total, il faut faire attention aux délais du dédouanement. « Le régime douanier kazakhstanais peut parfois constituer un obstacle pour les investisseurs étrangers », souligne le guide Ubifrance « S’implanter en Ouzbékistan et au Kazakhstan », au même titre que le système fiscal. En outre, prévient-il, « certaines pratiques contraignantes (obligation de se conformer aux normes qualitatives locales, nécessité de présenter des documents/certificats inhabituels) peuvent rallonger les délais de passage des douanes ». Au total, il est recommandé aux opérateurs étrangers « de se familiariser avec ces démarches et de respecter les exigences des autorités douanières qui demeurent très influentes ».
Actualisé avec le concours de James Hogan et de Janneta Butabayeva, du cabinet Salans à Almaty
Bloc-notes
• Comité du contrôle douanier du ministère des Finances : www.customs.kz (accessible en russe, kazakh et anglais)
• Site l’Union douanière : www.tsouz.ru
• Guide « S’implanter au Kazakhstan et en Ouzbékistan », décembre 2009, 69 euros TTC, Éd. Ubifrance
Tél. : 01 40 73 34 60 – www.ubifrance.fr