Pour relancer l’économie de son pays qui sort juste de la récession, le Premier ministre Matteo Renzi avance à marche forcée dans l’exécution des grands chantiers de modernisation de l’économie et de l’espace social. À l’instar du Jobs Act et du salaire horaire légal.
Impressionnant », « déterminé », « rapide », les observateurs économiques et politiques que vient de contacter Le Moci sont élogieux pour ce jeune Premier ministre italien qui « prend des risques » : de fait, Matteo Renzi, 40 ans, leader du parti démocratique au pouvoir depuis 2014, n’hésite pas à bousculer « les conservatismes de droite comme de gauche », jouant de sa popularité « qui va bien au-delà de celle de son parti » et de la faiblesse de l’opposition, représentée par Forza Italia (la droite classique de Silvio Berlusconi), « qui est moribonde », et la Ligue du Nord (la droite populiste de Matteo Salvini), « qui est très diminuée ».
Du coup, Matteo Renzi n’a pas hésité à s’affranchir de l’avis du Parlement et de consultations périlleuses avec les syndicats pour lancer le Jobs Act, une réforme du Code du travail visant à lutter contre l’immobilisme et à insuffler de la flexibilité dans un pays comptant 42,6 % de chômeurs de moins de 25 ans. Dans un État soumis à la même dualité de contrats, à durée indéterminée (CDI) et déterminée (CDD), que la France, l’ancien maire de Florence, successeur d’Enrico Letta au gouvernement, a décidé la fondation d’un nouveau type de CDI, plus flexible les premiers mois, mais offrant une protection progressive avec l’ancienneté. Il s’agit du contrat à protection croissante, principal volet du Jobs Act qui a fait l’objet d’un décret début mars. D’après le centre d’études Data Lavoro, embaucher 342 000 chômeurs et transformer les rapports contractuels de travailleurs précaires ou inactifs permettraient de créer 680 300 CDI. Déjà une bonne nouvelle : Fiat et Telecom Italia ont promis de nouvelles embauches.
Cette première étape réalisée, le gouvernement a annoncé la constitution d’une agence de l’emploi et d’un salaire horaire légal, de l’ordre de 6,5 à 7 euros nets, pour les salariés ne bénéficiant pas de conventions collectives.
Aujourd’hui, l’Italie dispose encore d’un salaire minimum selon les branches ou négocié avec les partenaires sociaux. Ce qu’on appelle des contrats collectifs (400 au total). Le gouvernement est tenu cette fois de consulter les syndicats, ce qui risque de lui compliquer la tâche.
Sur le plan politique, Matteo Renzi a réussi à persuader le Sénat de soutenir son projet de réforme électorale, visant à favoriser la formation de majorités et de gouvernements stables. Parallèlement, le Premier ministre a engagé la réforme de la Chambre haute, qu’il veut transformer en chambre des régions, dont le rôle serait réduit à l’examen des réformes et lois constitutionnelles et à la ratification des traités internationaux. En définitive, le 9 mars, la Chambre des députés a adopté largement la réforme du Sénat, le jeune Premier ministre remportant une nouvelle victoire à l’approche des élections régionales de mai.
Dans sa boulimie de réformes, Matteo Renzi n’a pas oublié le volet économique. Milan, la capitale de la Lombardie, est la seule grande métropole italienne à disposer d’un réseau complet de fibre optique. Si l’on ajoute que moins de 59 % de la population possèdent un accès à Internet, d’après le site World Stats, alors on comprend pourquoi le gouvernement dans le domaine du haut débit veut aussi accélérer. Le Conseil des ministres a approuvé un plan national de six milliards d’euros, « mais tout cela reste flou », selon un observateur. Deux milliards seraient des fonds européens gérés par les Régions. Le gouvernement envisage d’accorder aux entreprises des avantages fiscaux et une simplification administrative et veut obliger les opérateurs à s’engager dans la couverture du pays en fibre optique. Il a aussi décidé de soutenir l’agriculture, l’efficacité énergétique, la recher-che, l’innovation, l’exploitation des brevets industriels et des marques.
