Pour aborder le Kazakhstan d’aujourd’hui, jeune République indépendante depuis décembre 1991, il faut prendre conscience d’où il vient. Retour sur quelques étapes clés d’une course au rattrapage économique qui se poursuit aujourd’hui.
Le Kazakhstan n’est pas encore indépendant que Noursoultan Nazarbaïev négocie avec les autorités et les pétroliers américains pour leur allouer le gisement pétrolier de Tengiz. Conscient que c’en est fini de l’URSS, il comprend d’instinct que cette indépendance ne sera réelle que si le pays valorise ses richesses avec l’aide d’entreprises occidentales.
Les raisons sont géopolitiques, financières et technologiques. À force d’insister, Noursoultan Nazarbaïev obtient de rencontrer tard dans la nuit James Baker, le chef de la diplomatie américaine, très proche des milieux pétroliers de son pays, dans un grand hôtel de Moscou. Son opiniâtreté paie. Le 6 mai 1993, le Kazakhstan vend Tengiz pour 1 milliard de dollars à Mobil et à Chevron. La désormais ex-république soviétique ne prend que 25 % des parts du consortium. Ouverture au capital étranger et diplomatie qui s’appuie sur les richesses nationales pour neutraliser les grandes puissances les unes par les autres, dans le but de défendre l’indépendance du pays.
La politique menée dans un secteur comme l’uranium suivra le même schéma, jusqu’à placer le Kazakhstan au premier rang mondial des producteurs. Il n’est même plus seulement question de céder ses gisements pour un bon prix. En échange d’une licence d’exploitation, Astana exige désormais de prendre des parts à tous les niveaux du cycle nucléaire. Terminé le temps où la république centrasiatique n’était qu’exportatrice de ses matières premières.
Les premiers temps de l’indépendance sont chaotiques. Le pays avait sa place bien spécifique dans l’économie soviétique. Mais l’URSS n’existe plus, les chaînes industrielles sont rompues. En 1995, le PIB du Kazakhstan est 60 % plus bas qu’à la veille de l’indépendance. M. Nazarbaïev lance dans l’urgence des réformes établissant le marché libre, il privatise à tour de bras, en vendant beaucoup des gisements du pays à des entreprises étrangères, comme Mittal qui rachète l’énorme aciérie de Temirtau en 1995, assainit les fondamentaux macro-économiques. Un « choc sans thérapie » diront certains.
Au milieu des années 1990, l’entourage du président s’empare des postes clés : sécurité intérieure, médias, grandes entreprises, énergie, banque », explique le politologue Bayram Balci. Au tournant des années 2000, l’économie kazakhstanaise s’envole et connaît une croissance qui flirte avec les 10 % jusqu’à la crise financière, qui s’est invitée au Kazakhstan dès 2007. Mais le pays a le vent en poupe, notamment après la découverte des fabuleuses réserves de brut du gisement offshore de Kashagan.
Depuis la fin des années 1990, le Kazakhstan est moins libéral. Changement de stratégie politique ? « Non, nous n’avons pas vraiment de politique économique propre. Depuis l’indépendance, ce n’est qu’une politique d’opportunisme, qui explique aussi le nationalisme économique de ces dernières années », estime l’économiste Kanat Berentaïev. Quoi qu’il en soit, cette approche plus interventionniste s’accompagne d’une volonté réelle de diversifier l’économie et de créer un solide tissu industriel national, quelque peu freinée par la corruption et la bureaucratie.