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Japon 2015 : ces PME qui réussissent sur un marché d’innovation

C’est un marché énorme et de plus en plus abordable que les PME françaises abordent au Soleil levant. Les Japonais et les Japonaises sont curieux de l’inventivité à la française, de la French Touch et de la tradition tricolore. Encore faut-il oser.

 

« Le Japon n’est pas un pays où on peut travailler avec un annuaire. Il faut un réseau » ; « il faut dix ans pour récupérer son investissement » ; « les Japonais sont fermés »… Cette litanie est de plus en plus rare dans les cafétérias des entreprises françaises. En réalité, le Japon s’est beaucoup normalisé depuis quinze ans. Les coûts d’implantation y sont devenus aussi raisonnables qu’en France. Les acteurs du marché intérieur sont curieux de nouvelles solutions pour retenir leur clientèle.
La seule difficulté propre au Japon est de réaliser les bons recrutements. Rares encore sont les cadres japonais assez flexibles pour travailler dans l’environnement, perçu comme peu sûr, d’une entreprise étrangère. Dans un pays où la mobilité professionnelle est encore un mythe, les nouveaux entrants ont du mal à convaincre les « locaux » que l’avenir est peut-être davantage de leur côté que de celui des brontosaures du Keidanren, le Medef local. Mais même cette difficulté tend à disparaître. Les jeunes Japonais refusent de passer sous les mêmes fourches caudines que leurs parents (horaires délirants, poids de la hiérarchie, promotion à l’ancienneté) et lorgnent de plus en plus vers la solution alternative qu’est l’emploi dans une société étrangère. Ce statut d’outsider a aussi un très bon côté : il attire les Japonais les plus iconoclastes et les plus libres, deux qualités qu’il faut bien qualifier de rares au pays du Soleil levant et de la politesse millimétrée.

 

My Little Paris : un site de mode très parisien dessiné pour les Japonaises

 

C’est la petite boîte en train de devenir grosse. My Little Paris, site prescripteur lancé par Fany Péchiodat en 2008 à partir d’un réseau de « 50 copines », a choisi le Japon pour la première escapade à l’étranger (dès 2013, avant Londres !) de son concept My little box. L’idée : livrer à domicile une sorte de « pochette-surprise » chic composée de produits et d’accessoires dénichés par les spotteuses de My little Paris : magazines, accessoires de mode, cosmétiques…

La France s’arrache déjà la boîte, envoyée chaque mois à des dizaines de milliers d’adeptes. Pourquoi le Japon ? Pour le groupe, l’archipel est une vieille histoire : une des principales raisons du succès de My Little Paris est le talent de son illustratrice Kanako Kuno, au trait à la fois enfantin et acéré, de Sempé en jupons. Mais la vraie raison de l’implantation de My little box au Japon est l’inusable « franco-béatitude » des Japonaises. Ces dernières sont nos meilleures ambassadrices. Elles aiment Paris davantage que les Françaises et continuent de placer la Parisienne sur un piédestal. Grands magasins et médias leur transmettent live les dernières tendances qui naissent Rive Gauche, avec pour centre d’attraction Le Bon Marché.

Le sens du détail de ces clientes mythiques dans l’industrie de la mode (les plus exigeantes du monde), leur recherche permanente de l’originalité, l’excellence “zéro défaut” enfin du réseau logistique au Japon font de ce pays la seconde patrie de concepts originaux comme My Little Box. Aurélie Routhier et Ikumi Kataoka se sont appuyées sur 17 « little ladies », blogueuses nippones dont le pouvoir d’influence rivalise avec celui des grands magazines. Résultat : 3 000 box vendues en deux jours sur internet lors du lancement en septembre 2013 et 11 000 abonnés mensuels aujourd’hui. Les abonnés acquittent 3 200 yens (24 euros) par box et peuvent résilier leur abonnement quand bon leur semble.