Soutenu par la puissante Confédération générale de l’industrie italienne (Confindustria), le plan Made in Italy trouve une certaine résonance dans certains États européens. Doté un budget global de 260 millions d’euros pour la promotion des entreprises et l’attraction des investisseurs étrangers en 2015, soit « six fois la moyenne des investissements publics qui ont été attribués à la promotion export au cours des cinq dernières années », note Corinne Moreau, directrice générale de Promosalons (Comité pour la promotion à l’étranger des salons français), ce plan cible plus particulièrement la mode et le design, l’alimentation et la mécanique. Les ambitions sont fortes : générer dès 2016, dans le cadre de ce plan, 50 milliards d’euros d’export, avec le renfort notamment de 22 000 nouvelles sociétés à l’international, et 20 milliards d’investissements sur le territoire national.
« 48 millions d’euros seront consacrés directement à la promotion internationale d’une trentaine de salons référents », rapporte Corinne Moreau, « inquiète quant à la distorsion de concurrence qui risque de s’accentuer » avec les salons français, précise-t-elle dans la lettre trimestrielle de Promosalons parue en mars. Mais, d’un point de vue général, il faut remarquer que l’offensive transalpine rejoint la préoccupation du patronat français en faveur du Made in. À l’occasion du dernier Sommet franco-italien, le 24 février à Paris, Confindustria et Medef sont convenus d’une « large phase de concertations entre les professions et secteurs concernés ». La France et l’Italie défendent, à contre-courant de l’Europe du Nord, la proposition de la Commission européenne d’un étiquetage d’origine obligatoire.
« Comme la France, l’Italie est agacée par ce qu’elle appelle Italian Sounding pour qualifier le comportement déloyal de certains à l’étranger utilisant et dénaturant l’image de l’Italie à leur profit », remarque un industriel. À l’approche des échéances électorales et alors que l’industrie souffre toujours, malgré de bonnes performances à l’export, l’Italian Sounding est dénoncé notamment par le président de la Région lombarde, Roberto Maroni, membre de la Ligue du Nord.
La Lombardie, à l’instar de la Vallée d’Aoste, du Piémont et de la Ligurie, participe à l’eurorégion Alpes-Méditerranée (Alp-Med) avec les régions françaises de Rhône-Alpes et Provence-Alpes Côte d’Azur (Paca). Président d’Alp-Med, le patron du Piémont, Sergio Chiamparino, s’est déjà entretenu avec son homologue rhônalpin, Jean-Jack Queyranne, au sujet de la liaison ferroviaire Turin-Lyon. Ce grand projet devrait figurer dans le « programme d’investissement commun franco-italien » que Paris et Rome ont promis, à l’issue du Sommet bilatéral de Paris, de présenter « pour être éligible » au plan d’investissement et de relance de l’économie européenne de 315 milliards d’euros, proposé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Lors du Sommet de Paris, les deux capitales ont décidé d’engager les « travaux définitifs de la section transfrontalière » et signé « le dossier de demande de subvention auprès de la Commission européenne au titre du Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE) sur la période 2014-2020 ». Ils ont ainsi réaffirmé « l’importance fondamentale d’une participation de l’Europe à hauteur de 40 % du coût des travaux du tunnel de base, qui sera le maillon essentiel pour les grands flux de transport et les dynamiques économiques depuis la péninsule ibérique jusqu’à l’Est européen par la France et l’Italie ».
François Pargny
Chiffres clés 2014
Superficie : 301 000 km2
Population : 61,1 millions d’habitants
Chômage : 12,7 % (42,7 % pour les 15-24 ans)
Produit intérieur brut (PIB) : 1 616 milliards d’euros
Croissance : -0,4 %
Inflation : 0,2 %.
Prévisions 2015 et 2016 : – 0,3 % et + 1,5 %
Dette publique : 2 135 milliards d’euros, soit 132,1 % du PIB
Déficit public : – 3 % du PIB.
Prévisions 2015 et 2016 : – 2,6 % et – 2 %
Importations : 354,52 milliards d’euros (- 1,62 % sur 2013)
Exportations : 395,18 milliards d’euros (+ 2,03 % sur 2013)
Source : ONU/Insee, Istat, Commission européenne, GTA/GTIS