« Nous gardons à la boîte son caractère très parisien, Mais nous expliquons davantage la valeur du produit. Nous incluons des photos pour expliquer ses usages, alors que les Françaises préfèrent se passer d’explications.
Par exemple, si nous incluons un rouge à lèvres très rouge, ce qui est populaire en France, nous devons expliquer pourquoi ce rouge est si couru ! » explique Ikumi Karaoka. My little box est aussi devenu le canal d’importation de marques étrangères au Japon déjà populaires en France avant que les grands magasins ne les repère. Comme la créatrice de bijoux Delphine Pariente, qui est entrée en contact avec les Japonaises grâce à My little box. L’entreprise vise 15 000 abonnés d’ici la fin de l’année au Japon, soit l’équivalent de l’audience de My little Box à Londres aujourd’hui et six fois moins que l’audience en France et en Belgique (90 000 abonnés).

 

Japan Experience : l’agence qui  offre la maison et l’accompagnement touristique

 

Être chez soi, mais au Japon. C’est le concept de Japan Experience, la plus dynamique des agences de voyages tournées vers le Japon. Le groupe a ouvert un bureau en 2006. L’entreprise fondée par Claude Saulière, amoureux de longue date de l’archipel, et son benjamin Thierry Maincent, commence à proposer une formule à l’époque révolutionnaire : passer ses vacances dans une maison japonaise. Une option particulièrement adaptée pour les familles de touristes, grevées de coûts énormes quand elles doivent passer par les hôtels traditionnels de l’archipel.
Passer ses vacances dans une maison « locale » : Une sorte de Airnbnb avant l’heure ? Claude Saulière, fondateur de Japan Experience, s’en défend. « Airbnb est une activité purement immobilière alors que nous offrons une authentique prise en charge des visiteurs ». L’agence a recruté des travel angels qui accompagnent les visiteurs dans leur séjour : comment faire les courses, trier les ordures correctement, se renseigner sur l’actualité culturelle de la ville… Une manière aussi de « décomplexifier » le Japon, perçu comme obscur, opaque, peu accueillant pour les étrangers, et cher.
Depuis, son agence a acquis pas moins de 40 maisons japonaises dans l’archipel. De manière surprenante pour un pays à l’image si protectionniste, acquérir une propriété est relativement simple au Japon – plus simple à beaucoup d’égards qu’en France. « La vente peut être conclue quelques jours seulement après la décision », explique Claude Saulière. Japan Experience bénéficie dans sa politique d’acquisition de la très forte décote des authentiques maisons japonaises, très prisées des étrangers pour leur esthétique et leur charme, mais délaissés par les Japonais eux-mêmes qui recherchent plutôt le confort du neuf, fût-il esthétiquement sans intérêt. Ce « malentendu » durera-t-il toujours ? Le quartier du Marais aussi était considéré comme insalubre et aujourd’hui, c’est un des plus chers – et un des plus touristiques – de Paris. Les maisons japonaises sont si attractives que des dizaines de Français, résidents en Asie ou même dans l’Hexagone, en achètent désormais chaque année, soit pour faire un placement, soit pour leurs vieux jours. De Kyoto, le phénomène s’est étendu vers les autres futures destinations touristiques japonaises : Fukuoka, Kanazawa, Takayama… Japan Experience, premier vendeur de « pass » ferroviaires pour touristes à l’étranger, a de grands plans pour l’avenir. Elle s’occupe aujourd’hui de plus de 10 000 voyageurs par an.

 

Wine Star : du vin en canettes pour éclairer la vie des urbains

 

Le vin en canettes séduira-t-il les Japonais ? C’est le pari de Wine Star. Cette PME a percé en mars, lors du Foodex, le salon annuel agroalimentaire japonais, avec cette nouvelle manière de distribuer le plus célèbre breuvage de France. Wine Star propose un vin d’une qualité étonnante (un excellent Corbières, dans un pays où les vins du sud sont encore rares), en petite quantité et donc à petit prix : 87 millilitres (soit le quart d’une bouteille) pour 450 yens. « Cela veut dire 1 800 yens pour une bouteille entière, ce qui est encore raisonnable », explique Junko Watanabe, la représentante de l’antenne japonaise. Le vin demeure un produit minoritaire au Japon face à la bière et au saké, mais l’archipel n’est pas un marché négligeable : un Japonais adulte boit en moyenne trois litres de vin par an, soit le double de ce que boit un adulte chinois. La distribution en canettes est particulièrement bien adaptée à la révolution sociologique que vit le Japon : les foyers individuels se multiplient, et le mode de consommation s’adapte. En 2011, une personne sur trois déclarait vivre seule au Japon. Ce ratio ne fera qu’augmenter. Dans ces conditions, et alors que la fréquentation des restaurants baisse, il est devenu plus rare de justifier la consommation d’une bouteille entière de vin, surtout à la maison. La canette, au design noir élégant, atteste de la sophistication du contenu. « Nous proposons un produit parfaitement adapté aux centres urbains. Les jeunes femmes qui prennent seules leur déjeuner peuvent s’offrir un verre grâce à nous », explique Junko Watanabe. Wine Star a déjà remporté une très jolie victoire : ses canettes ont séduit la chaîne de cafeterias Pronto, qui les proposera à partir de novembre dans ses 200 établissements. Junko Watanabe compte bientôt offrir à ses clients de nouveaux vins, « des Bordeaux, des rosés » pour devenir plus attrayante.

 

Sin Rejac : emballer les Japonais avec des rubans de qualité

 

Il fallait oser proposer aux Japonais, ce peuple pour qui le paquet importe davantage que le cadeau, de nouvelles solutions d’emballage. Mais la PME Sin Rejac a quelque chose que personne d’autre n’a : des rubans d’une qualité à toute épreuve, qui en font le leader mondial sur son segment. Ceux-ci sont utilisés par la plupart des grandes marques de luxe européennes, sauf-conduit et brevet de moralité absolus pour qui désire s’imposer au Japon. Les marques nippones utilisent traditionnellement le noshi (bande de papier entourant un cadeau) pour leur emballage. Mais Sin Rejac les
a convaincues d’ajouter ce « petit plus ». Noriko Ninomiya, la représentante au Japon de la société, refuse de divulguer les noms des marques qu’elle sert, car elle est liée par des règles strictes de confidentialité. Mais il existe un moyen infaillible de les reconnaître : si, lorsqu’on gratte un ruban, le logo qu’il porte ne s’enlève pas, nous sommes bien chez Sin Rejac. Le groupe avait déjà des clients japonais issus du luxe. Il a souhaité ouvrir un bureau au Japon l’an dernier pour faciliter le dédouanement et le paiement de sa marchandise à ses clients. Il est ainsi au plus près des distributeurs. C’est que le ruban est devenu un aspect très important d’un produit, explique Noriko Ninomiya. C’est le détail qui est en réalité essentiel. Ainsi, dans une boutique qui proposera des dizaines de sortes de chocolats relativement similaires à Noël, le ruban peut faire la différence aux yeux du client. Surtout si le produit est un cadeau. Et surtout à une époque où la distribution se fait de plus en plus à domicile, donc où le paquet est devenu un élément capital de l’expérience client. « Nous sommes très occupés au moment de la Saint-Valentin, des fêtes de Noël et pour les fêtes des pères et des mères », explique Noriko Ninomiya. Les marques japonaises utilisent désormais les rubans Sin Rejac pour exporter vers les marchés asiatiques, nouvelle terre de croissance d’un Japon en panne démographique. Et la marque a
enrichi son offre de rubans de gammes de sacs, pochettes, rubans adhésifs, bracelets, fleurs parfumées et étiquetées… du ruban à l’emballage, il n’y a qu’un pas.

Regis Arnaud

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